Le mercredi 21 septembre 2022 à 14:13
Un homme a tenté de s'immoler par le feu mercredi près du bureau du Premier ministre japonais à Tokyo pour protester contre les funérailles nationales controversées prévues le 27 septembre pour l'ancien Premier ministre assassiné Shinzo Abe, selon des médias locaux.
Atteint de nombreuses brûlures, l'homme a été ensuite hospitalisé, toujours selon les médias nippons. Son état de santé n'était pas connu dans l'immédiat.
"Nous avons été informés qu'un homme avec des brûlures a été trouvé par un officier de police à 07h00 ce matin (22h00 GMT mardi) à un croisement" à proximité du Kantei, le complexe abritant les bureaux et la résidence du Premier ministre au cœur de la capitale japonaise, a déclaré lors d'un point presse régulier le porte-parole du gouvernement, Hirozaku Matsuno. Il a toutefois refusé d'en dire davantage : "Les détails sont actuellement examinés par la police".
Un photographe de l'AFP, arrivé sur place peu après les faits, a constaté que de la pelouse et des buissons étaient partiellement brûlés sur une petite surface au bord d'une route, avec un attroupement de policiers et de journalistes à proximité.
Selon l'agence de presse japonaise Kyodo, l'homme a été emmené à l'hôpital alors qu'il était encore conscient et la police a trouvé un message qu'il aurait laissé sur place exprimant sa forte opposition aux funérailles nationales pour Shinzo Abe.
Disant être septuagénaire, l'homme aurait aussi déclaré à la police s'être aspergé d'essence et y avoir lui-même mis le feu.
Un hommage national qui ne passe pas
Personnalité aussi emblématique que controversée de la droite nationaliste au Japon, Shinzo Abe avait quitté le pouvoir en 2020 pour des raisons de santé. Il a été assassiné par balles le 8 juillet en plein meeting électoral à Nara (ouest du Japon) à l'âge de 67 ans.
Son assassin présumé, Tetsuya Yamagami, aussitôt interpellé après les faits, a expliqué qu'il en voulait pour des raisons personnelles à l'Eglise de l'Unification, surnommée la "secte Moon", avec laquelle M. Abe entretenait des liens, selon lui.
Cet assassinat a ému au Japon et dans le monde entier. Mais la décision sans concertation préalable du Premier ministre actuel Fumio Kishida d'organiser des funérailles nationales pour Shinzo Abe a soulevé une vague de réprobation d'une ampleur inattendue dans le pays.
Des funérailles nationales pour des responsables politiques sont rarissimes au Japon depuis la fin de la Seconde guerre mondiale : la dernière cérémonie de cette ampleur pour un Premier ministre nippon remonte à 1967.
Le coût pour le contribuable de celle prévue pour Shinzo Abe, en présence de centaines de dignitaires étrangers, a été chiffré par le gouvernement à 1,7 milliard de yens (12 millions d'euros). Elle a fait grincer des dents dans une partie de l'opinion.
Shinzo Abe a battu le record de longévité au pouvoir d'un Premier ministre japonais (presque 9 ans, étalés entre 2006-2007 puis 2012-2020). Il était connu à l'international pour son intense activité diplomatique et son ambitieuse politique de relance économique, surnommée les "Abenomics".
Mais il était très loin de faire l'unanimité dans son pays, où beaucoup voyaient d'un mauvais œil ses idées nationalistes et sa volonté de réviser la Constitution pacifiste japonaise. Sa réputation avait aussi été ternie par de nombreuses affaires de clientélisme.
"Si Abe était vraiment une bonne personne, que beaucoup de gens se sentaient à l'aise pour organiser des funérailles nationales et estimaient qu'il le méritait, alors ce serait une histoire différente", a déclaré à l'AFP Hiroyuki Sugiura, un homme de 69 ans qui participait à un petit rassemblement antigouvernemental mercredi à Tokyo.
Des manifestations, d'habitude plutôt rares au Japon, se sont multipliées ces derniers jours contre les funérailles. L'une d'entre elles a rassemblé plusieurs milliers de personnes lundi à Tokyo.
Critiqué pour l'hommage national réservé à Shinzo Abe et par des révélations en cascade sur les nombreux liens entre l'Eglise de l'Unification et des élus du Parti libéral-démocrate (PLD, droite conservatrice au pouvoir), le Premier ministre nippon Fumio Kishida a vu sa popularité fondre depuis cet été.
M. Kishida, qui est par ailleurs président du PLD comme l'était autrefois Shinzo Abe, n'était pas présent mercredi à Tokyo : il s'est envolé la veille pour New York (États-Unis) pour participer à l'Assemblée générale des Nations unies.