Attentat de Rambouillet : radicalisation, mode opératoire, chants religieux, de nouveaux éléments donnés par le procureur

Cinq personnes sont actuellement en garde à vue dans l'enquête sur l'attentat de Rambouillet qui a coûté la vie à Stéphanie M., une fonctionnaire de police administrative. Le procureur de la République antiterroriste Jean-François Ricard a tenu une conférence de presse ce dimanche matin, revenant sur le mode opératoire du terroriste et évoquant son profil.
Attentat de Rambouillet : radicalisation, mode opératoire, chants religieux, de nouveaux éléments donnés par le procureur
Une fonctionnaire de police de 49 ans a été assassinée à l'entrée du commissariat de Rambouillet vendredi 23 avril 2021. (image Clément Lanot)
Par Actu17
Le dimanche 25 avril 2021 à 12:52 - MAJ dimanche 25 avril 2021 à 13:10

"Il s'agit de la 17ème attaque islamiste depuis 2014 contre les forces de l'ordre", a d'abord rappelé Jean-François Ricard. Le procureur est ensuite revenu sur le déroulement des faits qui se sont produits au commissariat de police de Rambouillet ce vendredi 23 avril, en début d'après-midi.

Le terroriste de 36 ans, Jamel Gorchene, un ressortissant tunisien, a d'abord été repéré sur les caméras de surveillance "une première fois à 12h48". Puis "à 12h49 sur son scooter", alors qu'il se dirige "vers une salle de prière provisoire" de la commune. L'homme n'a pu être observé par les vidéosurveillance alors qu'il entrait, ou non, dans cette salle. A 13h58 il roulait vers le centre-ville.

A 14h19, le tueur arrive à proximité du commissariat de police à pied, "avec un sac de type cabas". A 14h22, "il s'arrête devant le commissariat, pose le sac puis consulte son téléphone après avoir regardé tout autour de lui". L'homme fait ensuite des allers-retours devant le commissariat, tout en regardant vers le poste de police.

Deux coups de couteau mortels dans le sas

La minute suivante, à 14h23, la victime, Stéphanie M., 49 ans, "sort en tenue civile pour rejoindre son véhicule pour régulariser son disque de stationnement". Jamel Gorchene met des écouteurs sur ses oreilles. La fonctionnaire revient à 14h25 et sonne pour qu'on lui ouvre la première porte du sas. Après avoir récupéré son sac par terre, le terroriste court vers la victime et s'engouffre dans le sas avec elle. Il "l'enserre alors immédiatement avec un bras, la bloque contre la seconde porte et lui porte un premier coup de couteau à l'abdomen, puis un second au niveau de la gorge".

Un brigadier de police se trouvant dans le hall du commissariat intervient rapidement. Il ouvre le sas et fait feu une première fois sur l'assaillant qui ne lâche pas son arme, puis tire une seconde fois. Jamel Gorchene s'effondre mais "lance son couteau sur les policiers". Il est décédé peu après. Son couteau de "32 cm, avait une lame de 22 cm". "Une exploitation rapide de son téléphone" a permis aux policiers de déterminer que le terroriste était en train d'écouter des vidéos de chants religieux glorifiant "les martyrs et le djihad" avant son passage à l'acte.

Une "radicalisation peu contestable"

Dans son sac, les policiers ont découvert un tapis de prière. Selon deux témoins de cette attaque, Jamel Gorchene a hurlé "Allah Akbar" au moment où il poignardait la victime. Le procureur antiterroriste évoque une "radicalisation peu contestable" du terroriste, ajoutant que "la présence de certains troubles de personnalité a pu être observée". Jamel Gorchene était inconnu des services de renseignements a confirmé Jean-François Ricard, et n'avait jamais été condamné par la justice.

Le magistrat est aussi revenu sur le compte Facebook du tueur qui a montré "une évolution des messages publiés" par le terroriste ces dernières années. Ces publications sont "strictement centrées" sur la religion à compter de l'automne 2020. Huit jours après l'assassinat de Samuel Paty, il avait aussi rejoint une campagne intitulée « Respectez Mohamed prophète de Dieu ».

Jamel Gorchene, né le 3 octobre 1984 à Sousse (Tunisie), bénéficiait d'une carte de séjour temporaire depuis le 28 décembre 2020. A la fin 2019, il avait fait l'objet d'une autorisation exceptionnelle de salarié, ayant trouvé un emploi de chauffeur-livreur. Il était en situation irrégulière auparavant et serait arrivé en 2009, en France.

"Des troubles du comportement" selon son père

Son père, qui fait partie des cinq personnes actuellement en garde à vue, a indiqué que le tueur avait adopté "une pratique rigoureuse de l'islam" et qu'il présentait "des troubles du comportement" depuis le début de l'année. Il avait d'ailleurs consulté un psychiatre le 23 février dernier à Rambouillet. Deux cousins de Jamel Gorchene - l'un a été interpellé ce dimanche matin - ainsi que le couple du Val-de-Marne qui l'a hébergé à son arrivée en France, sont les autres suspects qui sont interrogés par les enquêteurs. Les investigations de la DGSI et de la SDAT se poursuivent pour "identifier d'éventuels complices" du terroriste.

Par ailleurs, Jamel Gorchene avait effectué un séjour en Tunisie, dans sa famille, du 25 février au 13 mars dernier. "Une demande d'entraide pénale a été formalisée" avec la Tunisie a précisé le procureur antiterroriste. Les autorités tunisiennes "ont déjà procédé à des vérifications".

Le pays a fait savoir qu'il condamnait "énergiquement" cet attentat, dans un communiqué de l'ambassade de Tunisie en France. "Cet acte barbare intervient en plein mois de Ramadan, mois saint qui incarne plutôt les valeurs de la tolérance et de la fraternité entre les individus", peut-on lire. La Tunisie fait aussi part de son "rejet total de toute forme d'extrémisme en tout lieu et en toute circonstance".