Le mardi 10 mars 2020 à 21:08 - MAJ mardi 10 mars 2020 à 21:23
« Nous sommes au tout début de cette épidémie » a rappelé Emmanuel Macron ce mardi matin lors d'une courte conférence de presse à la sortie du centre 15 du SAMU de l’hôpital Necker à Paris où il s'est rendu. L'épidémie de Covid-19 qui frappe l'Europe mais aussi le monde inquiète désormais la majorité des pays.
Face à la crise qui est arrivée très vite et à un bilan qui s'aggrave d'heure en heure, le gouvernement italien a pris des mesures radicales et a décidé de mettre la totalité du pays en quarantaine ce lundi soir. 168 décès ont été enregistrés ces dernières 24 heures et 631 personnes contaminées sont décédées dans le pays au total. Le pays a recensé jusqu'ici 10 149 cas selon le dernier bilan officiel.
La France se trouve quant à elle toujours au stade 2 avec un nombre de cas détectés nettement inférieur. Certaines régions de l'hexagone sont déjà passées au stade 2 renforcé pour faire face aux différents clusters localisés notamment dans l'Oise et dans le Haut-Rhin, mais également dans le Morbihan ou en Corse.
La stratégie française est différente de celle de l'Italie a insisté le ministre de la Santé Olivier Véran ce lundi soir : "La différence avec l'Italie, c'est que nous n'empêchons pas la vie sociale, économique, démocratique de continuer […] Si vous fermez tout, si vous dites aux gens de plus aller travailler, alors vous paralysez aussi les hôpitaux et la médecine de ville".
#SoireeBFMTV | Nous avons un objectif : freiner la propagation du #coronavirus. Une image vaut mille mots, voici donc un schéma pour vous expliquer notre stratégie ⤵️ pic.twitter.com/74GOCwqYzm
— Olivier Véran (@olivierveran) March 9, 2020
Conséquence direct du Covid-19 en Italie : de nombreux hôpitaux sont saturés. Un médecin interrogé par le quotidien italien Corriere della Sera, le docteur Christian Salaroli, anesthésiste-réanimateur à l’hôpital Jean-XXIII de Bergame en Lombardie, a décrit une situation critique, expliquant que les médecins italiens devaient aujourd’hui choisir qui soigner « en fonction de l’âge et de l’état de santé, comme dans les situations de guerre ».
« Dire qu’on ne meurt pas du coronavirus est un mensonge qui me remplit d’amertume », a-t-il confié. « Comme il y a malheureusement une disproportion entre les ressources hospitalières, les lits en réanimation et les malades en stade critique, tout le monde ne peut pas être intubé », a expliqué le médecin, ajoutant plus longuement : « on décide en fonction de l’âge et l’état de santé. Si une personne entre 80 et 95 ans a une grave insuffisance respiratoire, il est vraisemblable qu’on ne poursuivra pas. Si elle a une insuffisance multi-organique, de plus de deux ou trois organes vitaux, cela signifie que son taux de mortalité est de 100%. C’est perdu ».
Une aile dédiée aux patients atteints par le coronavirus "déjà remplie à bloc"
En France, 33 décès ont été enregistrés selon le dernier bilan ce mardi à la mi-journée ainsi que 1784 cas au total. Toutefois, la situation dans certains hôpitaux de l'hexagone semble montrer déjà certaines limites. C'est en tout cas ce que plusieurs médecins ont signalé, notamment le professeur Christian Perronne, chef de service en infectiologie à l’hôpital universitaire Raymond-Poincaré de Garches (Hauts-de-Seine), sur le plateau de LCI ce mardi matin.
Une aile dédiée aux malades du coronavirus est "déjà remplie à bloc" indique le praticien. "Ils ont déjà bloqué plusieurs lits [en réanimation] pour pouvoir accueillir des malades si jamais ils s'aggravaient. C'est un vrai problème pour les réanimations (...) car il n'y a pas autant de lits que ça dans toute la France, et en réanimation, la plupart des services ne sont pas du tout organisés pour l'isolement", indique-t-il.
🗣 Le Pr Perronne, chef de service à l'hôpital de Garches :
Cette aile dédiée aux malades du #coronavirus "est déjà remplie à bloc [...] C'est un gros problème pour la réanimation parce qu'il n'y a pas tant de lits que ça".
📺 #AudreyAndCo avec @audrey_crespo sur @LCI. pic.twitter.com/plfewJcfaD
— Audrey & Co (@AudreyAndCoLCI) March 10, 2020
"Je pense que nous allons rattraper l'Italie dans quelques jours"
"Si d'un seul coup il y a un afflux de malades en réanimation, ça va être difficile à gérer", concède-t-il, avant de se montrer inquiet pour la suite. "Je pense que nous allons rattraper l'Italie dans quelques jours", face à l'afflux des patients estime le professeur.
🗣 Le Pr Perronne, chef de service à l'hôpital de Garches :
Cette aile dédiée aux malades du #coronavirus "est déjà remplie à bloc [...] C'est un gros problème pour la réanimation parce qu'il n'y a pas tant de lits que ça".
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— Audrey & Co (@AudreyAndCoLCI) March 10, 2020
"Le problème, c'est de savoir s'il y a des symptômes bénins ou s'il y a des symptômes graves"
Invité également sur le plateau de LCI, le docteur Gérald Kierzek estime pour sa part qu'il n'est pas nécessaire de faire des tests sur tous les patients. "Je pense que ça ne sert à rien de faire les tests : le problème, c'est de savoir s'il y a des symptômes bénins ou s'il y a des symptômes graves. C'est la seule question", explique-t-il.
"Les symptômes bénins doivent être renvoyés à la maison et gérés par la médecin de ville, les gens doivent se protéger pour éviter de contaminer et de diffuser", ajoute Géralod Kierzek.
🗣 Le Dr @gkierzek, sur le #coronavirus :
"Je pense que ça ne sert à rien de faire les tests : le problème, c'est de savoir s'il y a des symptômes bénins ou s'il y a des symptômes graves. C'est la seule question".
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— Audrey & Co (@AudreyAndCoLCI) March 10, 2020
"Nous sommes saturés"
Autre constat alarmant ce mardi matin sur le plateau de BFMTV. "Nous sommes saturés", a décrit Valérie Pourcher, infectiologue à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris (XIIIe).
Comme à Garches, une unité spéciale a été ouverte pour prendre en charge les patients du coronavirus. "On est obligés de faire une unité de maladies infectieuses uniquement dédiée à la prise en charge des patients", a détaillé Valérie Pourcher.
"Nous avons ouvert une autre unité d'hospitalisation pour prendre des patients moins graves, donc un certain nombre de lits en plus, et une unité d'orientation respiratoire pour tester les patients qui le souhaitent", ajoute la médecin qui évalue pour l'heure à moins de 100 le nombre de patients actuellement pris en charge au sein de l'hôpital. "On a 45 lits d'hospitalisation, plus une autre unité de 26 lits puis le centre d'orientation respiratoire, il y a la réanimation aussi".
"On est sur le pied de guerre"
La situation est également compliquée à Mulhouse (Haut-Rhin) où un cluster et de nombreux cas ont été détectés. Ce mardi, 74 patients infectés par le Covid-19 y sont hospitalisés a précisé Corinne Krencker, directrice du Groupe Hospitalier de la Région de Mulhouse et Sud-Alsace (GHRMSA) lors d'un point presse. Cette dernière a évoqué "une crise inédite" et un "énorme défi". "On est sur le pied de guerre", a-t-elle admis. Une dizaine de ces patients sont en réanimation, dont le député du Haut-Rhin Jean-Luc Reitzer (LR), le premier parlementaire a avoir été testé positif au coronavirus.
Le plan blanc a été activé ce samedi à l'hôpital de Mulhouse ainsi qu'à celui de Colmar, le second établissement du Haut-Rhin qui accueille des patients infectés par le coronavirus. L'hôpital Emile Muller de Mulhouse a été contraint de repenser entièrement son fonctionnement. Quatre unités d'hospitalisation dédiées au virus ont été ouvertes et les interventions non urgentes ont été reprogrammées ultérieurement.
Seuls les patients présentant des symptômes graves sont dépistés à Mulhouse
Le nombre d'appels a "explosé à la régulation" a indiqué Marc Noizet, chef des urgences de l'hôpital de Mulhouse. "Nous avons enregistré 1.900 appels" lundi, dont "1.200" liés au virus contre "450 à 500 appels" en temps normal. "Le système de santé commence à être saturé", a-t-il reconnu.
Marc Noizet a également annoncé que l'hôpital ne dépistait désormais qu'uniquement les patients présentant des symptômes graves, ajoutant qu'« il est possible qu'à un moment nos moyens soient dépassés et qu'on soit obligé de s'appuyer sur des établissements périphériques ».
"Nous ne prélevons plus tous les patients qui présentent une suspicion de coronavirus", annonce le chef des urgences de l'hôpital Emile Muller de Mulhouse. L'établissement n'est plus en capacité de prélever que ceux qui "présentent des critères de sévérité" #AFP pic.twitter.com/4SvdNOmiOM
— Agence France-Presse (@afpfr) March 10, 2020
"Les gens ont l'impression que cette maladie est un danger individuel, alors que c'est un danger populationnel"
Le gouvernement a appelé et continue à appeler les Français à appliquer les "gestes barrière" : éviter de se faire la bise ou de se serrer la main, se laver régulièrement les mains et tousser dans son coude, notamment.
"Jusqu'à présent, les gens ont l'impression que cette maladie est un danger individuel, alors que c'est un danger populationnel : à de très rares exceptions près, les jeunes ne vont pas en mourir, mais par contre, ils vont participer au blocage des hôpitaux qui va faire que d'autres en mourront", analyse le médecin réanimateur belge Philippe Devos cité par Sciences et avenir.
Ce mardi soir, le directeur général de la Santé Jérôme Salomon a indiqué que 5000 places de réanimation étaient disponibles en France. « Des réanimations sont très mobilisées dans le Grand-Est et en Ile-de-France », a-t-il précisé. "Chaque journée qui ralentit l'épidémie est une journée supplémentaire accordée aux hôpitaux pour se préparer", a déclaré lundi le patron de l'OMS, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus.
Des mesures comme en Italie ne peuvent être exclues a expliqué Emmanuel Macron
A l'issue d'une vision conférence avec les dirigeants de l'Union européenne ce soir, Emmanuel Macron a déclaré que des mesures de confinement aussi drastiques qu'en Italie ou en Chine pour faire face à l'épidémie de coronavirus n'ont "pas lieu" d'être prises actuellement en France, mais ne peuvent être exclues.