Le jeudi 26 septembre 2024 à 21:27
Le parquet de Paris a requis un procès devant la cour criminelle départementale pour Brice C., un policier de la Compagnie de sécurisation et d’intervention des Hauts-de-Seine (CSI 92) accusé d’avoir éborgné Jérôme Rodrigues, l'une des figures des Gilets jaunes, lors d'une manifestation à Paris le 26 janvier 2019, a-t-on appris de source judiciaires, confirmant une information de Mediapart. Les faits se sont produits place de la Bastille, où l'agent a lancé une grenade de désencerclement, provoquant une mutilation permanente chez le manifestant. Le parquet a demandé que Brice C. soit jugé pour "violences avec arme, par personne dépositaire de l’autorité publique, ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente", un crime passible de quinze ans de réclusion criminelle.
Brice C. ainsi qu'un autre fonctionnaire de police, Baptiste R., avaient été mis en examen en janvier 2021 dans cette affaire. Ce dernier est soupçonné d'avoir blessé à la jambe Michaël, un ami de Jérôme Rodrigues, par un tir de lanceur de balles de défense (LBD) lors de la même manifestation. Un procès est également requis pour Baptiste R., mais pour "violences volontaires aggravées n’ayant pas entraîné une incapacité totale de travail (ITT) supérieure à huit jours", un délit.
Au moment des faits, la confusion régnait quant à l’origine exacte des blessures de Jérôme Rodrigues et de Michaël, en raison de la simultanéité du tir de LBD et du lancer de grenade. Les forces de l'ordre avaient, dans un premier temps, nié l'utilisation d'un LBD à cet instant précis. Mais l'enquête menée par l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) et le juge d'instruction, qui s'est appuyée sur des vidéos amateurs et des images de sécurité, ainsi qu'une reconstitution des événements sur place, a permis de clarifier les choses.
Les avocats de Brice C. évoquent la «légitime défense»
L'avocat de Jérome Rodrigues, Me Arié Alimi, a déclaré à l'AFP que c'était "l'heure des comptes", pointant la responsabilité de plusieurs figures institutionnelles, dont le préfet de police Laurent Nuñez, les syndicats de police, le ministère de l'Intérieur et Emmanuel Macron, dans ce qu'il a qualifié de "victimes du maintien de l'ordre". Il a également dénoncé le "harcèlement policier" subi par son client pour avoir contesté "une politique de précarisation extrême du peuple français".
De son côté, la défense de Brice C., représentée par Me Sébastien Journé et Me Gilles-William Goldnadel, soutient à nos confrères que le policier a agi en "légitime défense". Le lancer de grenade aurait été une réponse à des "violences commises par des black blocs situés à proximité immédiate de M. Rodrigues". L’avocat a annoncé qu’il allait formuler "de nouvelles observations très vives" devant le juge d'instruction.
Un contexte «tendu» et «particulièrement difficile»
Dans ses réquisitions, la procureure a précisé que les deux policiers étaient intervenus dans un contexte "tendu" et "particulièrement difficile", marqué par un manque de "formation spécifique au maintien de l’ordre". Elle a souligné que la force ne pouvait être employée sans sommation que dans des cas précis, notamment lorsque des violences étaient exercées ou en l'absence d'autre moyen pour protéger le terrain occupé. Elle a cependant écarté l'hypothèse selon laquelle Jérôme Rodrigues ou son ami auraient eu "un comportement agressif" à l'égard des policiers, en dehors de simples invectives. Selon la magistrate, les "propos virulents" d'un autre manifestant auraient provoqué le tir de grenade de Brice C., mais ces propos, bien que "inadaptés", ne constituaient pas une menace physique. En outre, la procureur a estimé que Jérôme Rodrigues n'a pas été "personnellement visé".
Il appartient désormais au juge d'instruction de décider si un procès aura lieu.