Le jeudi 17 novembre 2022 à 11:46
Morgan Keane, 25 ans, a été tué alors qu'il coupait du bois chez lui, dans un village du Lot : le procès du chasseur qui a tiré et du directeur de la battue a débuté jeudi matin devant le tribunal correctionnel de Cahors.
L'accident est survenu le 2 décembre 2020 en fin d'après-midi, alors que la lumière du jour déclinait, dans un hameau du village de Calvignac. Une battue au sanglier était organisée dans un bois proche de la propriété du Franco-Britannique. Le tireur dira qu'il l'a confondu avec un sanglier. La mort du jeune homme avait scandalisé ses proches et des opposants à la chasse dans le Lot, qui ont créé un collectif, Un jour un chasseur, réclamant une évolution de la législation sur la chasse.
Peu avant l'ouverture de l'audience, Audrey Tindilière, membre de ce collectif, a assuré à l'AFP que "beaucoup de gens nous soutiennent", et que "80% des gens sont pour des mesures renforçant la régulation de la chasse, pour mieux partager la nature avec les chasseurs".
L'enquête des gendarmes avait mis en évidence que le tireur de 35 ans était inexpérimenté, ne connaissait pas les lieux et que la battue avait été mal préparée et mal conduite. Ce chasseur a notamment été "posté à un endroit impossible", là où "un chasseur aguerri n'aurait pas tiré" sans bien identifier sa cible, estime Benoit Coussy, avocat du frère de la victime, Rowan Keane, qui s'est constitué partie civile. La Fédération des chasseurs du Lot, qui compte quelque 6500 adhérents, est également partie civile. Une démarche systématique dans ce genre de procès, précise son président Michel Bouscary.
«Condamnation exemplaire»
Le président de la Fédération nationale des chasseurs (FNC) Willy Schraen espère "une condamnation exemplaire". "Les chasseurs qui ne respectent pas les règles élémentaires, on les exclut définitivement de nos rangs. Ça ne doit plus arriver. C'est inadmissible, cette erreur a conduit à la mort d'un homme. Si on ne sait pas sur quoi on tire, on ne tire pas", a-t-il insisté.
Jugés pour "homicide involontaire", l'auteur du tir mortel et le directeur de battue, un chasseur expérimenté de 51 ans, encourent jusqu'à trois ans d'emprisonnement, 75.000 euros d'amende, l'interdiction de détenir une arme pendant cinq ans ou le retrait définitif de leur permis de chasse.
Pour Audrey Tindilière, il faudrait notamment une meilleure formation des chasseurs et "des peines plus dissuasives". "C'est tout un système qu'on dénonce", explique-t-elle.
Tout en saluant la présence du directeur de battue sur le banc des prévenus, un fait assez rare dans ce genre de procès, Me Coussy a regretté que d'autres chasseurs ne soient pas également jugés pour ne pas avoir alerté de la présence de la victime ou pour avoir quitté les lieux après le coup de feu mortel, sans lui prêter assistance.
L'auteur du tir, venu chasser dans le Lot pour la journée depuis le département voisin de l'Aveyron où il réside, est sous contrôlé judiciaire avec interdiction de chasser, de détenir et porter une arme depuis sa mise en examen, le 4 décembre 2020.
En France, le nombre d'accidents de chasse est à la baisse depuis 20 ans, selon l'Office français de la biodiversité (OFB). Néanmoins, pour la saison 2021/22, l'OFB a recensé 90 accidents de chasse, contre 80 la saison précédente. Parmi eux, huit accidents mortels, dont deux concernant des victimes non-chasseurs.
Le jugement devrait être mis en délibéré à une date ultérieure.