Le dimanche 11 septembre 2022 à 11:37
Les soupçons de fuites au sommet du "36" avaient fait scandale en 2015 : l'ex-patron de la police judiciaire Bernard Petit est jugé à partir de lundi avec 18 prévenus, dont "l'escroc des stars" Christophe Rocancourt, le fondateur du GIGN et un ancien secrétaire d’État.
Ce dossier foisonnant à tiroirs, qui rassemble sur le banc des prévenus des personnalités hétéroclites, grands flics, gardien de la paix, homme politique, notaire ou restaurateurs, doit être examiné par le tribunal correctionnel de Paris jusqu'au 5 octobre.
L'affaire trouve son origine dans un premier volet visant en particulier Christophe Rocancourt, connu pour avoir arnaqué des riches Américains dans les années 1990 à Hollywood et New York. Loin du show-business et des escroqueries à millions, il est notamment soupçonné d'avoir tenté au printemps 2014 avec son ancien avocat Marcel Ceccaldi de faire régulariser, moyennant paiement, deux Marocaines sans-papiers. Et ce, en sollicitant l'intervention de l'ancien chef du GIGN Christian Prouteau et de l'ex-secrétaire d'Etat Kofi Yamgnane.
C'est ce dossier, impliquant aussi la compagne de Christophe Rocancourt et un notaire, qui a entraîné l'explosion d'une deuxième affaire, mettant en cause celui qui était alors à la tête du prestigieux 36 Quai des Orfèvres. Bernard Petit est soupçonné, comme son chef de cabinet de l'époque Richard Atlan, d'avoir violé le secret de l'instruction en renseignant Christian Prouteau, via un intermédiaire, avant même sa garde à vue en octobre 2014.
La mise en examen, une première, et le limogeage immédiat par le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve le 6 février 2015 de Bernard Petit, policier à l'image de droiture nommé 14 mois auparavant, avait eu un écho retentissant. Il avait déjà succédé à Christian Flaesch, écarté pour avoir prévenu un proche de l'ex-président Nicolas Sarkozy, Brice Hortefeux, d'une convocation pour être entendu comme témoin.
En 2014, la police judiciaire parisienne avait en outre été marquée par deux scandales : une plainte pour viol visant deux policiers dans les locaux du 36 et le vol dans les scellés de 52kg de cocaïne.
Soupçons de trafic d'influence
L'affaire a fait chuter un autre policier, l'influent Joaquin Masanet, ancien syndicaliste retraité soupçonné d'avoir aidé à transmettre ces bons tuyaux à Christian Prouteau. Par ricochet, les investigations ont jeté la lumière sur des soupçons de malversations massives au sein de l'association qu'il présidait, l'Anas, en charge des œuvres sociales de la police.
Une série d'abus lui sont reprochés : interventions monnayées dans des dossiers de titres de séjour, de permis de conduire ou de contraventions, quelque 60 000 euros de frais de bouche fictifs mais aussi la surfacturation de travaux à hauteur de 470 000 euros. Son fils, deux restaurateurs, trois membres du personnel de l'Anas, un entrepreneur et deux autres policiers sont poursuivis à des degrés divers.
Longuement instruit, ce dossier a peiné à arriver au procès. Le premier volet de trafic d'influence, disjoint, devait initialement être jugé séparément mais, après deux faux départs en 2020 et 2021, les trois volets ont été réunis.
Bernard Petit, 66 ans, est renvoyé devant le tribunal pour révélation d'information sur une instruction à une personne susceptible d'être impliquée et violation du secret de l'instruction. Il sera présent lundi à la barre, a indiqué son avocat Me Arthur Dethomas qui n'a pas souhaité s'exprimer avant l'audience. Au cours de l'enquête, M. Petit a "formellement" contesté avoir transmis une quelconque information.
A 55 ans, Christophe Rocancourt est jugé pour trafic d'influence et escroquerie notamment.
Soulignant l'ancienneté des faits, son avocat Me Jérôme Boursican a déclaré que son client "travaille dans une maison de production prestigieuse et s'expliquera volontiers sur des faits très marginaux dans cette procédure qui, pour l'essentiel, ne le concerne pas".
Poursuivis eux aussi pour trafic d'influence, Christian Prouteau, 78 ans, et l'ex-secrétaire d'Etat à l'Intégration (1991-1993) Kofi Yamgnane, 76 ans, se sont défendus pendant l'instruction d'avoir été payés pour faire jouer leurs réseaux.
Joaquin Masanet, 69 ans, comparaîtra pour complicité d'entrave à une enquête, trafic d'influence et abus de confiance aggravée notamment. Il a nié avoir joué un rôle dans la transmission d'informations confidentielles et avoir utilisé les moyens de l'Anas à des fins personnelles.