Le samedi 28 janvier 2023 à 00:54
Cinq policiers ont été inculpés et incarcérés jeudi pour meurtre à la suite du décès début janvier de l'Afro-Américain Tyre Nichols, 29 ans, selon les autorités. Ces agents de la police de Memphis, grande ville du Tennessee, tous Afro-Américains, sont visés par plusieurs chefs d'inculpation, dont meurtre, coups et blessures ou encore enlèvement, a annoncé le procureur Steve Mulroy lors d'une conférence de presse.
Le président américain Joe Biden a réclamé dans un communiqué une "enquête rapide, complète et transparente" sur ce drame. La vidéo de l'arrestation sera rendue publique vendredi après 18h00 (minuit GMT samedi). "Je m'attends à ce que vous soyez scandalisés" en voyant ces images, a admis mercredi la cheffe de la police de Memphis, Cerelyn Davis. Jugeant probable l'organisation de manifestations, elle a appelé à ne pas "inciter à la violence ou à la destruction".
Dans son communiqué, Joe Biden dit se joindre à la famille de Tyre Nichols en appellant à ce que les manifestations soient "pacifiques", car "la colère est compréhensible, mais la violence n'est jamais acceptable".
«Passage à tabac»
Le 7 janvier, les policiers avaient voulu arrêter Tyre Nichols pour une infraction routière. Alors que les agents s'approchaient, une "confrontation avait eu lieu" et "le suspect s'était enfui", selon les forces de l'ordre. Rattrapé, Tyre Nichols avait finalement été interpellé. S'étant plaint d'avoir du mal à respirer, il avait été hospitalisé. Il était décédé trois jours plus tard. Les détails de l'arrestation ne sont pas encore clairs : la vidéo a pour l'instant uniquement été montrée aux proches et à leurs avocats.
Selon ces derniers, "la police l'a battu au point qu'il était méconnaissable". "Il s'agit d'un passage à tabac pur et simple, sans interruption, de ce jeune homme pendant trois minutes", a précisé l'avocat Antonio Romanucci.
Ce qui s'est passé était "inadmissible" et "criminel" et "n'aurait pas dû se produire", a martelé David Rausch, directeur du bureau d'enquête du Tennessee, "choqué" et "écœuré" par ce qu'il a vu. "En un mot, c'est absolument épouvantable", a-t-il résumé. L'inculpation des policiers "nous donne de l'espoir alors que nous continuons à réclamer justice pour Tyre", ont commenté les avocats de la famille de la victime, dont le célèbre Ben Crump - qui avait représenté la famille de George Floyd.
Jeudi, en évoquant ses rencontres avec les proches de Tyre Nichols, le procureur Steve Mulroy a dressé le portrait d'un "fils presque parfait", "une personne joviale et heureuse, qui aimait le skateboard".
Les cinq agents inculpés ont été licenciés la semaine dernière. L'enquête interne de la police a conclu qu'ils avaient utilisé la force de façon excessive. D'autres policiers font encore l'objet d'une enquête. Les agents mis en cause sont "directement responsables des violences physiques commises sur M. Nichols", avait expliqué mercredi Cerelyn Davis, estimant qu'il ne s'agissait "pas seulement d'une erreur professionnelle, mais d'un manque d'humanité", un acte "odieux, irresponsable et inhumain".
Violence policière
L'affaire trouve un écho particulier dans un pays encore marqué par le meurtre de George Floyd par un policier, en mai 2020, et les manifestations Black Lives Matter, contre le racisme et les violences policières, qui avaient suivi. Et le drame a relancé le débat sur la violence policière dans le pays.
"Nous ne pouvons ignorer le fait que les interventions policière mortelles ont davantage touché les personnes noires", a rappelé Joe Biden.
Le président démocrate exhorte le Congrès à passer un projet de loi de réforme de la police, adopté à la Chambre des représentants en 2021 mais bloqué au Sénat. Depuis la mort de George Floyd, le Congrès américain a été incapable d'adopter la moindre réforme ambitieuse de la police aux États-Unis, y compris l'interdiction des prises d'étranglement.
Le président de l'organisation de défense des droits civiques NAACP, Derrick Johnson, a appelé les élus du Congrès à regarder la vidéo de l'arrestation, puis à agir. "Nous pouvons nommer toutes les victimes de violences policières, mais nous ne pouvons pas citer une seule loi que vous avez passée pour régler le problème", a-t-il dit.