Le mercredi 7 septembre 2022 à 00:29
Le village des attaques meurtrières de dimanche au Canada était sous alerte mardi en milieu de journée avec le déploiement de nombreuses forces de l'ordre pour tenter d'appréhender le dernier suspect survivant, potentiellement caché dans la communauté.
Après avoir prévenu les habitants de se mettre à l'abri via un message diffusé sur tous les téléphones portables, de nombreuses voitures de police sont arrivées dans cette localité isolée du centre-ouest du Canada, ont constaté des journalistes de l'AFP sur place.
Deux frères originaires de la région - Damien et Myles Sanderson - sont suspectés d'avoir semé la terreur dimanche dans ce village et celui d'à côté en tuant 10 personnes à l'arme blanche et en en blessant 18 autres avant de s'enfuir.
Déjà recherché pour avoir violé son contrôle judiciaire
Depuis, des centaines de policiers ont lancé une grande chasse à l'homme. Après plus d'une journée de traque, les policiers ont finalement découvert le corps de Damien Sanderson, 31 ans, près d'une des localités où se sont déroulés les meurtres. Les circonstances de sa mort restent à éclaircir, mais il pourrait avoir été tué par son frère, selon la police. Myles Sanderson, 30 ans, est toujours en liberté et recherché.
Connu des services de police et de la justice, ce suspect, qui pourrait lui-même être blessé, était déjà recherché depuis mai dernier pour ne pas avoir respecté son contrôle judiciaire. Il avait été condamné à près de cinq ans d'emprisonnement, notamment pour vol.
1/2 Mise à jour pour l'alerte de personne dangereuse émise par la GRC de Melfort : Damien Sanderson a été retrouvé décédé. #GRCSask continue de rechercher Myles Sanderson, qui mesure 6 pieds 1 pouce et pèse 240 livres, a les cheveux noirs et les yeux bruns. pic.twitter.com/AxcXAbL0KQ
— GRC Saskatchewan (@GRCSask) September 5, 2022
Les meurtres ont touché d'abord cette communauté autochtone à James Smith Cree Nation puis la ville voisine de Weldon dans la Saskatchewan, grande province rurale très peu peuplée du centre-ouest du pays.
"Nos vies ne seront plus jamais les mêmes", estime auprès de l'AFP Ruby Works, 42 ans qui habite à Weldon. "Les gens ont peur de sortir de chez eux", poursuit celle qui pleure la mort de son ami de trente ans, Wes Peterson, tué dimanche. Aujourd'hui, les gens "s'enferment. Ils ont peur. Ils pourraient revenir et recommencer", glisse-t-elle avant de confier qu'elle-même ne pourra pas dormir "tant qu'ils ne l'auront pas attrapé".
D'après la police, certaines victimes ont été ciblées quand d'autres ont été frappées au hasard. Mais la grande majorité d'entre elles sont autochtones. Depuis la communauté de James Smith Cree Nation a déclaré l'état d'urgence.
«Déjà assez souffert»
Sur les réseaux sociaux, de nombreux membres de la communauté Cree (l'une des Premières nations du Canada) exprimaient leur tristesse et leur effroi. Et les messages appelant Myles Sanderson à se rendre se multipliaient.
Bobby Cameron, le chef de la Fédération des nations autochtones souveraines (FSIN), qui représente les communautés de la province, a imploré "toute la population de la Saskatchewan de partager toute information pertinente". "L'incertitude continue de provoquer un stress et une panique incommensurables chez nos familles, amis et voisins. Ils ont déjà assez souffert", a-t-il ajouté. La communauté a déjà en effet connu des épisodes de violence. L'an passé, quasiment jour pour jour, une fusillade y avait fait deux morts.
Au Canada, les autochtones représentent environ 5% des 38 millions d'habitants, et vivent dans des communautés souvent ravagées par le chômage et la pauvreté.
Selon les derniers chiffres officiels, 50% de la population de la communauté a moins de 24 ans et le taux de chômage y est de 24%. Plusieurs responsables ont également pointé du doigt les problèmes de drogue et d'alcool ainsi que des difficultés liées au traumatisme générationnel causé par un siècle d'abus, notamment dans des pensionnats créés pour les autochtones.
Darryl Burns, dont la sœur a été tuée dimanche et qui connaissait les deux suspects, a expliqué aux médias locaux que les frères étaient des "produits des pensionnats" et "avaient beaucoup de colère". "La bataille que nous menons ici n'est pas entre nous... La bataille que nous menons ici est contre l'alcoolisme et la consommation de drogues", a-t-il ajouté.
Ces dernières années, le Canada a vécu une succession d'événements d'une violence rare pour le pays. En avril 2020, un tireur s'étant fait passer pour un policier avait tué 22 personnes en Nouvelle-Écosse. En janvier 2017, six personnes avaient péri et cinq ont été blessées dans des attaques contre une mosquée de Québec.