Le jeudi 31 mars 2022 à 22:55
Le gouvernement grec a appelé au "calme" jeudi après des manifestations de colère contre une mère de famille soupçonnée d'avoir tué sa fille de 9 ans en l'empoisonnant et la mort jugée "suspecte" de ses deux autres fillettes.
"Tueuse, avoue (ton crime)", ont scandé des manifestants jeudi devant le palais de justice d'Athènes, où la suspecte, une infirmière de 33 ans, a comparu devant un juge d'instruction, a constaté une correspondante de l'AFP. "Laissez-la nous qu'on s'en occupe", a lancé un autre protestataire. C'est encadrée par plusieurs policiers casqués et elle-même protégée d'un gilet pare-balles et la tête dissimulée sous une capuche que la jeune femme menottée a pu sortir du tribunal, sous les huées et les insultes de la foule. La jeune femme qui nie en bloc est poursuivie pour l'"homicide volontaire" de sa fille aînée, hospitalisée plusieurs fois avant de succomber fin janvier à l'âge de 9 ans, a-t-on appris de source judiciaire.
A Patras, dans le Péloponnèse (ouest) où se trouve le domicile de la suspecte, plusieurs dizaines d'habitants en colère se sont rassemblés lors de son arrestation mercredi soir, forçant la police à intervenir. "Mort aux tueurs d'enfants", a été inscrit sur la façade de son domicile.
Le porte-parole du gouvernement Yannis Economou a appelé au "calme" jeudi et à faire "confiance aux autorités pour que les faits soient clarifiés par les instances compétentes". "La charge émotionnelle et morale de cette affaire dépasse les limites personnelles de la plupart d'entre nous", a-t-il ajouté lors de son point presse de jeudi, tout en exprimant "sa douleur" après ce drame.
Soupçons d'empoisonnement à la kétamine
Une autopsie et des examens toxicologiques ont permis de détecter sur la dépouille de la fillette la présence de kétamine, un anesthésiant vétérinaire également utilisé chez l'homme dans certains pays, déclenchant des poursuites pénales à l'encontre de la mère, selon une source judiciaire.
En garde à vue à Athènes, l'infirmière, qui vivait séparée de son mari depuis un an, a rejeté toutes les accusations auprès des enquêteurs, a-t-on appris de source policière. Selon un rapport d'enquête remis au procureur et cité par le quotidien Kathimerini, "la seule personne se trouvant dans la chambre (de la fillette) pendant les dernières 20 minutes de sa vie, avant que les effets de la drogue fassent effet, était sa mère".
Les deux autres fillettes de la famille sont "également mortes dans des circonstances mystérieuses", écrit le journal Kathimerini, alors que d'autres médias grecs évoquent la mort "suspecte" et "soudaine" des deux enfants. La première, âgée de 3 ans et demi, est décédée à l'été 2019 et la petite dernière est morte en mars 2021 à l'âge de 6 mois, selon une source judiciaire. Les circonstances de leur décès n'ont pas été divulguées à ce stade, mais le bureau du procureur de Patras a ordonné une enquête sur leur mort, selon la même source.
Après l'ouverture de poursuites pénales pour le meurtre de l'aînée, "il y a désormais de grandes possibilités pour qu'un acte criminel" ait été également commis sur les deux autres enfants, a estimé Grigoris Leon, président de l'union des médecins légistes, cité par la télévision publique ERT. "C'était une maison pleine de joie", avait déclaré la suspecte à la télévision, il y a un mois, alors que les rumeurs de son implication s'intensifiaient localement. "Comment pourrais-je faire mal à mes propres enfants ? Je leur ai donné vie, je les ai élevées et j'étais toujours avec, cela n'a aucun sens", avait-elle dit alors à chaîne Star TV.
Placée en garde à vue, elle a obtenu jeudi un délai de quatre jours pour préparer sa défense, avant sa déposition lundi. Signe de l'intense pression médiatique, son avocat a démissionné et un autre défenseur, Nikos Ioannou, a été nommé par la juge d'instruction. Dans une brève déclaration aux médias, Me Ioannou a appelé au "calme" et à "laisser chacun faire son travail, car c'est le seul moyen que justice soit faite".