«Nos forces de l’ordre ont été les grandes oubliées de ce quinquennat» estime Valérie Pécresse

INTERVIEW ACTU17 - À quelques jours du premier tour de l'élection présidentielle, nous avons interrogé les douze candidats autour de six questions uniques. Ils abordent les thèmes de la sécurité, des forces de l'ordre et de la Justice.
«Nos forces de l’ordre ont été les grandes oubliées de ce quinquennat» estime Valérie Pécresse
La candidate LR Valérie Pécresse, le 21 mars 2022. (Photo PQR / Ouest France / Maxppp)
Par Actu17
Le jeudi 31 mars 2022 à 19:14 - MAJ vendredi 1 avril 2022 à 21:17

Ce jeudi, nous débutons notre série d'interviews par celle de la candidate du parti Les Républicains (LR), Valérie Pécresse.

Actu17 : Quel bilan faites-vous du quinquennat écoulé en matière de sécurité ?

Valérie Pécresse : La sécurité est l’angle mort du bilan d’Emmanuel Macron. La France a subi, en 5 ans, une explosion des violences aux personnes (+32% de coups et blessures volontaires entre 2017 et 2021). Chaque jour, 750 Français sont agressés physiquement. Nos forces de l’ordre ont été les grandes oubliées de ce quinquennat. Chaque heure, un policier ou un gendarme est blessé en mission. Les conditions de travail des policiers sont indignes et aucun progrès n’a été réalisé en matière de simplification et de numérisation de la procédure pénale.

En matière de réponse pénale, le bilan d’Emmanuel Macron est celui du laxisme. Moins de 5% des infractions constatées aboutissent à une condamnation et toutes ne sont pas exécutées.

Les policiers et gendarmes se disent entravés au quotidien par des lourdeurs procédurales et par le poids de missions non cœur de métier. Que proposez-vous pour que leur action de tous les jours se concentre effectivement sur les missions de sécurité à proprement parler ?

Je veux l’impunité zéro. Dans les cent premiers jours, je soumettrai aux Français par référendum un projet de loi visant à inscrire le « droit à la sécurité » dans la Constitution, et a y insérer une « charte de protection de l’ordre républicain ». Ce projet de loi constitutionnelle prévoira notamment des peines minimales de prison ferme pour les infractions causant un préjudice grave à la société : la récidive de violences graves et les violences contre les personnes dépositaires de l’autorité publique. Il instaurera également une rétention de sûreté pour les terroristes sortant de prison et l’expulsion de tout étranger représentant une menace grave pour la société ou la sécurité nationale.

Je proposerai l’adoption d’une LOPJI (Loi d’Orientation et de Programmation pour la Justice et pour l’Intérieur) en début de mandat afin d’engager un vaste plan de modernisation de nos forces de l’ordre et de la justice. Je demanderai au ministre de l’Intérieur de faire cesser les tâches éloignées du cœur de métier des policiers, notamment en permettant aux agents de l’administration pénitentiaire de procéder à l’extraction judiciaire des détenus.

Pour faciliter le travail des policiers et réduire massivement les délais de jugement, nous simplifierons la procédure pénale – dont la complexité ralentit la justice et aide les délinquants à échapper aux sanctions. Nous procéderons à la mise en place de deux cadres d’enquête au lieu de trois et nous simplifierons la procédure de Garde à vue en accordant notamment davantage de pouvoirs aux Officiers de Police Judiciaire.

Les polices municipales répondent à une logique ignorée depuis trop longtemps : celle de la responsabilité des maires en matière de police de terrain. Je procéderai au renforcement des polices municipales. Nous créerons des écoles nationales de police municipale et prévoirons une grille indemnitaire unifiée et revalorisée pour les policiers municipaux sur la base de laquelle les maires pourront ajouter des primes. Je rendrai obligatoire l’armement des polices municipales dans les communes de plus de 5000 habitants. Les policiers municipaux disposeront des habilitations nécessaires pour procéder à des contrôles d’identité et dresser des procès-verbaux dans d’autres domaines que la seule circulation. Leur action judiciaire sera contrôlée par les Officiers de Police Judiciaire de la Police Nationale. Les sociétés de sécurité privées seront autorisées à étendre leur action, notamment en matière de gardiennage.

Une note de la Cour des comptes de novembre 2021 révèle que le taux d’élucidation des homicides, des violences volontaires et des cambriolages a baissé. Le grand judiciaire comme le petit judiciaire vont mal. La filière n’attire plus.

Quelles sont vos propositions pour revaloriser cette filière tant en police qu’en gendarmerie ?

Les services policiers d’investigation (Police judiciaire et sûreté départementale) n’attirent plus les policiers. L’idéologie de Mme Taubira, de Mme Belloubet et de M. Dupond-Moretti, l’impuissance du gouvernement à faire exécuter les peines prononcées par les tribunaux, l’absence de construction de prison, la complexité croissante de la procédure pénale expliquent cette désaffection. Pour sortir de cette désaffection, il est nécessaire de mettre en œuvre une politique forte de lutte contre la délinquance et de construction de places de prison, une vraie loi de simplification de la procédure en introduisant notamment l’enregistrement automatique et la dotation d’un budget pour payer les heures supplémentaires effectués par les services d’investigation.

Nous consacrerons 5 milliards à l’équipement matériel et informatique de nos forces de l’ordre aujourd’hui démunies et nous modifierons la loi pour leur permettre d’utiliser les technologies de maintien de l’ordre et d’enquête les plus performantes. Nous simplifierons la procédure de façon systématique et prioritaire en autorisant la rédaction de procès-verbaux de procédure et d'auditions par simple enregistrement assorti de la rédaction d'un PV de synthèse.

Je souhaite enfin que les peines prononcées soient exécutées. Ainsi, afin de favoriser l’incarcération des personnes condamnées par la justice, je souhaite un plan ORSEC pour augmenter les moyens de la justice. J’augmenterai de plus de 50% sur 5 ans les moyens des tribunaux pour les porter à 9 milliards par an et j’augmenterai de plus de 50% le nombre de magistrats (3000 juges et 2000 procureurs en plus) et nous recruterons 3000 greffiers, 5000 juristes assistants et 3000 personnels techniques. Je consacrerai jusqu’à 1,8 milliard par an pour mettre à la disposition de la justice des locaux, des équipements et des moyens informatiques performants.

Le nombre de suicides dans les rangs de la Police et de la Gendarmerie sont en recrudescence ce début d’année 2022. Quelles sont vos propositions concrètes pour endiguer ce fléau ?

C’est une triste réalité qu’on ne peut passer sous silence, tant elle est révélatrice d’un mal être profond dans la police et dans la gendarmerie. Nous devons y répondre avec urgence. Dès mon élection, je lancerai un plan pour lutter contre les suicides dans la police.

L’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM) a mené une étude en 2010 au sujet des suicides dans la Police. Selon cette étude, le risque de suicide dans la police est supérieur de 36% à celui du reste de la population. Les causes de la surmortalité par suicide des policiers sont multifactorielles (en première ligne face aux violences de la société, manque de moyens pour exercer leur métier, manque de soutien, etc).

Pour endiguer ce fléau, il faut renforcer les structures médico-sociales et mettre l'accent sur la sensibilisation, l'information et la formation des agents aux risques psycho-sociaux. Il faut avoir une véritable médecine du travail au sein de la Police nationale. Il faut également former l’ensemble des cadres à la détection des signes précurseurs du suicide.

La loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur a été présentée en conseil des ministres le 16 mars. Si vous êtes élu(e) président(e) de la République, changerez-vous ce texte ? Si oui en quoi ?

Dès mon élection à la Présidence de la République, une LOPJI sera adoptée, c’est-à-dire une loi commune pour l’Intérieur et pour la Justice puisque ces deux ministères concourent à assurer la sécurité des Français. Une feuille de route commune sera adressée au ministre de l’Intérieur et au ministre de la Justice pour moderniser les moyens de nos forces de l’ordre et assurer une véritable exécution des peines.

Il y a tant de choses à faire, tant de choses à changer pour restaurer l’ordre dans notre pays, soutenir nos policiers et agir pour les victimes. Chaque heure, un policier ou un gendarme est blessé en intervention. Nous instaurerons, dans le projet de loi constitutionnel, soumis par référendum aux Français, des peines plancher contre tous ceux qui s’en prennent aux forces de l’ordre et à toute personne dépositaire de l’autorité publique. Pour faciliter le travail des policiers et réduire massivement les délais de jugement, nous simplifierons la procédure pénale.

Nous mettrons fin au désarmement pénal de l’État. Selon le rapport SPACE I du Conseil de l’Europe sur les statistiques pénales, il y a moins de places de prison en France comparé à l’Espagne ou au Royaume-Uni. La France compte 105 détenus pour 100 000 habitants, l’Espagne a 123 détenus pour 100 000 habitants et le Royaume-Uni a 138 détenus pour 100 000 habitants. Pour corriger ces manques, nous construirons 20 000 places de prison supplémentaires. Nous découvrons avec stupeur que, 5 ans après, les 15 000 places promises en 2017 n’ont été qu’un mirage : seulement 2 500 places ont été construites.

Pire, le ministre de la Justice parle d’un « sentiment d’insécurité » et qualifie de « scandaleux » les propos des magistrats lorsque ces derniers dénoncent, dans une tribune signée par plus de la moitié d’entre eux, leurs conditions de travail intenables. Selon le dernier rapport de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) datant d’octobre 2020, la France compte 10,9 juges professionnels pour 100 000 habitants. Largement moins que la médiane des pays européens (17,7) et ses principaux partenaires européens : Italie (11,6), Espagne (11,5), Belgique (13,3) et Allemagne (24,5).

Le prochain quinquennat présidentiel ne pourra pas être celui des paroles creuses ou de l’amateurisme. Il devra être un mandat pour agir avec détermination, vigueur et courage, pour restaurer la sécurité. Pour mener à bien notre action, nous prendrons exemple sur nos policiers et nos gendarmes qui, aujourd’hui comme demain, agissent avec courage et dévouement.

Comment imaginez-vous la police et la gendarmerie de demain ?

Demain, nos policiers et nos gendarmes doivent pouvoir compter sur le soutien de la Présidence de la République et du gouvernement. Un Président ne devrait pas parler de « violences policières », jetant en pâture toute une profession à la vindicte d’un petit nombre.

La devise de la Police est « Pro Patria Vigilant ». Pour la Patrie, ils veillent. Nos policiers, nos gendarmes, nos pompiers, nos douaniers, nos agents de l’administration pénitentiaire et nos policiers municipaux sont le cœur battant de la République. Ils ont à cœur cette belle mission consistant à protéger les Français, contre le terrorisme, la criminalité et cette délinquance du quotidien qui empoisonne trop souvent la vie des Français. Ces métiers sont passionnants et ces femmes et ces hommes, serviteur de la République et protecteur des Français, pourront compter sur mon soutien indéfectible et sur la puissance de l’État.