Le mardi 15 février 2022 à 17:04
La préfecture de police de Paris a demandé la suspension d'un policier du commissariat du Ve et du VIe arrondissement, suite à un article publié ce mardi par Mediapart. Le fonctionnaire a laissé un message sur le répondeur d'une plaignante qui venait de déposer une plainte pour agression sexuelle. Un message audio dans lequel il insulte cette femme de "grosse pute". Le téléphone de l'agent avait été mal raccroché et il parlait à haute voix avec l'un de ses collègues.
Cette femme de 34 ans a raconté dans sa déposition avoir été victime d'une agression sexuelle dans la nuit du 4 au 5 février, alors qu'elle se trouvait avec l'une de ses amies et qu'elles sortaient d'un bar situé dans le quartier latin (Ve). Les forces de l'ordre sont intervenues sur place et la trentenaire a déposé sa plainte dans la foulée au commissariat. Par le passé, la trentenaire avait déjà été victime de violences sexuelles lorsqu'elle était jeune décrit Mediapart. Elle a également subi des violences conjugales en novembre 2019, pour lesquelles son ex-compagnon a écopé d'une peine de dix mois de prison avec sursis.
"En fait, c’était juste pour lui casser les couilles"
La plaignante est rentrée chez elle se reposer et à 13h42, son téléphone a sonné. Il s'agissait d'un numéro masqué. La personne a laissé un message d'un peu plus de 3 minutes, sur son répondeur. Il s'agissait d'un policier du commissariat du "56", mais pas celui qui avait pris sa plainte. "Oui, bonjour, commissariat de police de Paris des Ve et VIe arrondissements. Je vous rappelle par rapport à ce qui s’est passé hier. Écoutez, merci de me rappeler au plus vite. J’aurais besoin de vous réentendre sur les faits", demande le fonctionnaire. Celui-ci raccroche mal son téléphone. Le répondeur continue à enregistrer la suite.
"Je la rappellerai de toute façon parce que là, elle doit être en train de cuver !", lâche le policier, puis : "Elle n’a pas de sens, la plainte, en fait". "Putain, elle refuse la confront’ (la confrontation avec le suspect, ndlr) en plus, la pute. Comme par hasard. En fait, c’était juste pour lui casser les couilles je suis sûr. C’est aberrant", poursuit l'agent qui parle à son collègue. "Il lui arrive un truc comme ça, déjà elle fout une mandale au mec, et après elle va vouloir une confrontation histoire de lui péter la gueule encore plus sur l’audition… Putain, grosse pute". Peu après, la plaignante a reçu un nouvel appel d'un policier lui demandant de venir au commissariat afin d'être entendue, étant donné qu'un suspect était en garde à vue. Elle s'y est rendue à 17 heures avec deux amis précise Mediapart.
L’extrait sonore de Mediapart où le policier parisien pensant avoir raccroché , insulte une femme venue porter plainte pour agression sexuelle. pic.twitter.com/9wBe8MA7tP
— David Perrotin (@davidperrotin) February 15, 2022
"Aucun comportement offensant ou injurieux ne sera toléré"
La préfecture de police de Paris a rapidement réagi à cette affaire, dans un communiqué : "Le préfet de Police condamne fermement les propos inadmissibles tenus par un fonctionnaire de police à l'égard d'une victime d'agression sexuelle dont il a pris connaissance". "Le préfet de Police a immédiatement saisi l'IGPN et demandé la suspension à titre conservatoire du fonctionnaire", peut-on lire. "La préfecture de Police rappelle son plein engagement pour améliorer l'accueil et la prise en charge des victimes de violences conjugales et sexuelles dans l’ensemble des commissariats de son territoire. Aucun comportement offensant ou injurieux ne sera toléré de la part d’un fonctionnaire de police, vis-à-vis d’une victime".
Le préfet de Police condamne les propos inadmissibles tenus par un policier à l'égard d'une victime d'agression sexuelle dont il a pris connaissance. Didier Lallement a immédiatement saisi l'IGPN et demandé la suspension à titre conservatoire du fonctionnaire concerné. pic.twitter.com/YcZH7oQCP2
— Préfecture de Police (@prefpolice) February 15, 2022
Interrogé par nos confrères, l'avocat de la plaignante, Me Arié Alimi, a estimé que les propos du policier impliqué reflètent "malheureusement le quotidien à la fois des violences conjugales, des agressions sexuelles et des violences policières", ajoutant avoir saisi l'IGPN en espérant "des poursuites".