Le vendredi 21 janvier 2022 à 10:30 - MAJ vendredi 21 janvier 2022 à 13:36
A New York, les morts violentes de deux femmes dans le métro et lors d'un braquage ont ravivé le débat sur l'insécurité et le souvenir d'une mégapole dangereuse, au moment où elle se relève doucement de la pandémie.
Michelle Go, une Américaine de 40 ans, membre de la communauté asiatique, est morte samedi, poussée sur une voie du métro par un sans-abri, au moment où un train entrait dans la station très fréquentée de Times Square, cœur battant de la capitale économique et culturelle des États-Unis. La veille, une Portoricaine de 19 ans, Kristal Bayron-Nieves, était abattue par un braqueur, à la caisse d'un Burger King du quartier d'East Harlem, toujours sur l'île de Manhattan.
Les deux homicides ont créé un vif émoi à New York, où les conséquences économiques et sociales de la pandémie de Covid-19 sont encore visibles et où la reprise est ralentie par un nouveau pic des contaminations après l'arrivée du variant Omicron.
D'après la police new-yorkaise (NYPD), il y a eu 488 homicides en 2021 dans la mégapole de près de neuf millions d'habitants, une légère hausse après la forte augmentation de 2020 (468 homicides contre 319 en 2019), l'année où la ville a été frappée de plein fouet par la pandémie. "Ce sont des chiffres faibles, mais inquiétants, car il y a une augmentation et nous ne voulons pas revenir à la situation d'il y a 25 ans, quand nous avions un taux d'homicide quatre fois supérieur", explique à l'AFP Jeffrey Butts, professeur au John Jay College of Criminal Justice de l'université de New York.
400 millions d'armes à feu
"New York, comme d'autres villes américaines, voit la violence par armes à feu augmenter, ce que l'on ne voit pas ailleurs (dans le monde), parce que l'Amérique aime les armes à feu. Et il y en a tellement qu'on en a 400 millions en circulation", soit plus d'une par habitant, enfants compris, ajoute le chercheur.
Il rappelle qu'au tout début de la pandémie, qui a fait environ 37 000 morts à New York depuis deux ans, il y avait eu un "bond" des achats d'armes à feu. Mercredi, un bébé de 11 mois a été grièvement blessé par une balle perdue dans le Bronx, alors qu'il se trouvait dans la voiture de sa mère. "Il y a une combinaison de facteurs", ajoute Richard Aborn, président de l'organisation Citizens crime commission, dont le but est d'améliorer la sécurité publique.
A la prolifération des armes et au Covid-19, qui a d'abord frappé les quartiers pauvres, s'ajoutent selon lui "les protestations contre les violences policières après la mort de George Floyd, qui ont eu un effet déstabilisant sur les relations entre la police et les habitants". D'après cet ancien candidat au poste de procureur de Manhattan, une récente réforme de la justice pénale à New York a aussi pu créer le sentiment erroné que certains crimes sont moins punis.
Santé mentale
Après le meurtre de Michelle Go, l'attention s'est de nouveau portée sur les personnes atteintes de troubles psychiatriques, notamment chez les sans-abris dans le métro. Le nouveau maire démocrate Eric Adams, un ancien policier élu notamment sur la lutte contre la délinquance, a reconnu qu'il "ne se (sentait) pas en sécurité" dans le grand réseau souterrain de transport.
Mais d'après des données officielles, les délits dans le métro ne représentent que 2% du total. "Nous ne devons pas diaboliser ceux qui sont passés au travers des mailles du filet et n'ont pas reçu le traitement que nécessitent leurs problèmes mentaux", a expliqué le maire, le second afro-américain à diriger la ville, lors d'une veillée pour Michelle Go, à Times Square mardi.
Eric Adams, qui a pris ses fonctions le 1er janvier, a promis qu'il renforcerait la présence policière dans le métro pour ses millions d'usagers. De son côté, la gouverneure de l’État, Kathy Hochul, a promis la construction de 100 000 logements à bas prix et 10 000 places dans les centres d'accueil pour les plus pauvres au cours des cinq prochaines années.
"Il faut trouver des solutions qui vont au-delà de l'ordre public, parce que nous ne pouvons pas seulement compter sur l'ordre public", estime Jeffrey Butts.