Le vendredi 18 décembre 2020 à 22:02
Une nouvelle enquête va-t-elle débuter ? La justice rendra sa décision le 26 janvier prochain. La famille de Myriam Sakhri, retrouvée morte le 24 septembre 2011 dans la caserne Delfosse à Lyon, réclame de nouvelles investigations sur la base de nouveaux éléments, notamment des témoignages a annoncé la cour d'appel de Lyon ce vendredi.
"Considérant que les attestations communiquées par les conseils des parties civiles constituent effectivement des charges nouvelles (…) la procureure générale a saisi la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Lyon ce jour de réquisitions de réouverture de l’information judiciaire", mentionne la cour dans un communiqué. Cette information judiciaire pourrait être ouverte contre X des chefs d'« homicide involontaire » et de « harcèlement moral ».
Dans un communiqué, les deux avocats de la famille, Mes William Bourdon et Vincent Brengarth, se félicitent de cette décision du parquet général. "Ces réquisitions extrêmement rares, s'inscrivent dans le prolongement de l'important travail de réanalyse du dossier ayant donné lieu à une requête longue de 64 pages et accompagnant de nouveaux témoignages", précisent-t-ils. "Il s'agit, enfin, d'un pas décisif vers la manifestation de la vérité que la famille attend légitimement depuis maintenant plus de neuf années".
Des questions sur les circonstances de la mort de Myriam Sakhri, gendarme décédée en 2011 alors qu’elle mettait en cause sa hiérarchie, restent en suspens.
Pour ses proches, avec @BourdonWilliam2, nous demandons, à la faveur de nouveaux éléments, la réouverture de l’instruction. pic.twitter.com/g1xfoQrCph
— Vincent Brengarth (@v_brengarth) December 5, 2020
"Merci à G. le connard !!"
Myriam Sakhri, sous-officier âgée de 32 ans, s'est tirée une balle dans la poitrine dans son logement de fonction. Une arme de service a été retrouvée sur place, ainsi que deux étuis, l'un sous le canapé. La trentenaire avait laissé un mot avant de mettre fin à ses jours : "Merci à G. le connard !!". Il s'agit de son supérieur direct, un colonel devenu général de brigade depuis le drame. Six mois après son décès, l'enquête a conclu à un suicide pour "raisons personnelles", explique Le Monde.
La famille de la défunte estime qu'elle a fait l'objet d'un harcèlement constant de la part d'autres militaires durant les mois qui ont précédé sa mort, et notamment de racisme. Une enquête en ce sens a fait l'objet d'un classement sans suite en 2012.
Mais les 64 pages de cette nouvelle requête apportent de nouveaux éléments dans ce dossier selon les deux avocats. "Les principes d’impartialité et d’indépendance ont été bafoués, ce qui est corroboré par les nouvelles attestations de témoins, faisant état de pressions subies pendant les investigations", affirmaient en novembre dernier Mes William Bourdon et Vincent Brengarth, à nos confrères.
"Je dois en plus supporter les réflexions racistes de certains personnels"
Myriam Sakhri travaillait depuis 2010 au centre d’opérations et de renseignement de la gendarmerie (CORG). Un service qui répond 24 heures sur 24 aux appels passés au "17". "Outre le fait que l’atmosphère est tendue, je dois en plus supporter les réflexions racistes de certains personnels", avait écrit la militaire dans son ordinateur. Elle raconte également que les mots "bougnoule", "boukak" et "youpin" sont régulièrement employés. Face au malaise qu'elle vivait, Myriam Sakhri s'est fait arrêter puis exemptée de service de nuit pour deux mois, en mars 2011.
Des absences qui n'auraient pas plu à ses collègues, estimant qu'il s'agissait de "complaisances". Ces derniers l'auraient alors prise en grippe. La militaire avait déclaré dans un entretien avec un chef d’escadron, 48 heures avant son décès, qu'elle faisait l'objet de rumeurs sur sa vie privée mais aussi de propos racistes et d'insultes. « L’adjudante N. avait dit : "Les bougnoules faisaient chier à l’extérieur et maintenant, c’est au bureau" », a-t-elle notamment affirmé ce jour-là. Une mutation dans une caserne "peu enviée" lui avait alors été proposée détaille le quotidien. Myriam Sakhri avait de son côté commencé à constituer un dossier pour démontrer qu'elle subissait un harcèlement.
Une enquête partiale ?
En outre, les avocats de la famille soulignent le fait que le colonel visé par le mot laissé par la défunte, a participé à la première enquête. Il a notamment été chargé de « réunir les éléments administratifs concernant Myriam Sakhri » et s'est rendu sur place lors de la perquisition. L'officier a aussi organisé une réunion deux jours après les faits. A cette occasion, il a indiqué que Myriam Sakhri faisait l'objet de plusieurs affaires judiciaires.
Cette dernière avait consulté les fichiers des forces de l'ordre en utilisant les mots de passe d'un de ses collègues, alors qu'elle était en arrêt maladie, dans le but d'aider une amie de sa mère à retrouver sa fille perdue de vue précise le journal. L'un des gendarmes entendus dans cette affaire déclare aujourd'hui que les propos qu'il a tenus dans son audition ont été déformés. De plus, les avocats de la famille estiment que le reste des investigations au sujet de la mort de Myriam Sakhri, a été réalisé avec partialité.