Le mercredi 29 juin 2022 à 11:23
La cour d'assises de Haute-Garonne se penche vendredi sur une affaire à rebondissements vieille de plus de 35 ans : la disparition fin 1986 de Martine Escadeillas, alors âgée de 24 ans, dans une banlieue de Toulouse.
L'accusé, Joël Bourgeon, un ami de cette secrétaire et de son compagnon, a avoué l'avoir tuée avant de se rétracter. Son avocat se dit "bien déterminé à demander son acquittement" au cours de ce procès qui doit durer jusqu'au mercredi 6 juillet. En revanche, les sœurs et le frère de Martine Escadeillas, persuadés de la culpabilité de l'accusé, espèrent qu'il dira à l'audience où se trouve le corps.
«Ce témoignage a pollué l'enquête»
Le 8 décembre 1986, Martine dépose Thierry, son compagnon, à un arrêt de bus autour de 08h30. Elle rentre immédiatement après chez elle, à Ramonville, une banlieue résidentielle de Toulouse, puis disparaît.
La présence de sang dans la cage d'escalier et le témoignage d'une voisine font immédiatement penser à une agression. Cette voisine affirme notamment avoir entendu des cris et avoir aperçu un homme d'une quarantaine d'années, au crâne dégarni, accroupi sur une femme. Ces affirmations orienteront une partie des investigations, avant que les enquêteurs n'arrivent à la conclusion, des années plus tard, que cette voisine n'avait pas pu voir la scène de façon suffisamment nette pour la décrire aussi précisément.
Pour l'avocat de la famille Escadeillas, Frédéric David, "ce témoignage a pollué l'enquête". Entre autres, Joël Bourgeon ne correspond pas à cette description. Il est mis hors de cause, tout comme Thierry, qui a un alibi. Plusieurs autres pistes, y compris la possible implication du tueur en série Patrice Alègre, ont été examinées, avant d'être elles aussi abandonnées.
En 2016, une lettre d'une connaissance de la disparue relance la piste Bourgeon. L'accusé et le compagnon de Martine jouaient ensemble au football, faisaient des sorties à moto et avaient été invités à un déjeuner chez les parents de Martine la veille de sa disparition.
Quelques semaines après cette disparition, Joël Bourgeon part de façon inattendue s'installer à Lyon, sans se manifester auprès de la famille de Martine. Dans la région lyonnaise, Joël Bourgeon, alors âgé de 23 ans, a une histoire d'amour avec une fille de 16 ans, avec laquelle il restera cinq ans.
En 2019, il est arrêté à Lyon. Pendant la garde à vue, il avoue avoir tué Martine et donne aux gendarmes des détails du meurtre. Pour les enquêteurs, ces détails ne pouvaient être connus que par le meurtrier. Joël Bourgeon se rétracte une semaine plus tard, affirmant que ses aveux lui ont été dictés par les gendarmes. Depuis, il est en détention préventive.
Selon son ancienne compagne, il parlait de Martine avec admiration et lui demandait de se coiffer comme elle pour lui ressembler.
«Reposer dignement»
Eric Mouton, l'avocat de Joël Bourgeon, note l'absence "d'éléments concrets" contre son client. Il reconnaît que "des aveux, ça pose toujours question, même s'ils ont été obtenus sans avocat". Il estime cependant que ces déclarations de l'accusé sont "pétries de contradictions" et ne permettent pas d'établir sa culpabilité.
D'autre part, à partir du moment où le témoignage qui a guidé une partie de l'enquête il y a plus de 30 ans est écarté, d'autres pistes devraient être rouvertes, concernant d'autres personnes que Joël Bourgeon, selon Me Mouton. De son côté, Nicole Saint-Blancat, la sœur de la disparue, espère que ce procès permettra à Joël Bourgeon de désigner le lieu où se trouve le corps de la disparue.
"S'il revient sur ses aveux, il va libérer de nouveaux sa conscience. S'il dit ce qu'il a fait du corps de Martine, il sera mieux et sa peine sera amoindrie", explique-t-elle. La famille, ajoute-t-elle, réussirait alors à "retrouver le corps de Martine pour qu'elle puisse reposer auprès de ses parents, dignement".