«J'ai l'impression de ne plus exister» : une surveillante pénitentiaire se suicide après des années de mise en examen

Delphine Pader, ancienne surveillante pénitentiaire de la prison de Douai, s'est suicidée fin juillet après quatre ans de mise en examen pour introduction d'explosifs en prison, malgré un manque flagrant de preuves. Elle a laissé une lettre à son mari.
«J'ai l'impression de ne plus exister» : une surveillante pénitentiaire se suicide après des années de mise en examen
L'entrée de la prison de Douai. (Google view)
Par Actu17
Le dimanche 13 août 2023 à 18:46 - MAJ dimanche 13 août 2023 à 19:01

Delphine Pader, ex-surveillante pénitentiaire de la prison de Douai (Nord), s'est donné la mort le 31 juillet dernier en avalant une boîte de somnifères. Sa détresse faisait suite à quatre années de mise en examen, dans une enquête où elle était soupçonnée d'avoir introduit des explosifs en prison, pour un détenu, raconte Le Parisien. Une lourde épreuve qu'elle a résumée dans une lettre à son mari, où elle clame son innocence, avant de mettre fin à ses jours : "Je n’aurais jamais pensé que la machine judiciaire pouvait autant s’acharner".

L'affaire débute le 26 octobre 2018, quand Murat G., un détenu, remet à Delphine un sachet contenant 500g de RDX, un explosif militaire. Murat G. assure l'avoir découvert "par hasard" dans le plafond du gymnase. Une tentative d'évasion spectaculaire a été évitée.

L'enquête pointe du doigt Delphine Pader, soupçonnée d'être impliquée dans l'introduction de cet explosif. Elle est mise en examen en mars 2019 pour "association de malfaiteurs", un dossier où elle reste le seul membre pendant quatre ans. Les preuves contre elle sont minces. En janvier 2019, un détenu prétend avoir une vidéo d'elle remettant l'explosif à Murat G., mais l'analyse ultérieure du téléphone n'a révélé aucune vidéo. "On savait tous que cette vidéo n’existait pas, mais ça arrangeait tout le monde de ne pas faire les investigations sur les éléments à charge", assure son avocat, Me Damien Legrand, interrogé par le quotidien francilien.

«Elle ne pesait plus que 40 kg»

La vie de Delphine est bouleversée. Sous contrôle judiciaire, elle se voit interdite de travailler dans l'administration pénitentiaire. Jérôme Pader, son mari, se souvient : "Dernièrement, elle était méconnaissable : elle ne pesait plus que 40 kg". Elle confie dans une lettre à son fils son épuisement face à l'affaire, déclarant ne plus se sentir "mère, femme, ni même professionnelle. J’ai l’impression d’être considérée comme une criminelle, de ne plus exister". Durant des semaines, Delphine Pader et son avocat ont multiplié les courriers sans réponse à la juge en charge du dossier. "Ils n’avaient rien contre elle, mais ils n’avaient pas d’autre piste", estime Me Legrand.

En mai 2023, après des années de silence judiciaire, Delphine est confrontée à Murat G., qui nie toute implication de la surveillante dans le complot. Me Legrand déplore le traitement de sa cliente : "Ma cliente a subi une instruction interminable, clôturée par un interrogatoire qui aurait pu avoir lieu quatre ans plus tôt".

«On a rétabli la peine de mort pour ma femme»

Jérôme Pader, évoquant le calvaire de son épouse, affirme avoir "l’impression qu’on a rétabli la peine de mort" pour sa femme. Avec son fils, ils ont engagé des poursuites contre l'État. Pour Me Legrand, le système judiciaire a fait preuve de "petites lâchetés et compromissions du quotidien, qui aboutissent aux grandes catastrophes".

Si vous ou l'un de vos proches avez des idées suicidaires, contactez le 3114, le numéro national de prévention du suicide, disponible 24h/24, 7j/7. Un professionnel sera à votre écoute.