Le patron de la gendarmerie évoque «la possibilité d'un conflit armé» en France

Le général Hubert Bonneau, directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN), a tracé une feuille de route marquée par des enjeux sécuritaires majeurs, allant de la préparation à un éventuel "conflit armé" à la lutte contre la criminalité organisée, tout en appelant à des choix budgétaires stratégiques.
Le patron de la gendarmerie évoque «la possibilité d'un conflit armé» en France
Hubert Bonneau en novembre 2024 lors d'une interview avec l'association des maires de France (AMF). (capture écran vidéo)
Par Actu17
Le mardi 28 janvier 2025 à 15:12

Dans une lettre adressée le 19 janvier dernier à l'ensemble des personnels de la gendarmerie nationale, le directeur général Hubert Bonneau a présenté sa feuille de route pour l'année à venir. Ce document, révélé parLe Monde et Intelligence Online, insiste sur les défis sécuritaires et stratégiques auxquels la France pourrait être confrontée dans un contexte international instable.

Hubert Bonneau estime que "depuis l'invasion russe en Ukraine, la possibilité d'un conflit armé et d'une agression du sanctuaire national doit être sérieusement envisagée". Il évoque ainsi "l'hypothèse d'un engagement majeur" et anticipe des évolutions politiques internationales qui pourraient affecter la défense européenne, notamment en raison des incertitudes autour des relations transatlantiques. Selon lui, "les évolutions politiques aux États-Unis avec leurs possibles conséquences sur l'Otan, vont sans doute pousser l'Europe à s'engager plus avant pour sa propre défense".

Le directeur général souligne également la menace d'acteurs internes et externes qui cherchent à "déstabiliser la Nation", en particulier dans les territoires ultramarins. "Face à cela, je veux insister sur notre lien avec les Armées et sur l'enjeu structurant de la DOT (Défense opérationnelle du territoire)", écrit-il. Et de rappeler : "En tant que force militaire, nous avons le devoir de nous y préparer pour tenir notre place".

Lutte contre la criminalité et le narcotrafic

Outre ces enjeux géopolitiques, le général Bonneau place la lutte contre la criminalité organisée et les narcotrafics parmi les priorités majeures de la gendarmerie. Il annonce la création d’une Unité nationale de police judiciaire de la gendarmerie, confiée au général Sylvain Noyau, nommé préfigurateur de cette nouvelle structure. Cette unité centralisera les capacités d’enquête, de renseignement criminel et d’expertise criminalistique de la gendarmerie.

Il insiste par ailleurs sur la nécessité de "renforcer l'efficacité de l'action" dans le domaine du renseignement, tout en "préservant absolument les équilibres institutionnels qui prévalent en matière de renseignement".

Des moyens sous tension

Concernant le budget, Hubert Bonneau alerte sur les contraintes financières et la nécessité de prioriser les investissements. "Il nous faudra faire des choix et accepter des priorisations", prévient-il, tout en exprimant le souhait que les lignes budgétaires prévues pour 2025 soient maintenues.

Cette lettre a suscité des réactions mitigées parmi certains cadres de la gendarmerie. L’un d’eux, sous couvert d’anonymat, déclare à l'AFP : "Pour la gendarmerie, il y a d’autres sujets plus importants que la DOT. Les vraies questions, c'est : est-ce qu’on aura les budgets pour nos 200 brigades mobiles, les voitures, notre présence sur la voie publique ?"Un autre cadre relativise en évoquant une simple "réaffirmation de l'appartenance des gendarmes aux Armées".

En parallèle, Hubert Bonneau met en lumière des difficultés opérationnelles, notamment liées à la répartition des effectifs entre police et gendarmerie. Cette problématique avait été soulignée dans un rapport récent de la Cour des comptes qui dénonçait une "répartition déséquilibrée" des zones de compétence.

À la tête de la gendarmerie nationale depuis octobre 2024, après avoir commandé le GIGN, Hubert Bonneau conclut sa lettre en appelant à une mobilisation collective pour faire face à une conjoncture qu’il qualifie de "volatile et marquée par des conflits et menaces multiples".