Rosny-sous-Bois : Le long combat d’un couple, accusé à tort de violences sur son enfant et mis en examen

Mère et père ont été mis en examen pour « violences volontaires » en 2018. Malgré plusieurs expertises ayant démontré que leur enfant souffrait d’une pathologie, la justice s’obstine.
Rosny-sous-Bois : Le long combat d’un couple, accusé à tort de violences sur son enfant et mis en examen
Illustration. (shutterstock)
Par Actu17
Le dimanche 29 août 2021 à 15:15

C’est une affaire dans laquelle le déroulement de l’instruction peut poser question. Depuis 2018, un couple se bat sans relâche afin d’obtenir réparation. Ou plus précisément faire en sorte que la justice admette s’être trompée. Un vœu pieux auquel Asmaé et Majid, les parents du petit Mohamed, aujourd’hui âgé de 4 ans, s’accrochent comme à une bouée de sauvetage.

Le cauchemar pour ce jeune couple, originaire de Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), a démarré au mois de janvier 2018, comme l’a récemment dévoilé Le Parisien. A peine âgé de 3 mois, leur fils présente une morphologie du crâne inhabituelle : un front large qui interroge dans la famille et inquiète ses parents. Asmaé s’en ouvre auprès des services de la PMI de Noisy-le-Sec. Un médecin la rassure avant de lui prodiguer une radio afin de lever tous soupçons. C’est là que les choses dégénèrent.

Le 25 janvier 2018, mère et enfant se présentent à l’hôpital Robert-Debré à Paris. L’examen radiologique révèle la présence de « liquide » dans la boîte crânienne. Des examens complémentaires sont prescrits dans la foulée. Le diagnostic de l’hydrocéphalie, - qui désigne l’augmentation du volume du liquide cérébro-spinal et entraîne une augmentation du périmètre crânien chez le nourrisson -, est, dans un premier temps, posé. L’enfant est rapidement transféré à l’hôpital Necker pour passer une IRM. Sur place, Il subit finalement une opération pour drainer le liquide en trop dans sa boîte crânienne. Les médecins qui l’ont opéré effectuent aussi un signalement à la justice. Les carabins ont relevé la « présence d’un hématome sous-dural » et « une suspicion de fracture au niveau du crâne ». Autant d’éléments qui laissent à penser à un syndrome du bébé secoué… Les parents sont rapidement entendus par la police, en audition libre. Mais ils ne peuvent plus voir seuls, leur enfant toujours hospitalisé.

Un calvaire de « 4 mois et 22 jours »

Et la machine judiciaire s’emballe. Le 18 avril 2018, les parents sont placés en garde à vue et passés sur le gril. Désemparé, Majid tente d’expliquer qu’un jouet a pu heurter la tête de son enfant alors qu’il le gardait. Mais les symptômes de l’enfant sont trop importants pour avoir été causés par un si petit accident. Les deux parents sont ensuite mis en examen pour « violences volontaires ayant entraîné une ITT de plus de 8 jours » par la juge d’instruction de Bobigny, Stéphanie Lahaye. Mohamed est aussitôt placé.

Le calvaire des parents va durer « 4 mois et 22 jours ». A la fin du mois de juillet 2018, la cour d’appel de Paris ordonne que Mohamed soit rendu à ses parents. Les juges s’appuient sur les comptes-rendus d’hospitalisation qui soulignent « l’absence totale de lésion osseuse ». Un constat qui vient contredire le signalement réalisé par les médecins de l’hôpital Necker.

La juge demande la nullité d'une expertise mettant hors de cause les parents

Les parents de Mohamed décident alors de ne pas se laisser faire et de contester l’avis des premiers médecins en demandant des contre-expertises. La juge, en charge de cette affaire, désigne deux experts mais qui sont liés à l’hôpital Necker. Le nouvel avocat des parents de Mohamed, Me Manuel Abitbol s’est étonné d’une telle « proximité » entre ces experts et l’hôpital dont le diagnostic de départ a été clairement remis en cause. Un troisième expert a ensuite été désigné par la magistrate. Les conclusions de ce dernier, qui n’a aucun lien avec l’hôpital Necker, sont claires : il conteste formellement l’existence d’épisodes de secouements volontaires, violents et répétés.

Non contente de cet avis contraire aux deux premières expertises, la juge Lahaye en a demandé la nullité estimant que ce troisième expert avait « outrepassé sa mission en se prononçant sur les origines des lésions en plus des conséquences ».

"Elle a tenté de faire annuler les expertises qui ne vont pas dans le sens de son instruction à charge"

Une décision qui a fait bondir Me Manuel Abitbol : « en agissant ainsi, cet expert a, au contraire, fait toutes les observations utiles à la manifestation de la vérité ». « Cela fait partie de la mission qui lui a été confiée, renchérit le conseil des parents de Mohamed. Aujourd’hui, il n’y a qu’une seule issue possible dans cette affaire : un non-lieu pour mes clients. Nous engagerons ensuite des poursuites contre les institutions médicales et judiciaires qui ont été clairement défaillantes dans ce dossier. Nous sommes face à une juge d’instruction qui refuse, pour je ne sais quelle raison, de reconnaître l’évidence et de faire machine arrière. Elle a tenté de faire annuler les expertises qui ne vont pas dans le sens de son instruction à charge. C’est intolérable. »

Très remonté, Me Manuel Abitbol vient de demander à l’institution judiciaire la récusation de cette juge pour « partialité ». En attendant que la justice tranche, les parents du petit Mohamed sont convoqués, le 28 septembre prochain, pour une nouvelle audition par la même juge dans cette douloureuse affaire.