Lyon : Un Iranien se suicide pour alerter sur la situation dans son pays et laisse une vidéo

Mohammad Moradi, 38 ans, a mis fin à ses jours ce lundi à Lyon, en se jetant dans le Rhône. Il a laissé une vidéo dans laquelle il explique avoir agi pour attirer l’attention sur la situation dans son pays, l'Iran.
Lyon : Un Iranien se suicide pour alerter sur la situation dans son pays et laisse une vidéo
Mohammad Moradi a publié une vidéo pour expliquer les raisons de son geste ultime. (capture écran)
Par Actu17 avec AFP
Le mardi 27 décembre 2022 à 20:12

"Quand vous regarderez cette vidéo, je serai mort" : un Iranien s'est suicidé lundi en se jetant dans le Rhône à Lyon afin, dit-il dans une vidéo posthume, d'attirer l'attention sur la répression "violente" des manifestations contre le pouvoir dans son pays. Cet Iranien a été retrouvé noyé, lundi en fin de journée, a indiqué mardi la police à l'AFP, confirmant une information du journal local Le Progrès.

L'homme, âgé de 38 ans selon sa vidéo, n'a pas pu être réanimé malgré l'intervention des pompiers, qui l'ont ramené sur la berge, a-t-on appris de même source. Selon plusieurs membres de la communauté iranienne, Mohammad Moradi était étudiant en licence d'histoire et travaillait dans un restaurant. Il vivait à Lyon avec sa femme depuis trois ans.

"La police attaque les gens, on a perdu beaucoup de fils et de filles, on doit faire quelque chose", affirme d'une voix calme l'homme dans cette vidéo postée sur plusieurs réseaux sociaux, avant de commettre l'irréparable. "J'ai décidé de me suicider dans le fleuve Rhône, c'est un challenge pour montrer que nous, peuple iranien, nous sommes très fatigués de cette situation", annonce-t-il. "Quand vous regarderez cette vidéo, je serai mort", poursuit-il, avant d'appeler à soutenir le peuple iranien dans sa lutte contre "des policiers et un gouvernement extrêmement violents".

L'Iran connaît depuis plus de deux mois une vague de contestation sans précédent depuis la Révolution islamique de 1979. Elle est née de revendications sur les droits des femmes après la mort de Mahsa Amini, arrêtée pour avoir mal porté le voile islamique, qui se sont muées en protestation contre le pouvoir.

Dans un bilan publié mardi, Iran Human Rights (IHR), une ONG basée à Oslo, a fait état de 476 manifestants tués depuis mi-septembre.

«Son cœur battait pour l'Iran»

Le parquet de Lyon a annoncé mardi à l'AFP avoir "diligenté une enquête en recherche des causes de la mort, afin de vérifier l'hypothèse d'un suicide au vu notamment des messages postés par l'intéressé sur les réseaux sociaux annonçant son intention". "L'enquête s'attachera également à déterminer le mobile des faits", a-t-il ajouté.

"Mohammad Moradi s'est donné la mort pour faire entendre la voix de la révolution en Iran, notre voix n'est pas propagée par les médias occidentaux", a fustigé mardi Timothée Amini, porte-parole de quelque 3000 membres de la communauté iranienne de Lyon lors d'un rassemblement sur les lieux du drame, pont Gallieni (entre les 7e et 2e arrondissements).

Devant de nombreux journalistes, une quarantaine de personnes ont déposé bougies, bouquets de roses et photos du défunt sur les rambardes, avant de prononcer discours et chants. "On a droit tous les matins à l'Ukraine, mais l'Iran on n'en entend parler que très peu. C'est difficile à vivre pour nous, Iraniens de la diaspora", a insisté M. Amini, réfugié politique travaillant dans l'informatique. "Son cœur battait pour l'Iran, il ne supportait plus ce régime", se désole-t-il.

Son geste est "farouchement courageux", a jugé sa compatriote Lili Mohadjer. Mohammad Moradi "espérait que sa mort soit un élément de plus pour les médias occidentaux et les gouvernements, pour soutenir la révolution en marche en Iran". Sur sa vidéo, "il disait qu'il ne pouvait pas vivre tranquillement, confortablement ici - il était très bien intégré -" alors que des Iraniens sont tués "à bout portant", a-t-elle ajouté.

"On ne parle pas de se suicider, on parle de se sacrifier pour gagner la liberté", a expliqué une jeune Iranienne au mégaphone, avant de lancer : "Vive la liberté !"