Le lundi 11 avril 2022 à 23:06
Joe Biden a durci lundi au nom du "bon sens" la réglementation des armes dites "fantômes", difficiles à repérer en l'absence de numéro de série et pouvant être assemblées en kit à domicile en quelques minutes seulement.
Le président américain a souligné, lors d'un événement à la Maison Blanche rassemblant des familles et proches de victimes d'armes à feu, que le nombre de ces "ghost guns" signalés par les forces de l'ordre avait été multiplié par dix en cinq ans, entre 2016 et 2021. Tout en se disant favorable au deuxième amendement de la Constitution des États-Unis, qui fonde le droit de posséder une arme, il a critiqué le puissant lobby des armes, la NRA, pour avoir qualifié sa régulation d'"extrême". "C'est extrême de protéger les policiers ? De protéger nos enfants ? ... Ce n'est pas extrême, c'est du bon sens", a dit le président américain, qui a manipulé l'une de ces armes en kit devant les caméras pour montrer combien l'assemblage en est facile.
Joe Biden, auquel les républicains reprochent d'être laxiste en matière de répression de la délinquance, s'efforce depuis quelques semaines de montrer sa fermeté et son soutien aux forces de l'ordre. Selon un nouveau décret, les pièces détachées pouvant être facilement assemblées en une arme à feu seront soumises aux mêmes exigences que les armes déjà montées. Les revendeurs de tels kits devront procéder à une vérification des antécédents des acheteurs potentiels ou encore inclure un numéro de série sur les pièces constitutives.
Moins de 1%
De janvier 2016 à décembre 2021, le Bureau de l'alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF) n'a réussi à remonter au propriétaire d'une arme "fantôme" que dans 0,98% des cas, notamment dans les enquêtes pour homicides et tentatives d'homicide.
Selon l'organisation Gun Violence Archive, plus de 11 700 personnes sont mortes par arme à feu depuis le début de l'année aux États-Unis, incluant les suicides. Sur toute l'année 2021, le nombre a été de 45 000 morts, selon le même site, ce qui amène régulièrement la Maison Blanche à parler d'une "épidémie". Mais les pouvoirs de l'exécutif, au-delà de certaines réglementations prises par décret, sont limités.
Joe Biden a répété lundi ses appels au Congrès pour interdire la vente de fusils d'assaut ou pour imposer un système universel de vérification des antécédents judiciaires et psychiatriques pour les acheteurs d'armes à feu. Ces appels s'apparentent à des vœux pieux au vu de la faible marge de manœuvre parlementaire de Joe Biden, face notamment à certains élus républicains farouchement opposés à toute régulation. Tom Cotton, sénateur de l'Arkansas, a ainsi estimé dans un communiqué que "les régulations ne font que compliquer l'accès aux armes de citoyens respectueux des lois."
«La bataille pour mettre fin à la violence par armes à feu est encore longue»
La NRA a pour sa part reproché à Joe Biden de dévoiler "encore un autre plan creux" destiné à "réjouir ses riches partisans favorables à la lutte contre les armes". A l'inverse, Gabrielle Giffords, ancienne élue démocrate de la Chambre des représentants et survivante d'une fusillade, a salué le décret. "La bataille pour mettre fin à la violence par armes à feu est encore longue mais nous avons remporté une victoire importante", a-t-elle écrit sur Twitter.
Eric Adams, maire de l’État de New York où ces "ghost guns" circulent beaucoup, a également salué la décision : "Les armes fantômes impossibles à tracer sont aussi meurtrières que d'autres armes à feu, elles doivent être traitées de la même façon et non comme des curiosités". Mais cet ancien policier a aussi estimé dans un communiqué que "ce n'était pas assez" et appelé de ses vœux une autorité de régulation, l'ATF donc, "résolue".
Joe Biden a révélé lundi le nom de son candidat pour prendre la tête de cette agence : Steve Dettelbach, un ancien procureur. Il s'agit de la deuxième tentative du président américain pour pourvoir ce poste. Sa première, avec pour candidat un farouche partisan de la régulation, avait échoué faute de soutien parlementaire et face à une virulente campagne du lobby des armes à feu.