Le vendredi 11 février 2022 à 17:20 - MAJ vendredi 11 février 2022 à 19:27
Nordahl Lelandais a reconnu vendredi lors de son procès pour le meurtre de la petite Maëlys lui avoir porté des "coups volontaires", mais a catégoriquement nié avoir voulu l'agresser sexuellement ou lui donner la mort. "C'est le moment de vous expliquer, vous avez la parole", lui a lancé la présidente Valérie Blain en introduction de ce premier interrogatoire très attendu sur les faits, en clôture de la deuxième semaine de son procès pour le meurtre de l'enfant précédé d'enlèvement et de séquestration.
Mais l'ex-militaire de 38 ans n'est pas revenu sur ses positions antérieures, niant avoir "volontairement" enlevé la fillette, ainsi que tout mobile pédophile à son égard, alors qu'il est aussi jugé devant les assises de Grenoble pour des agressions sexuelles contre deux petites-cousines âgées de 4 et 6 ans ce même été 2017.
Debout dans le box en chemise claire, Nordahl Lelandais a commencé par raconter sa version des faits, souvent les larmes aux yeux, reconnaissant avoir très souvent menti aux enquêteurs. "Quoi que je dise, je ne vais pas être cru", s'est-il désolé à plusieurs reprises, tout en assurant dire "la vérité aujourd'hui". Revenant sur la nuit du 26 au 27 août, il a admis en pleurant que "les coups étaient volontaires, ce n'était pas un accident. Mais je n'avais aucune intention de donner la mort" à Maëlys.
"Elle ouvre la porte"
Puis la présidente Valérie Blain l'a bombardé de questions pendant près de trois heures tandis que lui multipliait les dérobades du type "Je ne sais pas (...) C'est très compliqué". Selon Lelandais, l'enfant âgée de huit ans, rencontrée à une fête de mariage à Pont-de-Beauvoisin (Isère), a eu quelques brèves interactions avec lui au cours de la soirée à propos de chiens, puis l'a rejoint de son plein gré sur le parking alors qu'il s'apprêtait à partir en voiture pour chercher de la cocaïne.
"Et bêtement, je lui dis "monte" et elle ouvre la porte". "Je n'avais aucune mauvaise intention", relate-t-il. "Je me dis que ça lui fera plaisir de voir mes chiens", relate-t-il pour expliquer la présence à son bord de cette fillette qu'il ne connaissait pas quelques heures plus tôt. "Là sur le trajet, ça ne se passe pas du tout comme ça aurait dû se passer malheureusement", poursuit-il. "Elle s'est mise à hoqueter".
Nordahl Lelandais dit avoir alors ressenti la même "peur" que la nuit d'avril 2017 au cours de laquelle il avait donné la mort au jeune caporal Arthur Noyer. "J'avais déjà tué un homme, c'est quelque chose que j'avais en tête constamment et j'ai tourné la tête et eu une impression complètement folle", dit-il. "Je ne sais pas si je peux parler du mot d'hallucination". Il se tourne vers elle et lui porte "trois coups".
Ayant tenté en vain de prendre le pouls de la fillette inanimée, il finit par la déposer dans un premier lieu près d'une voie ferrée avant de rentrer cher lui pour se changer et de retourner au mariage pour avoir "une forme d'alibi". Il transportera plus tard le corps dans une forêt "pour cacher (son) crime". "Je ne sais pas ce qui s'est passé. Mais c'est moi, bien sûr que c'est moi qui l'ai fait", dit-il présentant une nouvelle fois ses "excuses" à la famille. "De la honte, des remords, de la culpabilité, j'en aurai toute ma vie", lâche-t-il.
L'accusé rejette en revanche catégoriquement tout mobile pédophile. "On aimerait que je dise que c'est un crime sexuel mais pas du tout", a-t-il encore ajouté. "Je n'étais pas du tout dans cette optique sexuelle, loin de là". Les déclarations de l'accusé sont "une injure et un crachat au visage de mes clients", a réagi devant la presse l'avocat de la mère de Maëlys, Me Fabien Rajon. "C'est quelqu'un qui n'a aucun respect, aucune considération pour les familles des victimes", s'est-il indigné.
"Ils bluffent"
Dans la matinée, l'ancien procureur chargé de l'enquête à l'époque de la disparition de Maëlys, Jean-Yves Coquillat, aujourd'hui retraité, avait qualifié l'accusé et ses avocats "d'excellents joueurs de poker (qui) attendent de voir le jeu de l'autre (et) bluffent". Quant à Lelandais, c'est quelqu'un "d'extrêmement dangereux", "un menteur, un hâbleur, un dissimulateur, un séducteur", avait-il estimé. Son exposé avait été brutalement interrompu par l'avocat de la défense Me Alain Jakubowicz, qui a déclaré n'avoir "jamais vu une attaque aussi directe" contre la défense et exigé en vain une interruption de séance.
Déjà condamné à Chambéry en mai 2021 à 20 ans de réclusion pour le meurtre d'Arthur Noyer, l'accusé encourt la réclusion criminelle à perpétuité pour le meurtre de Maëlys. Le verdict est attendu vendredi prochain.