Le jeudi 9 février 2023 à 14:22 - MAJ jeudi 9 février 2023 à 22:04
Le séisme qui a frappé le sud-est de la Turquie et le nord syrien lundi a fait plus de 20 000 morts, selon de derniers bilans qui ne cessent d'augmenter, alors qu'un premier convoi d'aide est entré dans les zones rebelles du nord-ouest de la Syrie jeudi, au quatrième jour après la catastrophe.
Un correspondant de l'AFP a vu six camions, chargés notamment de matériel pour des tentes et de produits d'entretien, entrer en territoire syrien depuis la Turquie par le poste-frontière de Bab al-Hawa. Selon Mazen Allouch, un responsable du poste-frontière, il s'agit d'une aide qui était attendue avant le séisme d'une magnitude de 7,8, suivi de plus d'une centaine de secousses qui ont dévasté la Syrie et la Turquie. "Elle sera suivie, si Dieu le veut, comme on nous l'a promis, de convois plus importants pour aider notre peuple sinistré", a-t-il ajouté.
L'Organisation internationale pour les Migrations (OIM) a indiqué dans un communiqué que ce convoi, composé de six camions transportant couvertures, matelas, tentes, matériel de secours et lampes solaires devrait couvrir les besoins d'au moins 5000 personnes.
Mercredi, un responsable onusien avait averti que le stock des Nations unies dans le nord-ouest de la Syrie permettait à peine de nourrir 100 000 personnes pendant une semaine. Le séisme a fait au moins 20 783 morts, selon les derniers bilans officiels, dont 17 406 en Turquie et 3377 en Syrie.
Jeudi soir, le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) Tedros Tedros Adhanom Ghebreyesus a annoncé qu'il était "en route pour la Syrie". Vingt-trois millions de personnes sont "potentiellement exposées, dont environ cinq millions de personnes vulnérables", estime l'OMS. Elle redoute une crise sanitaire majeure qui causerait encore plus de dommages que le séisme.
Les Nations unies ont annoncé que le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d'urgence, Martin Griffiths, se rendrait ce week-end dans les zones touchées en Turquie et en Syrie. Les organisations humanitaires s'inquiètent particulièrement de la propagation de l'épidémie de choléra, qui a fait sa réapparition en Syrie.
A Tloul, un village du nord-ouest de la Syrie, les habitants ont dû fuir après qu'un barrage en terre s'est effondré sous les secousses du séisme. "Notre situation est dramatique. Regardez l'eau qui nous entoure", a déclaré Louan Hussein Hamadé, un des rares habitants à être resté dans le village sinistré, tout comme les champs environnants.
«Solidarité»
Réunis en sommet à Bruxelles, les dirigeants de l'Union européenne - qui organise début mars une conférence des donateurs pour la Turquie et la Syrie - ont observé un moment de silence pour les victimes du séisme. Ils ont envoyé une lettre à M. Erdogan exprimant leur "solidarité" avec le peuple turc et proposant d'accroître leur aide à la Turquie.
L'UE a envoyé de premiers secours en Turquie quelques heures après le séisme lundi. Mais elle n'a initialement offert qu'une aide minimale à la Syrie par le biais des programmes humanitaires existants, en raison des sanctions internationales en vigueur depuis le début de la guerre civile en 2011. Mercredi, Damas a officiellement sollicité l'assistance de l'UE et la Commission a demandé aux États membres de répondre favorablement à cette requête.
Le commissaire européen Janez Lenarčič, coordinateur de l'assistance de l'Union européenne, était jeudi à Gaziantep, dans le sud-est de la Turquie, pour rencontrer des responsables turcs mais aussi les organisations humanitaires actives dans le nord-ouest de la Syrie, a indiqué la commission.
Dans les zones rebelles, le séisme complique l'arrivée d'aide, rendant difficilement praticables les routes d'accès à Bab al-Hawa, unique point de passage actuellement garanti par l'ONU. L'envoyé spécial de l'ONU, Geir Pedersen, a appelé à Genève "à ne pas politiser" l'aide à ce pays, ajoutant avoir évoqué le sujet avec des représentants des États-Unis et de l'Union européenne.
La Banque mondiale a annoncé jeudi qu'elle apportera une aide de 1,78 milliard de dollars à la Turquie. Peu après, Washington a annoncé à son tour une aide de 85 millions de dollars à la Turquie et à la Syrie. La France a annoncé qu'elle allait mettre en place une aide d'urgence à la population syrienne à hauteur de 12 millions d'euros. De son côté, Londres a annoncé jeudi une aide financière supplémentaire d'au moins 3,4 millions d'euros, soit un montant total de près de 4.3 millions d'euros alloués aux Casques Blancs, les secouristes opérant en zone rebelle.
Deux autres passages
De son côté, la Turquie a annoncé s'employer à ouvrir deux autres passages frontaliers avec la Syrie pour permettre d'acheminer l'aide. "Pour des raisons humanitaires, nous visons aussi l'ouverture des postes-frontières avec les régions sous contrôle du gouvernement" de Damas, a dit le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu.
Des milliers d'habitations sont détruites de part et d'autre de la frontière et les secouristes poursuivent leurs efforts pour rechercher des rescapés dans les décombres, même si la fenêtre cruciale des 72 premières heures pour retrouver des survivants s'est refermée, la situation étant en outre aggravée par un froid glacial.
A Adiyaman, le séisme a piégé dans leur hôtel totalement effondré des adolescents et leurs accompagnateurs, venus de République turque de Chypre du Nord (RTCN, reconnue par la seule Turquie) disputer un tournoi de volley-ball. Selon Nazim Cavusoglu, ministre chypriote-turc de l’Éducation venu sur place, un enseignant et trois parents ont été extraits vivants mercredi soir. "Trente-trois personnes sont toujours piégées", a-t-il confié à l'AFP.
Le froid rend les conditions de vie infernales pour les rescapés. Dans la ville turque de Gaziantep (sud), les températures ont chuté tôt jeudi à -5°C. Dans les camps de tentes du nord de la Syrie en revanche, les réfugiés avaient conscience d'avoir eu de la chance dans leur malheur.
"Le séisme était terrifiant, mais les habitants ont remercié Dieu de vivre sous des tentes après avoir vu ce qui s'est produit autour d'eux", se consolait Fidaa Mohammad, une habitante du camp de Deir Ballout.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan, en visite dans les zones sinistrées, a esquissé mercredi un mea culpa face à la montée des critiques : "Bien sûr qu'il y a des lacunes, il est impossible d'être préparé à un désastre pareil". Les responsables turcs ont ces dernière semaines émis à plusieurs reprises des mises en garde sur l'usage des réseaux sociaux avant les élections présidentielle et législatives du 14 mai, où M. Erdogan brigue un nouveau mandat après 20 ans au pouvoir.