Le mardi 31 mai 2022 à 10:21 - MAJ mardi 31 mai 2022 à 23:48
La chute du balcon en 2016 avait tué quatre étudiants : le tribunal correctionnel d'Angers a condamné mardi trois des constructeurs du bâtiment à de la prison avec sursis mais a relaxé le conducteur des travaux et l'architecte Frédéric Rolland.
La relaxe de l'architecte de 66 ans a provoqué des soupirs et des pleurs sur les bancs des parties civiles dans la salle comble du tribunal d'Angers. "Je suis en colère, je ne l'accepte pas. Comment peut-il être relaxé, continuer son bonhomme de chemin ?", s'est étonnée Nathalie Ferchaud, mère de Baptiste, mort à 25 ans dans l'effondrement.
Lors de la lecture du jugement, la présidente du tribunal a souligné que "les manquements aux obligations professionnelles de l'architecte" étaient "sans lien de causalité certain avec l'effondrement du balcon". C'est pourtant à l'encontre de M. Rolland que la peine la plus lourde, quatre ans de prison dont deux ferme, avait été requise début mars, à l'issue de près de quatre semaines d'audience. "Quel message donne-t-on aux jeunes architectes ? C'est une décision douloureuse", a lancé Pascale Chéné, mère de Lou, 18 ans, également morte dans l'accident.
Le tribunal a en revanche reconnu la responsabilité civile de l'architecte, qui devra indemniser les victimes au même titre que les trois condamnés sur le volet pénal. L'avocat de Frédéric Rolland s'est dit "satisfait" du jugement. "Il ne s'agit ni d'une victoire, ni d'une défaite, mais de la restitution de la réalité d'un chantier", a affirmé à la presse Me Cyrille Charbonneau. "Le tribunal a estimé que toutes les fautes sans lien de causalité certain, de même que les fautes ne revêtant pas le caractère d'une faute qualifiée, ne devaient pas être retenues pour asseoir la responsabilité pénale", a précisé la juridiction dans un communiqué.
Le conducteur des travaux, Éric Morand, 53 ans, a ainsi été lui aussi relaxé alors que le parquet avait requis trois ans de prison, dont 18 mois avec sursis, à son encontre. Les fautes qui lui sont reprochées "sont sans lien avec l'effondrement du balcon", a estimé le tribunal dans ce communiqué.
Douleur
Le patron de l'entreprise de construction, Patrick Bonnel, 73 ans, a en revanche été condamné pour blessures et homicides involontaires à trois ans de prison avec sursis et près de 25 000 euros d'amende. M. Bonnel "ne s'est pas assuré de la formation et de la compétence du chef de chantier et des ouvriers", ce qui a entraîné un "risque qu'il ne pouvait pas ignorer en tant que professionnel de la construction", a dit la présidente du tribunal. Trois ans de prison, dont un an avec sursis, avaient été requis à son encontre.
Le chef de chantier Jean-Marcel Moreau, 63 ans, et le représentant du bureau de vérification Apave, André de Douvan, 84 ans, ont tous deux été condamnés à 18 mois de prison avec sursis et 1000 euros d’amende, des peines conformes aux réquisitions.
"L'essentiel est qu'il y ait des condamnations pénales", a réagi Me Marc Morin, avocat des parties civiles. "Toute la difficulté de ce dossier, c'est que les conséquences sont dramatiques mais que la condamnation pénale est pour des faits à caractère involontaires. Les victimes ont le sentiment que la peine prononcée est sans rapport avec la douleur qu'ils ont subie."
«Bricolage»
Le soir du drame, ils étaient 18 étudiants, âgés d'une vingtaine d'années, à discuter sur un balcon de la résidence "Le Surcouf", dans le centre d'Angers, lorsque celui-ci avait soudain basculé dans le vide. Dans les décombres, les pompiers avaient découvert les corps de Lou, 18 ans, Antoine, 21 ans, Benjamin, 23 ans, et Baptiste, 25 ans. Quatorze autres victimes avaient été hospitalisées. Entendus lors du procès, les experts avaient listé toute une série de malfaçons dans la construction des balcons, allant jusqu'à évoquer une "forme de bricolage".
Dans leur décision, les juges ont retenu deux causes à l'origine du drame : "La mauvaise position des aciers supérieurs destinés à reprendre les efforts de traction" et une "reprise de bétonnage non conforme avec les règles de l'art", selon le communiqué du tribunal.