Le mardi 13 décembre 2022 à 09:05
Une reconstitution de la nuit où Delphine Jubillar, une infirmière de 33 ans, a disparu de chez elle en décembre 2020 est prévue mardi à Cagnac-les-Mines, près d'Albi dans le Tarn, en présence de son mari, Cédric Jubillar, principal suspect.
L'instruction entend retracer la soirée du 15 au 16 décembre 2020 au cours de laquelle cette mère de deux enfants a disparu du domicile du couple, en laissant derrière elle ses papiers, ses clés et même ses lunettes, et ce en plein couvre-feu dû à la pandémie de Covid-19.
Toutes les parties ont été conviées à la reconstitution, à partir de 20h00, dans cette maison inhabitée depuis le drame, et qui n'a jamais été achevée, laissant voir ses murs de briques nues. Ce type d'opération, organisée "systématiquement dans les affaires criminelles", vise à "reconstituer le scénario", a précisé à l'AFP Samuel Vuelta-Simon, procureur de la République à Toulouse. Elle se fera "sur la base des déclarations du mis en examen ou des constatations de la police scientifique et des témoignages s'il y en a", a-t-il ajouté.
La reconstitution a été demandée par les avocats de Cédric Jubillar, qui ne cesse de clamer son innocence. "J'attends qu'on nous donne le scénario de l'accusation, qui semble pour le moment un petit peu en peine de nous expliquer ce qui s'est passé cette nuit-là", a déclaré Me Jean-Baptiste Alary, l'un de ses avocats. "Il faut qu'on puisse se défendre de faits précis", a-t-il souligné.
Ni corps, ni aveux
Cédric Jubillar, peintre-plaquiste aujourd'hui âgé de 35 ans, a été mis en examen en juin 2021 pour "homicide volontaire par conjoint" et écroué en isolement à la prison de Seysses, près de Toulouse. Son épouse Delphine lui avait annoncé sa volonté de divorcer et le "contexte de séparation (était) très conflictuel", selon Dominique Alzéari, procureur de Toulouse à l'époque.
D'après ce magistrat, Cédric Jubillar savait que sa femme avait un "amant" et pouvait parfois se montrer "brutal et agressif". De surcroît, deux voisines ont déclaré avoir entendu "des cris stridents de détresse" vers 23h00 le 15 décembre et le fils du couple, alors âgé de six ans, a dit avoir entendu ses parents se disputer ce même soir.
Cédric Jubillar réfute ces affirmations. Selon lui, sa femme serait sortie ce soir-là de la maison vers 23h00 pour promener leurs deux chiens, vêtue d'une doudoune blanche et avec son téléphone portable. Réveillé vers 04h00 par les pleurs de leur fille, il a alerté les gendarmes après avoir constaté l'absence de son épouse.
Deux ans plus tard, et à l'approche de la fin de l'instruction, Delphine Jubillar et son téléphone restent introuvables, malgré d'importantes campagnes de recherches. Faute de corps, d'aveux ou d'élément irréfutable, une source proche de l'enquête préfère parler d'une "mise en situation" plutôt que d'une "reconstitution".
Téléphones interdits
Mardi soir, Cédric Jubillar devra "reproduire les gestes qui ont été les siens tels qu'il les a décrits depuis le premier jour", avance Me Alary, assurant que son client "n'a rien à cacher". Si d'autres gestes doivent être reproduits, ils seront mimés par "un plastron", c'est-à-dire un mannequin ou une tierce personne, explique-t-il. Au cours de cet exercice, les enquêteurs veilleront à détecter toute incohérence.
Les parties civiles représentées par leurs avocats espèrent "qu'il se passe quelque chose et que l'affaire se débloque", selon Me Mourad Battick, avocat de proches de Delphine Jubillar. "Elles attendent que la vérité émerge" et "que Cédric explique ce qu'il s'est passé et qu'on sache où est le corps" afin d'entamer un processus de deuil, a-t-il ajouté.
Les deux juges d'instruction Audrey Assemat et Coralyne Chartier ont par ailleurs demandé à ce que les participants n'apportent pas leur téléphone sur les lieux. Une mesure qui indigne les avocats de la défense. "C'est aberrant, nous n'avons jamais vu ça", tonne Me Alary, qui dit ne pas comprendre les motivations d'une telle requête. Une centaine de gendarmes seront déployés pour sécuriser les lieux et tenir à distance journalistes ainsi que curieux.
La disparition de Delphine Jubillar avait suscité un important émoi en France à l'approche de Noël et peu après la condamnation de Jonathann Daval pour le meurtre de son épouse en Haute-Saône, qu'il avait longtemps nié en jouant le rôle du mari éploré.