Le dimanche 18 avril 2021 à 21:36
De nombreux sujets sécuritaires ont été passés en revue durant cet entretien accordé au quotidien Le Figaro, qui a été publié ce dimanche soir. Le chef de l'État évoque d'abord la violence en augmentation en France, et défend dans le même temps son bilan : "Depuis 2017, si la France connaît une baisse entre 18 et 25% des vols avec violences, cambriolages et des vols de véhicules, elle doit faire face, c’est vrai, à une forte augmentation des violences sur les personnes".
La hausse de 38% des violences intrafamiliales et des violences sexuelles sont à mettre "un peu à part", selon lui, car elle est liée "à la salutaire libération de la parole des victimes et à la mobilisation des forces de l’ordre". Les agressions visant les représentants de l'État "ont doublé en quinze ans", rappelle Emmanuel Macron. Un mal qui n'est "pas propre à la France" dit-il et qui est "sans doute accéléré sous l’effet d’une désinhibition provoquée par les réseaux sociaux et la culture de l’anonymat". "La violence s’ancre d’abord dans les quartiers les plus pauvres", constate-t-il. "Elle touche d’abord les plus modestes (...) Je me bats pour le droit à la vie paisible".
"Les actes commis sont ignobles et d’une rare cruauté"
C'est ensuite le verdict du procès des policiers brûlés à Viry-Châtillon (Essonne) qui est évoqué, alors que les avocats des fonctionnaires ont fait part de leur exaspération, tout comme les syndicats de policiers. "Une décision de justice a été rendue. Il ne m’appartient pas de la commenter. (...) Les actes commis sont ignobles et d’une rare cruauté. Ils resteront gravés dans nos mémoires. Jamais je n’accepterai que l’on s’attaque à ceux dont le métier est de nous protéger", réagit le chef de l'État. "C’est aussi pour cela que j’ai voulu augmenter le budget des forces de sécurité de 1,7 milliard depuis mon élection".
"Nous avons musclé le renseignement territorial, tant sur le plan technologique que sur le plan humain, mais aussi fait monter en puissance la Direction générale de la sécurité intérieure et créé le renseignement pénitentiaire", poursuit Emmanuel Macron qui précise que "35 attentats" ont été déjoués depuis sa prise de fonction. Il rappelle aussi sa volonté de lutter contre les trafics de stupéfiants qui "forment la matrice économique de la violence dans notre pays". "Sur les 4 000 points de deal répertoriés récemment, plus de 1 000 opérations «coup de poing» ont été réalisées ces dernières semaines. Et chaque jour, nous fermons un point de deal", souligne le président.
"Un grand débat national sur la consommation de drogue"
Emmanuel Macron souhaite "aller plus loin, provoquer une prise de conscience" concernant la consommation de produits stupéfiants. "Dire que le haschisch est innocent est plus qu’un mensonge. Sur le plan cognitif, les effets sont désastreux. Combien de jeunes, parce qu’ils commencent à fumer au collège, sortent totalement du système scolaire et gâchent leurs chances ?".
"Il faut briser ce tabou, lancer un grand débat national sur la consommation de drogue et ses effets délétères", ajoute-t-il.
"Nous allons généraliser les caméras-piétons dès cet été"
Par ailleurs, le chef de l'État annonce que les caméras-piétons vont être généralisées pour les policiers. "Elles vont tout changer. Ce moyen vidéo portatif fixé sur la tenue de l’agent est aussi un instrument destiné à prévenir les dérapages qui sont à sanctionner (...) Conformément à mes engagements, nous allons donc généraliser les caméras dès cet été dans toutes les brigades, puis un an plus tard pour tous les policiers. Ce dispositif va inhiber les gens violents, parce que je peux vous garantir que quand vous vous savez filmé, vous réagissez différemment".
"Je souhaite que la police de la République soit sans reproche. Parce que j’estime que nos forces de l’ordre doivent être défendues, je tiens à ce que la protection fonctionnelle des policiers soit accordée dès le début de toute procédure qui les met en cause", poursuit le président de la République. "Mais je veux aussi que l’on tire toutes les conséquences disciplinaires quand il y a un rapport à charge, ce qui n’est pas toujours le cas, et que l’on rende publics ces rapports".
Une réserve de 30 000 hommes dans la police et une académie à Montpellier
Il y aura bien 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires en 2022 affirme le chef de l'État. "Ils seront tous sur le terrain avant la fin du quinquennat. Aujourd’hui, 4 508 policiers et 1 706 gendarmes ont déjà été recrutés, soit 6 214 membres des forces de l’ordre. Nous aurons en complément, dès cette année, 2 000 policiers et gendarmes de plus. Et parmi ces nouveaux policiers, l’essentiel iront directement en Sécurité publique, c’est-à-dire sur la voie publique."
💬 INTERVIEW EXCLUSIVE - Le chef de l’État @EmmanuelMacron défend son bilan sur la sécurité et affiche sa détermination à «faire reculer la délinquance partout». https://t.co/WSNz2kEvsW
— Le Figaro (@Le_Figaro) April 18, 2021
"J’annonce aussi la création d’une réserve de 30 000 hommes
dans la police, tandis que celle de la gendarmerie passera de 30
000 à 50 000 hommes", poursuit-t-il. "Concrètement, cela
veut dire que chaque Français verra plus de bleu sur le terrain en
2022 qu’en 2017. Ça rassure les gens, ça dissuade les
délinquants". Il fait ensuite une annonce concernant la
formation des policiers : "Nous allons aussi, côté policier,
renforcer l’encadrement, améliorer profondément les formations et
créer une forme d’école de guerre avec de la formation continue qui
sera installée dans l’agglomération de Montpellier". "Les
policiers, tout au long de leur parcours, passeront par cette
académie de police pour suivre des formations de trois à six
mois".
"Nous allons même changer l’uniforme des policiers"
Le président confirme qu'il y aura un nouvel uniforme dans la police nationale. La casquette sera remplacée par le calot pour tous les fonctionnaires. "Nous allons encore d’ici la fin du quinquennat, renouveler 50% du parc automobile de la police. C’est du jamais vu. Nous allons même changer l’uniforme des policiers et remplacer la casquette par un calot, pour moderniser un peu tout cela", détaille-t-il. "Le message est limpide: fierté et reconnaissance de la République pour ceux qui protègent."
Dans le même temps, Emmanuel Macron annonce un renforcement des moyens de la justice. "La justice de proximité, ce n’est pas un slogan: c’est de l’efficacité, plus de justice, plus proche, plus vite. Pour cela les moyens suivent: 8% d’augmentation du budget, 1 000 effectifs de plus pour régler plus vite les dossiers". Les places de prison vont aussi progresser souligne-t-il : "Nous en avons déjà lancé 7 000 et je tiendrai là aussi les 15 000. Nous ferons les 8 000 restantes dans la foulée."
Le projet de loi "Sécurité globale", qui a été définitivement adopté cette semaine par le parlement, élargit les prérogatives des policiers municipaux. "Nous ne sommes pas un modèle fédéral, avec des shérifs", prévient le chef de l'État, interrogé sur un potentiel désengagement de l'État suite à ce texte de loi. "Par contre, partager de l’information entre polices, mutualiser des moyens: en somme, du bon sens, cela est dans la nouvelle loi."
"Un changement de la loi" suite à l'affaire Sarah Halimi
Emmanuel Macron est ensuite interrogé sur l'affaire Sarah Halimi, alors que la cour de cassation a décidé cette semaine de déclarer irresponsable, Kobili Traoré, le tueur présumé de cette femme de 65 ans. Un drame qui s'est produit en avril 2017. "La Cour de Cassation a appliqué de manière très stricte les textes existants: il n’existe pas, c’est vrai, de principe d’exclusion systématique de l’irresponsabilité pénale en cas d’absorption volontaire de stupéfiants", explique le président. Reconnaissant qu'« à ses yeux », le fait de consommer des stupéfiants ne devrait pas conduire à une irresponsabilité pénale, il précise qu'il "souhaite que le Garde des Sceaux présente au plus vite un changement de la loi".
Plusieurs quotidiens ou médias locaux ont évoqué des consignes données par des préfets, visant une application plus souple du couvre-feu en raison du ramadan. "Je fais pleinement confiance aux préfets pour s’adapter aux réalités du terrain. Pour le reste, le couvre-feu s’applique sur l’ensemble du territoire et pour tout le monde, sans distinction", répond Emmanuel Macron.