Le jeudi 31 janvier 2019 à 18:13 - MAJ jeudi 7 mars 2019 à 21:31
Les faits remontent à la nuit du 22 au 23 avril 2014. Deux ex-policiers de la Brigade de recherche et d'intervention (BRI) ont invité une touriste canadienne, Emily S., dans les locaux de leur service, au 36 quai des orfèvres à Paris (Ier).
La cour d'assises de Paris a déclaré coupables les deux policiers de viol en réunion, ce jeudi soir. Les deux hommes sont condamnés à une peine de 7 ans d'emprisonnement ferme et vont être conduits en maison d'arrêt.
La cour d'assises a également condamné les deux policiers à verser une somme de 20 000€ pour le préjudice moral, à la victime.
Une soirée alcoolisée dans un bar de nuit
L'affaire avait débuté au Galway, ce bar de nuit irlandais, situé face au 36 quai des orfèvres. Durant l'audience, les échanges se sont portés sur la tenue d'Emily S., son mini-short, ses collants résille et ses talons, mais également sa consommation d'alcool et son comportement aguicheur. La victime âgée aujourd'hui de 39 ans avait échangé des baisers avec les deux policiers, habitués de l'établissement.
"Je ne comprends pas en quoi cela a un rapport avec le fait que j’ai donné mon consentement ou non plus tard" a déclaré Emily S. durant le procès. "On peut avoir embrassé quelqu’un à 9 heures et avoir été violé à 10 heures" a aussi rappelé une expert psychiatre.
La victime est arrivée en titubant vers 00h40 cette nuit là, au "36", qui était alors le siège de la police judiciaire. En sortant à deux heures, sans collant, elle affirmait avoir été violée. Emily S. a affirmé avoir subi des fellations et des pénétrations vaginales forcées, dans deux bureaux de la BRI, alors que trois hommes étaient présents.
"Ca c'est une touzeuse. Dépêche !"
Selon les deux policiers, le déroulement des faits n'est pas celui-là. Ces derniers ont expliqué que la touriste canadienne avait d'abord fait une fellation consentie à l'un des fonctionnaires qui a finalement eu "une panne". Emily S. serait ensuite allée dans un autre bureau, en short et seins nus, où se trouvait le second policier accusé, ainsi que le troisième homme.
"Ça c'est une touzeuse (partouzeuse, ndlr). Dépêche !" avait écrit l'un des accusés à l'un de ses collègues, Sébastien C., à 01h04, par SMS. Un message qu'il effacera quelques heures plus tard.
"N'est-ce pas une invitation à une partouze ?", a demandé l'avocat général Philippe Courroye. "Vous êtes-vous assuré que Mme S. était d'accord pour un plan à plusieurs?". "Non, mais on ne lui aurait rien imposé", s'est défendu l'accusé.
Des prélèvements génétiques formels
L'ADN de l'un des policiers mis en cause a par ailleurs été retrouvé au fond du vagin de la victime, alors que l'ADN de cette dernière a été relevé sur les caleçons des policiers.
L'un des accusés avait par ailleurs omis d'évoquer une pénétration digitale dans la voiture menant les protagonistes dans les locaux de police. Antoine Q. a finalement admis cette pénétration une fois informé de l’expertise génétique, précisant qu'il s'agissait d'un geste consentie.
Un non-lieu avait d'abord été déclaré par plusieurs juges d'instructions mais un appel du parquet de la partie civile avait renvoyé l'affaire aux assises.
"Vous allez décider de ma vie. Je ne suis pas un violeur"
"Toute ma vie, j’ai eu de bons rapports avec les femmes. Je n’ai jamais, jamais, jamais agressé, violenté, violé [la touriste canadienne]", a déclaré à la barre l'un des policiers, lors de sa dernière intervention. "Vous allez décider de ma vie. Je ne suis pas un violeur" a-t-il poursuivi.
« Ça fait 5 ans que c’est un cauchemar pour moi, ma famille, mon fils qui m’a dit ce matin : 'Rentre pas tard ce soir' » a expliqué le second accusé ajoutant : « J’ai peut-être été infidèle mais je n’ai jamais violé une femme. Je n’ai jamais violé cette femme ».
#procès36
Réaction de Me Compoint, avocate d’Antoine Q. pic.twitter.com/lYZI4WOulq— Aurélie Sarrot (@aureliesarrot) 31 janvier 2019
"Emily Spanton a bien été une victime non consentante d'actes sexuels" déclare l'avocat général
"Ce soir-là, ils n'étaient pas la police mais des usurpateurs indignes de brassards et ils se sont comportés comme ceux qu'ils pourchassent. Ce soir-là, ils avaient basculé du mauvais côté", a déclaré l'avocat général Philippe Courroye.
"Mon intime conviction, c'est qu'au cours de cette nuit du 22 au 23 avril, dans les locaux de la BRI, Emily Spanton a bien été une victime non consentante d'actes sexuels", a-t-il ajouté.
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Réaction de Me Obadia, avocate d’Emily S. pic.twitter.com/UMTfdIRnbz— Aurélie Sarrot (@aureliesarrot) 31 janvier 2019
La cour d'assises a condamné les deux policiers à 7 ans de prison ferme ce jeudi soir. Leurs avocats respectifs ont déclaré fasse à la presse, à la sortie du procès, qu'ils feraient appel "dès demain" de cette décision et qu'ils réclameraient la remise en liberté de leurs clients.