Le mercredi 31 août 2022 à 20:21
Introuvable en France, il pourrait avoir fui en Belgique et le Maroc n'est plus prêt à l'accueillir en l'état : au lendemain de sa validation par le Conseil d’État, l'expulsion de l'imam marocain Hassan Iquioussen se complique.
Mis en cause pour des propos jugés contraires aux valeurs de la République, ce prédicateur proche de la mouvance frériste a été érigé au cours de l'été par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin en emblème de la lutte contre les "séparatistes" qui répandent "un jihadisme d'atmosphère". Le Conseil d’État a donné mardi son feu vert à son expulsion, mais deux "visites domiciliaires" menées par les autorités dans la foulée à Lourches, commune proche de Valenciennes (Nord) où il réside, se sont révélées infructueuses.
"Le scénario qui est aujourd'hui privilégié est une fuite en Belgique de M. Iquioussen", a affirmé le préfet des Hauts-de-France, Georges-François Leclerc, lors d'une conférence de presse mercredi.
Le prédicateur de 58 ans, dont la chaîne YouTube est suivie par 178 000 abonnés, est devenu un "délinquant" dès lors "qu'il s'est soustrait à un arrêt d’expulsion", a souligné le préfet, qui a saisi le parquet de Valenciennes.
Le représentant de l’État envisage deux scénarios : "Ou bien M. Iquioussen, qui est sous le coup d'un arrêté exécutoire d'expulsion et d'une saisine de l'autorité judiciaire, est dans un pays étranger, auquel cas la coopération internationale se fera; ou bien s'il est sur le territoire français et est interpellé, il sera immédiatement placé en rétention administrative".
«Laissez-passer» du Maroc
Selon Christine-Laure Kouassi, porte-parole du ministère belge de la Justice, "actuellement M. Iquioussen n'est pas repris dans la base de données de la police belge comme personne recherchée". "Ce monsieur ne fait donc pas l’objet d’un avis de recherche judiciaire ou administrative belge", ajoute-t-elle.
Gérald Darmanin avait annoncé le 28 juillet l'expulsion du prédicateur, qui est selon lui fiché S (pour sûreté de l’État) par la DGSI "depuis dix-huit mois", avant que le tribunal administratif de Paris ne suspende cette procédure, estimant qu'elle porterait une "atteinte disproportionnée" à sa vie privée.
Une décision infirmée mardi par le Conseil d’État, qui a estimé que son "discours antisémite", "réitéré (...) après ses excuses de 2004", et son "discours systématique sur l'infériorité de la femme", constituaient "des actes de provocation (...) à la haine".
Né en France mais de nationalité marocaine, Hassan Iquioussen a cinq enfants et 15 petits-enfants, tous Français.
Le 1er août, le Maroc avait délivré un "laissez-passer consulaire" afin de permettre son expulsion de France. Mais mercredi, une source proche du dossier a indiqué que ce laissez-passer avait été suspendu.
Domicile sous surveillance
Cette décision serait justifiée par le caractère "unilatéral" de la décision d'expulsion et l'absence de "concertation" au lendemain de la décision du Conseil d'État, selon cette source.
"Comment peut-on reconnaître la nationalité d’un de ses ressortissants un jour et ne plus la reconnaître le lendemain ?", a-t-on réagi dans l'entourage de Gérald Darmanin, pointant que "ce document n'a d'autre fonction que d'officialiser la reconnaissance par le Maroc de la nationalité de M. Iquioussen".
Mardi soir, un des fils du prédicateur avait affirmé aux journalistes à Lourches que son père n'était pas présent à cette adresse et que lui-même ignorait où il se trouvait.
Le préfet s'est défendu mercredi de failles dans la surveillance du domicile de M. Iquioussen. Il "était susceptible d'être en plusieurs endroits" et "la surveillance de son domicile était proportionnée aux pouvoirs d’investigations dont les services de police bénéficiaient dans un cadre administratif", a insisté M. Leclerc.
Selon Gérald Darmanin, Hassan Iquioussen avait décidé à sa majorité de ne pas opter pour la nationalité française. Lui affirme y avoir renoncé à 17 ans sous l'influence de son père, et avoir ensuite tenté en vain de la recouvrer.