Le vendredi 11 mars 2022 à 01:09
Neuf policiers sont jugés jeudi et vendredi par le tribunal judiciaire de Nancy pour harcèlement moral et injures racistes envers quatre de leurs collègues sur qui ils exerçaient des pressions psychologiques "pour qu'ils partent d'eux-mêmes" du service, entre 2015 et 2018.
Pendant la première journée d'audience, les parties civiles et les témoins ont tous raconté le même mécanisme de mise à l'écart des policiers qui "n'étaient pas d'accord" avec ceux qualifiés de "meneurs du groupe", sur le banc des accusés. Ces "meneurs" ne disaient pas bonjour ni ne serraient la main à ceux qu'ils avaient désignés comme leurs boucs émissaires. Ils les reléguaient à l'arrière du véhicule lors des patrouilles, ne leur donnaient pas de tee-shirts floqués de l'unité et ne les invitaient pas aux moments de convivialité, selon témoins et parties civiles.
Un policier d'origine maghrébine arrivé en avril 2017 à la BAC de nuit de Nancy, où "il ne connaissait personne", a expliqué à la présidente Mireille Dupont avoir "essayé" de s'intégrer, sans succès. Quelques semaines après, un collègue avec qui il avait sympathisé lui a révélé les insultes racistes proférées par ses désormais ex-collègues dans une conversation de groupe Messenger.
"Bicot", "bougnoule"
Dans ce groupe duquel il était exclu, ces derniers le traitaient de "bicot" et "bougnoule", selon un des témoins auditionnés, un policier qui a quitté la BAC après avoir révélé à sa hiérarchie la teneur de ces échanges. "Des phrases de haine comme cela, je n'en ai jamais vu au cours de mes enquêtes", a souligné la commandante Caroline Lamarque, qui a signé l'enquête de l'IGPN, la "police des polices".
Même les supérieurs hiérarchiques du groupe en ont fait les frais : un ancien chef de la BAC de nuit a expliqué être tombé des nues en arrivant dans le service en 2017, en constatant les "pauses à rallonge" de ses subordonnés qui ne faisaient selon lui preuve d'"aucune bonne volonté" et étaient "ingérables", racontant à la présidente que son adjoint allait même jusqu'à lui "savonner la planche". "Ils m'ont détruite, j'ai vécu un calvaire" a raconté une autre victime, des sanglots dans la voix, seule femme du groupe entre 2013 et 2017. Ces policiers ont tous témoigné des répercussions sur leur vie privée : relations familiales devenues "exécrables", allant jusqu'au divorce pour certains.
"C'était de la bêtise"
Le principal accusé, visé par quatre plaintes et décrit comme le principal meneur, mal à l'aise à la barre, a nié toute ostracisation et minimisé les mésententes avec ses anciens collègues, affirmant même qu'on lui "faisait payer" d'avoir un "fort caractère".
Quant aux messages dégradants laissés sur le casier d'une des victimes, il a rétorqué que ça n'était qu'une "boutade". Les conversations Messenger ? "Ce n'était pas beau, c'était de la bêtise", a-t-il convenu, niant cependant toute volonté de nuire. Les prévenus encourent jusqu'à deux ans de prison.