Le jeudi 19 mai 2022 à 11:08
Une centaine de dossiers en cours d'analyse, sept déjà confiés à un juge d'instruction : à Nanterre, le nouveau pôle du tribunal dédié aux affaires criminelles non élucidées a détaillé mercredi sa "montée en puissance progressive", deux mois après sa création.
Parmi ces informations judiciaires, figurent les trois affaires visant le tueur en série Michel Fourniret, déjà suivies à Paris par la juge d'instruction Sabine Khéris, désormais première vice-présidente du pôle nanterrois et notamment connue pour avoir réussi à faire avouer à Michel Fourniret son rôle dans la disparition en 2003 d'Estelle Mouzin.
Le pôle se penche également sur l'affaire de la jeune Hemma Davy-Greedharry enlevée à Malakoff (Hauts-de-Seine) en 1987, le meurtre de Nathalie Boyer, adolescente disparue en 1988 à Villefontaine (Isère), le meurtre de Leila Afif en 2000 à La Verpillière (Isère) ou encore l'affaire du meurtre d'une prostituée bulgare, Miyreim Huysien, retrouvée poignardée dans le bois de Boulogne à Paris en 2017.
Ces juges vont ainsi réétudier l'ensemble des dossiers "avec leur propre regard", explique la présidente du tribunal Catherine Pautrat lors d'une conférence de presse. Ils s'appuieront sur des techniques d'enquête innovantes comme "la carte mentale", "une projection physique à l'échelle du temps de l'affaire criminelle". La tête du pôle, Sabine Khéris, a déjà travaillé avec les services américains du FBI, qui utilisent notamment des "technicités" permettant de repérer d'éventuels cadavres "sous la terre", illustre aussi la présidente.
Outre ces procédures déjà confiées, "107 sont aujourd'hui en cours d'exploitation", ajoute le procureur Pascal Prache, soulignant que ce chiffre est "en constante évolution" dans ce pôle créé le 1er mars et à "la montée en puissance progressive". La justice française est saisie de 173 crimes non élucidés et 68 procédures de crimes sériels, selon un récent décompte du ministère.
Concrètement, les affaires sont signalées à Nanterre grâce aux remontées d'autres tribunaux, d'avocats, de familles de victimes, de services enquêteurs (les policiers de l'Office central pour la répression des violences aux personnes, les gendarmes de la Division des affaires non élucidées...) ou encore à partir des propres recherches du parquet, qui creuse des "sources ouvertes" comme "les articles de presse".
«Mémoire criminelle»
Les affaires éligibles sont celles présentant une complexité particulière. Les crimes doivent être sériels et/ou leurs auteurs pas encore identifiés dix-huit mois après les faits. Dans le viseur également : les affaires aux enjeux internationaux ou nécessitant un haut niveau de technicité et d'expertise. Le but de ce pôle est de pallier "une des difficultés" qui est "d'assoir une mémoire criminelle", explique Pascal Prache, qui veut ainsi éviter "une déperdition" des informations lors des "changements d'enquêteurs, de magistrats".
L'accompagnement des familles constitue également un enjeu majeur, avec "une dimension exacerbée par le temps et l'absence de réponse", souligne le procureur. Une réflexion a été engagée avec la fédération France Victimes. Au tribunal de Nanterre, ces familles seront reçues dans une nouvelle salle dédiée : "60 mètres carrés" pour "permettre de recevoir les victimes dans des conditions agréables et les plus adaptées possibles", dit la présidente.
La salle doit être installée d'ici septembre, après trois mois de travaux, tout comme une salle de numérisation spéciale et ses "vingt armoires" pour tous les dossiers d'instruction, précise la présidente. Les effectifs de ce pôle unique sur le territoire national seront "centralisés" au deuxième étage du tribunal. Enfin, d'ici la fin de l'année, une salle des scellés sera ouverte : une salle "de 150 mètres carrés" dans les sous sols du tribunal pour "recevoir des scellés très volumineux, dans des conditions de sécurité adaptées" et prenant en compte des "enjeux de conservation comme l'aération", explique Mme Pautrat. "Nous portons l'entière priorité pour que ce pôle fonctionne à partir du 1er septembre", a-t-elle assuré.