Paris : Un enfant de huit ans rasé en punition par des éducateurs dans un foyer de l'ASE

Un foyer de l'Aide sociale à l'enfance (ASE) du XIIIe arrondissement de Paris est au centre d'un signalement à la justice pour maltraitance après la diffusion de vidéos montrant un enfant de huit ans la tête rasée par des éducateurs.
Paris : Un enfant de huit ans rasé en punition par des éducateurs dans un foyer de l'ASE
Illustration. (Shutterstock)
Par Actu17
Le mardi 9 décembre 2025 à 14:20

Un garçon de huit ans placé dans un foyer de l'Aide sociale à l'enfance (ASE) à Paris a eu la tête rasée par des éducateurs qui se sont filmés et ont partagé les images sur une boucle WhatsApp professionnelle.

En février dernier, deux vidéos tournées dans un foyer du XIIIe arrondissement de Paris montrent Eliott, assis torse nu sur une chaise, la moitié du crâne rasée, tandis qu'une éducatrice se tient derrière lui avec une tondeuse à la main, raconte franceinfo. L'éducateur qui filme lance : "On va t'appeler double-face". Un enfant présent ajoute : "On dirait Aladin !". Sur la seconde vidéo, la tête du garçon apparaît entièrement rasée. Ces images sont ensuite partagées sur un groupe WhatsApp destiné aux éducateurs de la section des 6-10 ans, où vit l'enfant, placé dans ce foyer par décision d'une juge des enfants.

Les messages échangés dans cette conversation montrent que la tonte n'a pas été demandée par Eliott et qu'aucun accord n'a été obtenu, ni auprès de sa mère ni auprès de la direction du foyer. Une éducatrice demande ainsi aux auteurs des vidéos s'ils ont "vu avec les parents pour le raser à blanc ?". La réponse arrive rapidement : "Non, nous avons pris la décision sans consulter personne". Lorsqu'une autre éducatrice s'enquiert de savoir s'il s'agissait de la demande de l'enfant, une collègue répond simplement : "C'est une sanction".

«Si ce n'est pas une blague, c'est très très grave»

Sur cette même boucle WhatsApp, certaines professionnelles tentent d'alerter sur la gravité des faits : "Si ce n'est pas une blague, c'est très très grave". Mais ces mises en garde sont accueillies par des moqueries. Un éducateur réplique que cette coupe "lui donne plus d'aérodynamisme" et compare Eliott au professeur "Charles Xavier", un héros de l'univers X-Men connu pour être chauve.

Selon d'anciennes éducatrices du foyer interrogé par franceinfo, l'état dans lequel se retrouve le garçon après la tonte est marquant : "On avait l'impression qu'il sortait d'une chimiothérapie". Elles décrivent un enfant honteux et très triste, qui demande à plusieurs reprises quand ses cheveux vont repousser. Pour l'aider à affronter le regard des autres, des éducatrices lui fournissent un bonnet pour l'école. Eliott le portera pendant environ quatre mois, avec l'accord de sa maîtresse qui l'autorise à le garder en classe. Malgré cela, l'enfant est la cible de moqueries et de coups de la part de certains camarades.

Plusieurs fausses versions des faits

Quelques jours après les faits, la mère d'Eliott, venue lui rendre visite au foyer, remarque la tête rasée de son fils et demande des explications. Les salariés lui affirment alors que le coiffeur "s'est raté" et a voulu rattraper la coupe. Ce n'est que plusieurs mois plus tard, fin septembre, lorsqu'elle découvre l'existence des vidéos, que la réalité lui apparaît. Le foyer, géré par l'association Jean Cotxet, change alors de version et évoque la présence de poux, affirmant que des salons de coiffure auraient refusé de prendre l'enfant. En interrogeant les coiffeurs qui s'occupent habituellement de son fils, la mère comprend qu'il s'agit là encore d'un mensonge.

À la même période, l'éducatrice qui apparaît en train de raser Eliott se met en arrêt maladie et appelle la mère pour lui assurer qu'elle n'est pas responsable de ce qui s'est passé, parlant d'un concours de circonstances et contestant que les vidéos reflètent fidèlement la réalité des faits.

«On se moque de l'enfant et on se retrouve avec un petit garçon qui est apeuré»

Face à cette situation, l'avocat de la mère saisit la juge des enfants par courriel pour signaler des "faits de maltraitance". La magistrate accuse réception de ce message, sans donner suite à ce stade. "On place des enfants pour les protéger et finalement, on se rend compte que sur des vidéos prises par des tiers qui sont censés s'occuper d'eux, on se moque de l'enfant et on se retrouve avec un petit garçon qui est apeuré pendant plusieurs semaines", déplore Me Axel Delaunay-Belleville, auprès de nos confrères. Selon les témoignages recueillis au sein du foyer, aucun autre enfant n'a eu la tête rasée de la sorte, mais plusieurs salariés et ex-salariés dénoncent des violences psychologiques et des négligences.

Contactée par franceinfo, la mairie de Paris explique avoir "pris connaissance avec consternation" de ces faits et assure avoir été informée tardivement, en septembre 2025. Elle affirme que "ni l'accord de l'enfant, ni l'autorisation de sa mère, ni les tentatives infructueuses pour se débarrasser des poux ne sauraient justifier cette pratique humiliante". La direction des solidarités de la Ville indique que l'association Jean Cotxet a apporté des premiers éléments de réponse, évoquant notamment un changement de chef de service et le renouvellement de l'équipe concernée. La Ville précise qu'Eliott dit souhaiter rester dans ce foyer et s'y sentir bien malgré "l'épisode violent" de février, et ajoute que sa mère a été encouragée à porter plainte.

*Le prénom d'Eliott a été modifié afin de préserver son anonymat