Le samedi 25 septembre 2021 à 19:47
Nous sommes le 14 juin 2019, il est 5 heures du matin sur une base militaire française près de Gao, au Mali. Trois militaires prennent place à bord d'un hélicoptère Gazelle. Les deux pilots, Kévin et Adrien, se rendent sur une zone où les combats contre des terroristes font rage depuis plusieurs heures. Maxime Blasco, tireur d'élite, se trouve à l'arrière de l'appareil. Depuis qu'il s'est engagé en 2012, c'est la quatrième fois qu'il est envoyé au Mali dans le cadre de l'opération Barkhane.
L'hélicoptère Gazelle arrive au niveau de la zone boisée où se déroule l'opération. Mais il est rapidement touché et endommagé par des tirs ennemis. Le crash est inévitable. "Quand on commence à s’approcher du sol, je rentre les jambes dedans et je commence à m’accrocher au siège du chef de bord. En me serrant le plus fort possible. En me disant que de toute manière ça va être l’impact assuré", confie Maxime Blasco à France 2.
"J’ai accepté, je me disais : de toute façon, ça se finit aujourd’hui"
"J’ai la Gazelle dans le champ de vision et je vois une boule de feu. Pour moi, à ce moment-là, c’est fini pour l’équipage…", explique de son côté Nicolas, pilote de l’hélicoptère Tigre, qui se trouve un peu plus loin, derrière. Pour Maxime Blasco, c'est trop tard : "J’ai accepté, je me disais : De toute façon, ça se finit aujourd’hui". Ses deux collègues aux commandes de l'hélicoptère sont grièvement blessés. L'appareil s'est embrasé et une épaisse fumée est visible. "Max" quant à lui, est moins touché. Il a été éjecté lors du crash. Il comprend rapidement qu'il faut agir, et vite, s'il veut sauver ses deux camarades. "La douleur a envahi mon corps. Je ne me sentais pas prêt à bouger mais rapidement en voyant les flammes, j’ai compris que si je restais là, c’était fini", se souvient-il.
Maxime Blasco décide d'agripper Adrien qu'il traîne sur plusieurs mètres. Kévin, lui, ne peut plus bouger ses jambes. Il roule par terre pour se rapprocher du Tigre qui vient de se poser, malgré le risque d'être touché à son tour par les terroristes. "On n’a pas le choix. On voit des gens vivants, peut-être mal en point, et qui ont besoin d’aide. Humainement, on n’a pas le choix", affirme Nicolas, le pilote de ce second hélicoptère.
Une procédure "jamais effectuée en entraînement ni au combat"
Il faut maintenant faire vite. Kévin réussit à s'accrocher à la carlingue du Tigre, avec une sangle. Adrien et Maxime Blasco s'accrochent quant à eux, tant bien que mal, au train d’atterrissage. "Il n’y a que Kevin qui est sécurisé par une ligne de vie. Adrien et Max se tiennent avec leurs mains et leurs bras… A tout moment, ils peuvent lâcher prise par perte de connaissance ou avec un mauvais pilotage de ma part", décrit Nicolas. Il s'agit d'une procédure qui "n'a jamais été effectuée en entraînement ni au combat", mais qui a permis d'extraire les trois victimes.
"C’est à ce moment-là que j’ai presque eu le plus peur. Je me suis dit : On est en train de faire quelque chose d’improbable. C’est une scène de film d’action", estime Maxime Blasco un an plus tard, dans ce reportage, alors qu’il se trouve en entraînement à Chambéry (Savoie), avant un nouveau départ pour le Mali.
"Blessé au dos et souffrant de multiples fractures vertébrales, il [Maxime Blasco] est rapatrié en France le 18 juin 2019. En récompense de ses services exceptionnels, il est décoré de la croix de la Valeur militaire avec étoile de Vermeil puis de la Médaille Militaire des mains du Président de la République", détaille le ministre des Armées dans son communiqué, annonçant le décès du militaire ce vendredi "au combat au cours d’une opération de reconnaissance et de harcèlement conduite par la force BARKHANE dans le Gourma malien, au Sud-Est de N’Daki, dans la région de Gossi, à proximité de la frontière entre le Mali et le Burkina Faso". Le caporal-chef Maxime Blasco, 35 ans, était pacsé et père d’un enfant.
🔴 Mali : Le caporal-chef Maxime Blasco a été tué au combat annonce l'Elyséehttps://t.co/dl5D6SJkYG
— Actu17 (@Actu17) September 24, 2021
"Ce métier, c’est une passion. C’est un peu une drogue"
Après sa récompense reçue des mains d'Emmanuel Macron, Maxime Blasco avait assuré qu'il ne se voyait pas comme un "héros". "J’ai fait une action comme ça (…) Je ne vois pas vraiment de héros (...) C’était une action collective".
Il avait également confié sa "passion" pour son travail. "Je m’étais toujours juré que le jour où il m’arriverait un accident de mission, j’arrêterais mon travail. Et finalement je vois qu’en fait, ce métier, c’est une passion. C’est un peu une drogue. L’esprit de camaraderie, l’action, l’adrénaline. La sensation de servir à quelque chose. Ça a pris le dessus sur mon accident".
"Papa, c’est pour la France"
Interrogé par Le Parisien, le père de Maxime Blasco lui a rendu hommage, malgré le chagrin. "Maxime est mort en faisant sa passion (...) Il me disait toujours : papa, c’est pour la France. Là-bas il y a des malheureux, des enfants qui meurent. J’ai vu des corps de femmes. Il faut voir dans quel état ils étaient. Ils se sont vengés dessus. On ne peut pas laisser faire ça. Maxime, c’est quelqu’un qui avait du courage".
Le militaire avait fait part à son père de sa fierté d'avoir reçu la médaille militaire : "C’est la plus haute distinction qu’il pouvait recevoir. Je lui ai dit qu’il aurait pu recevoir aussi la Légion d’honneur. Il m’a alors répondu : la Légion d’honneur, c’est fait pour des chanteurs ou des militaires dans les bureaux. La médaille militaire, je l’ai eue au combat. Donc, il en était fier. Et nous, nous étions fiers de lui car il avait sauvé ses deux camarades".