«Buvez de l'eau avec du sucre et ça ira» : une jeune femme décède après de multiples appels au SAMU

Une jeune femme de 25 ans est décédée le 15 octobre dernier des suites d’une méningite aiguë, après une série d’appels infructueux de son amie aux services de secours pour tenter d’obtenir une prise en charge médicale rapide. Plusieurs enquêtes ont été ouvertes.
«Buvez de l'eau avec du sucre et ça ira» : une jeune femme décède après de multiples appels au SAMU
Illustration. (A17)
Par La Rédaction
Le lundi 28 octobre 2024 à 17:08

Une jeune femme de 25 ans, juriste pour la ville de Montpellier (Hérault), est décédée le 15 octobre 2024 d'une méningite aiguë, après plusieurs tentatives infructueuses de son amie pour obtenir une assistance médicale d'urgence, révèle le Metropolitain. Elle a été incinérée le 25 octobre à Montpellier. Son amie, présente à ses côtés jusqu'à son décès, témoigne des dysfonctionnements rencontrés lors des appels passés au Centre 15, géré par le SAMU 34, et au Service départemental d'incendie et de secours (SDIS 34).

Le premier appel pour obtenir de l’aide a été passé à 15h15 au Centre départemental des appels d'urgences (CDAU) basé à Vailhauquès. "Mon amie m’a appelée à 14 heures, en me disant qu’elle avait vomi toute la nuit et qu’elle avait de fortes fièvres. À mon arrivée, à 15h11, j’ai effectivement constaté qu’elle n’allait vraiment pas bien, j’étais très inquiète", raconte-t-elle. Elle déclare avoir expliqué au SAMU que son amie était souffrante. "L’opérateur ou le médecin de garde, je ne sais pas, m’a demandé de la lui passer au téléphone. Elle a confirmé que son état était insupportable, les vomissements et les fortes fièvres, qu’elle ne pouvait plus se mouvoir, réclamant de la morphine. On lui a rétorqué d’une voix autoritaire : "calmez-vous, madame, calmez-vous, buvez de l’eau avec du sucre et ça ira", ajoute-t-elle, dénonçant le "ton méprisant, voire indécent" de l’interlocuteur. Ce dernier aurait ensuite tenté de l'orienter vers SOS Médecin, bien qu'elle ait précisé qu’elle ne disposait d'aucun moyen de transport et que son amie était incapable de bouger.

«J'ai précisé à chaque appel qu'elle a beaucoup de mal à respirer»

Face à l’aggravation de l’état de santé de la victime, elle appelle de nouveau le 18 à 15h45. "Un pompier m’a basculé de nouveau sur un opérateur du Centre 15, une orientation qui n’a eu aucune suite, puisque je venais d’avoir le SAMU. J’ai précisé à chaque appel qu’elle est asthmatique et qu’elle a beaucoup de mal à respirer. On m’a conseillé de lui donner sa ventoline", décrit l’amie.

Le lieutenant-colonel Jérôme Bonnafoux, représentant du SDIS de l’Hérault, a justifié ces transferts successifs en affirmant que le personnel du 18 était légalement tenu de transférer les appels vers le Centre 15. "Pour un appel d’une personne malade ou blessée à domicile parvenu au 18 ou au 112, la loi nous oblige à le transférer au Centre 15 pour une régulation, et c’est le médecin de garde du SAMU qui décide de la suite à donner", a-t-il indiqué à nos confrères, précisant que seule la décision du SAMU pouvait déclencher l’envoi du SMUR, d'une ambulance des pompiers ou l'intervention de SOS Médecin.

«Je vois tout blanc, j’ai le corps en feu, je vais mourir»

En dépit des appels successifs, l'état de la victime s'aggrave rapidement. "Mon amie s’est évanouie, elle présente des selles avec du liquide rouge sang, elle ne peut plus bouger ses jambes, elle a une main rigide avec impossibilité de bouger les doigts", raconte l’amie, qui continue de demander une intervention. Un opérateur lui recommande alors de soulager les douleurs de la patiente en passant sa main sous l'eau et en lui faisant "prendre une douche chaude". Elle tente de suivre ces instructions, mais s’affole en découvrant de multiples taches "bizarres et anormales" sur le corps de son amie. Finalement, elle parvient à trouver un ami qui a un véhicule pour effectuer le transport.

À 16h56, la jeune femme est descendue difficilement jusqu'à la voiture, incapable de bouger ou de marcher. Pendant le trajet vers la polyclinique Saint-Roch, elle s'affaiblit de plus en plus. "Elle répète : 'Je vois tout blanc, j’ai le corps en feu, je vais mourir', puis elle perd connaissance", se souvient son amie. Prise en charge par les urgentistes à 17h30, la jeune femme est transférée en urgence absolue au CHU de Montpellier, où elle décède peu après.

Les parents de la victime ont déposé plainte pour homicide involontaire. Une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Montpellier et une autopsie a révélé que la jeune femme est morte d’une méningite aiguë, une infection qui n’a pas été diagnostiquée à temps. Les bandes sonores des appels aux services d'urgence ont été saisies par la police. "Les enregistrements confirment que toutes mes alertes n’ont pas été prises en compte, c’est vraiment accablant", assure l’amie de la victime.

L'agent régulateur ayant reçu les appels suspendu

Dans un communiqué publié ce vendredi soir, le CHU de Montpellier a exprimé sa "profonde tristesse" et ses "sincères condoléances à la famille et aux proches de cette jeune patiente". La direction de l’hôpital a annoncé l’ouverture d’une enquête interne et s’est engagée à fournir en toute transparence "les précisions nécessaires à la compréhension des circonstances exactes du décès". "Plusieurs mesures ont déjà été prises au sein de l’établissement", précise le CHU. L'Agence régionale de santé (ARS) d'Occitanie a également déclenché une inspection.

Le SAMU et le CHU ont suspendu à titre conservatoire l’assistant régulateur ayant pris les appels de la victime. "Il ne faut absolument plus que ce genre de situation se reproduise. Comme la famille, terrassée par ce décès brutal, je souhaite ardemment que ces effrayants dysfonctionnements ayant conduit à la mort injuste d’une femme de 25 ans soient analysés, décortiqués pour que ça n’arrive plus jamais", affirme l’amie de la victime, dénonçant par ailleurs les "détails du drame encore troubles" avancés par le CHU. Elle ajoute : "Lire cela dans le communiqué du CHU est honteux, c’est faux, on sait ce qui s’est passé et pourquoi elle est morte", et de conclure : "Avoir été impuissante à la sauver me torture tous les jours".