Le dimanche 27 février 2022 à 22:38
Volodymyr Zelensky devait sa notoriété mondiale à une conversation téléphonique controversée avec Donald Trump qui tentait d'obtenir du néophyte président ukrainien une enquête pour embarrasser son rival, Joe Biden. Mais depuis l'invasion russe, il se sublime en chef de la résistance, en particulier sur les réseaux sociaux.
Présenté par ses détracteurs comme une marionnette à la merci des États-Unis et de la Russie, l'ancien acteur comique devenu chef d’État en 2019, à 44 ans, a fait taire les critiques par sa capacité à incarner la détermination de son peuple face à la supériorité militaire de Moscou.
"Pas de panique, nous sommes prêts pour tout, nous allons vaincre", lance-t-il à ses concitoyens jeudi matin dans un message vidéo sur Facebook, quelques heures après les premières frappes russes et la déclaration de guerre de Vladimir Poutine.
Le lendemain, il apparaît avec ses collaborateurs devant le bâtiment de la présidence dans une nouvelle vidéo pour montrer qu'il se trouve bien à Kiev, sans gilet pare-balles ni casque, au moment où les dirigeants occidentaux, l'estimant directement visé, envisagent pour lui des portes de sortie. "Nous sommes tous ici, nos militaires sont ici, les citoyens, la société, nous sommes tous ici, à défendre notre indépendance, notre État", déclare alors M. Zelensky.
"Contraste avec Poutine"
Chaque jour, il s'affiche pour appeler à tenir la capitale, balayer les rumeurs de reddition imminente, ou encore saluer dimanche la formation d'une "coalition internationale" pour soutenir l'Ukraine par l'envoi "d'armes, de médicaments de nourriture, de carburant et d'argent".
Au président américain Joe Biden qui lui offrait son aide pour quitter le pays si nécessaire, il a répliqué "avoir besoin de munitions, pas d'un taxi". Ce type de bravade lui a valu, outre "l'admiration" de nombreux commentateurs sur Twitter à travers le monde, "sur les réseaux sociaux ukrainiens depuis quelques jours une reconnaissance de leader de la nation", souligne la chercheuse franco ukrainienne Valentyna Dymytrova, maîtresse de conférences en Sciences de l'information et de la communication à l'Université Lyon 3. Sur les commentaires, "on pensait qu'il 'n'avait pas de couilles' et maintenant on dit qu'il 'a des couilles de plomb'", résume-t-elle.
Par son omniprésence sur les réseaux sociaux, il crée aussi un "décalage par rapport aux stratégies du président Vladimir Poutine, dont les apparitions sont assez rares, les formats communicationnels très longs, dépassant une quarantaine de minutes", évoquant la "vieille école" soviétique, remarque Valentyna Dymytrova.
"Le contraste est frappant : Zelensky est toujours debout, rarement assis, il est toujours dynamique et non pas statique, à la différence de M. Poutine, souvent assis à sa table, même le décor est différent", poursuit-elle.
Accents churchilliens
L'historien britannique Andrew Roberts, auteur d'une biographie de Winston Churchill, lui trouve même des accents du Premier ministre britannique lors de la Deuxième Guerre mondiale. Parmi les similitudes entre les deux dirigeants, le professeur au King's College de Londres cite dans un courriel à l'AFP "l'incroyable courage personnel" de M. Zelensky, sa "capacité à se connecter directement à son peuple", et "sa conviction inébranlable en la victoire finale".
Face à lui, Vladimir Poutine lâche ses coups. Il a ainsi qualifié le président ukrainien et son gouvernement de "clique de toxicomanes et de néonazis", malgré les origines juives de Volodymyr Zelensky et le fait que le russe soit sa première langue. Son prédécesseur et rival Petro Porochenko raillait d'ailleurs sa piètre connaissance de la langue ukrainienne.
L'élection en avril 2019, après une campagne éclair sur les réseaux sociaux, de ce comédien interprétant dans une série à succès, professeur d'histoire honnête mais naïf, arrivé au pouvoir par hasard, aurait pu relever de la farce ou de la ruse de l'Histoire.
Et ce, d'autant plus que face aux autres chefs d’État, Volodymyr Zelensky a d'abord paru emprunté. Ses promesses de régler le conflit dans l'Est du pays avec les régions séparatistes prorusses ou de lutter contre la corruption semblaient sonner creux et sa gestion de la pandémie de Covid-19 était très critiquée.
Mais l'affrontement avec Moscou, qui place l'Ukraine au centre de la plus grave crise russo-occidentale depuis la fin de la Guerre froide, l'a définitivement fait changer de statut.