États-Unis : Le procès d'un jihadiste de l'État islamique très attendu par ses victimes

El Shafee el-Sheikh faisait partie du groupe de jihadistes surnommés "Les Beatles", pour leur accent britannique. Ils ont enlevé et décapité de nombreux otages occidentaux.
États-Unis : Le procès d'un jihadiste de l'État islamique très attendu par ses victimes
(De G à D) Kayla Mueller, James Foley, Peter Kassig et Steven Sotloff, otages américains du groupe État islamique (EI) en Syrie. (AFP/Archives)
Par Actu17 avec AFP
Le mardi 29 mars 2022 à 16:58

Une punition, une leçon de démocratie et, qui sait, un peu de réconfort : les victimes d'une cellule de l’État islamique (EI) spécialisée dans l'enlèvement et l'exécution d'otages occidentaux attendent beaucoup du procès, aux États-Unis, d'un de ses geôliers.

El Shafee el-Sheikh, membre d'un groupe de jihadistes surnommés "Les Beatles" par leurs prisonniers à cause de leur accent britannique, comparaît à partir de mardi devant un tribunal fédéral à Alexandria, près de Washington. "Toute ma captivité et celle de mes compagnons d'infortune était une monstrueuse injustice", rappelle l'ancien reporter français Nicolas Hénin, qui a passé près de dix mois otage de l'EI en Syrie en 2013 et 2014, en partie sous le contrôle de ce groupe. Aujourd'hui auteur et consultant, il juge "très important que toutes les personnes ayant fait partie de cette entreprise terroriste soient punies" à l'issue d'un procès "ouvert, transparent et contradictoire".

La justice est le meilleur rempart des sociétés démocratiques face "à l'arbitraire total du terrorisme", dit-il à l'AFP, satisfait que la piste d'un simple transfert sur la base militaire de Guantanamo, un temps évoquée, ait été abandonnée. L'Américaine Diane Foley, dont le fils James a été décapité en 2014 face à une caméra de propagande de l'EI, est elle aussi "reconnaissante" de voir, enfin, s'ouvrir le procès d'un de ses ravisseurs.

"Nous devons montrer que nous sommes différents" des jihadistes, dit-elle : "James était innocent, il n'y a pas eu de justice pour lui, mais il est très important que nous fassions l'inverse, que les États-Unis montrent ce qu'est un procès juste."

"Trop tard"

Plus concrètement, Javier Espinosa, journaliste espagnol retenu pendant six mois en Syrie, dont trois sous la coupe de "Jihadi George" et ses complices, espère que les audiences, censées durer au moins trois semaines, exposeront "les horreurs" commises par ses geôliers et "à quel point elles étaient injustifiées". "C'est un bon moyen pour montrer que ce n'était pas une histoire de religion, mais juste un exercice brut du pouvoir", explique-t-il, en décrivant l'accusé comme un homme "brutal", animé par "une haine de l'Occident" et grisé d'avoir "le pouvoir de vie ou de mort" sur ses captifs.

Ce procès arrive "trop tard", regrette toutefois le reporter du quotidien El Mundo. "Les gens ne pensent plus à la Syrie, mais à l'Ukraine", poursuit-il. Le journaliste va d'ailleurs bientôt retourner couvrir ce conflit et ne pourra pas suivre les audiences.

Pour sa part, Bethany Haines, 24 ans, dont le père David, un travailleur humanitaire britannique a subi le même sort que James Foley, n'en manquera pas une miette. Venue exprès d’Écosse, elle compte occuper chaque jour un des sièges réservés aux victimes dans la salle d'audience. "J'attends ça depuis des années", a-t-elle expliqué au journal Sunday Times. "Je veux le voir à tous les instants, je veux voir les expressions sur son visage". Diane Foley sera également présente. "Il faut qu'on se soutienne les uns, les autres."

"Catharsis"

Comme Javier Espinosa, Bethany Haines ne s'attend pas à des remords ou des excuses de la part de l'accusé. "Il pense qu'il est au-dessus de ça..."

S'il est condamné, elle pourra prendre la parole avant que le juge ne fixe la peine. Elle compte lui demander de révéler où les corps de son père et des autres otages ont été enterrés. "Qu'il le fasse pour mon fils, afin qu'il puisse dire au revoir à son grand-père". Nicolas Hénin a, pour sa part été appelé à témoigner par l'accusation, comme il l'avait fait en Belgique en 2019 lors du procès du jihadiste français Mehdi Nemmouche, un autre de ses geôliers. "Je ne m'y attendais pas, mais ça avait agi comme une sorte de catharsis", confie-t-il. A la barre, "j'ai raconté dans le détail les souffrances vécues là-bas et qui troublent encore mon sommeil, et c'est comme si je lui avais donné une partie de mon boulet".