Le vendredi 8 juillet 2022 à 18:33
Face au Tribunal pénal fédéral de Bellinzone (sud-est), les deux accusés, qui dirigeaient respectivement l'UEFA et la FIFA avant l'éclatement de l'affaire, ont écouté le jugement qu'ils appelaient de leurs vœux depuis des années, alors que le parquet avait requis mi-juin un an et huit mois de prison avec sursis.
"Je suis très heureux (...) Vous verrez, la réaction du monde du football sera bonne, car Platini et moi étions de grandes têtes pensantes - et jouante, pour lui - de notre organisation", s'est réjoui Sepp Blatter à la sortie du tribunal. De son côté, l'ex-capitaine des Bleus a estimé avoir "gagné un premier match", tout en faisant une nouvelle fois allusion à une manipulation politico-judiciaire destinée à l'écarter du pouvoir : "Dans cette affaire, il y a des coupables qui n'ont pas comparu au cours de ce procès. Qu'ils comptent sur moi, nous nous retrouverons".
Michel Platini soupçonne en particulier un rôle occulte de Gianni Infantino, son ancien bras droit à l'UEFA élu en 2016 à la tête de la FIFA, et visé depuis 2020 par une procédure distincte pour trois rencontres secrètes avec l'ancien chef du parquet suisse.
«Accord de gentlemen»
Faute d'avoir réussi à joindre ce volet aux débats de Bellinzone, le Français de 67 ans et le Suisse de 86 ans ont comparu en juin pour avoir "obtenu illégalement, au détriment de la FIFA, un paiement de 2 millions de francs suisses" (1,8 million d'euros) "en faveur de Michel Platini".
Défense et accusation s'accordaient sur un point : le triple Ballon d'Or a bien conseillé Sepp Blatter entre 1998 et 2002, lors du premier mandat de ce dernier à la tête de la FIFA, et les deux hommes ont signé en 1999 un contrat convenant d'une rémunération annuelle de 300.000 francs suisses, intégralement payée par la FIFA.
Mais en janvier 2011, l'ancien milieu de terrain - devenu dans l'intervalle président de l'UEFA (2007-2015) - "a fait valoir une créance de 2 millions de francs suisses", qualifiée de "fausse facture" par l'accusation.
Les deux hommes martelaient de leur côté qu'ils avaient dès l'origine décidé d'un salaire annuel d'un million de francs suisses, par un "accord de gentlemen" oral et sans témoins, sans que les finances de la FIFA n'en permettent le versement immédiat à M. Platini.
Le Français "valait son million", avait assuré Sepp Blatter aux magistrats, avant que Michel Platini ne décrive à son tour une négociation si peu formalisée qu'il n'avait pas précisé la devise : "Moi pour rigoler, j'ai dit 'des pesetas, des lires, des roubles, des marks, c'est toi qui décides'", a raconté la légende des Bleus.
Vers un appel ?
Dans ses réquisitions, le procureur Thomas Hildbrand avait souligné la contradiction avec le contrat de 1999, le contraste avec les pratiques habituelles de l'instance, et avait exhumé des rapports d'audit de la FIFA.
Même si l'organisation de Zurich avait payé un million de francs suisses à Platini dès 1999, elle aurait encore eu "plus de 21 millions de francs de trésorerie", avait rappelé le magistrat. Mais le tribunal a balayé cet argument comptable, jugé plausible le récit des deux accusés, et estimé que l'escroquerie n'était "pas établie avec une vraisemblance confinant à la certitude" - appliquant donc le principe selon lequel le doute doit profiter à la défense.
L'avocat de Sepp Blatter avait par ailleurs souligné dans sa plaidoirie l'absence de mobile clair de son client, auquel cette affaire n'a pas rapporté un centime.
Prudemment et sans disposer de preuves, le parquet avait fait planer le spectre de la corruption en rappelant le soutien apporté par Michel Platini et le comité exécutif de l'UEFA à la réélection de Blatter à un quatrième mandat, fin mai 2011.
L'éventualité d'un procès en appel reste ouverte, le parquet ayant seulement indiqué vendredi qu'il déciderait de la suite de la procédure "dès qu'il disposera d'un jugement écrit et motivé".