La justice annule la condamnation pour viol sur mineure de Farid El Haïry, prononcée en 2003

La Cour de révision a pris ce jeudi une décision rarissime, celle d'annuler la condamnation pour viol sur mineure prononcée en 2003 à l'encontre de Farid El Haïry, qui a passé près d’un an en détention pour un crime qu’il n'a pas commis. La plaignante a en effet avoué qu'elle avait menti.
La justice annule la condamnation pour viol sur mineure de Farid El Haïry, prononcée en 2003
Farid El Hairy, le 8 décembre 2022. (Eric Dussart / PhotoPQR / Maxppp)
Par Actu17 avec AFP
Le jeudi 15 décembre 2022 à 13:02

L'aboutissement d'un "combat pour l'innocence" : la Cour de révision a pris jeudi la décision rarissime d'annuler la condamnation pour viol sur mineure prononcée fin 2003 contre Farid El Hairy, jugé coupable et écroué pour des faits qu'il n'a jamais commis.

Cette décision, qui fait de cet homme de 41 ans le douzième cas connu de révision d'une condamnation aux assises depuis 1945, fait suite à la rétractation de son accusatrice. En 2017, Julie D. avait confié aux autorités judiciaires avoir inventé les faits de toutes pièces, "coincée dans l'emprise" d'un "secret familial".

"Rien ne subsiste à la charge de Farid El Hairy", a tranché, sous les ors de la Cour de cassation, le président de la Cour de révision Nicolas Bonnal, ajoutant que cette condamnation était annulée sans qu'il y ait lieu d'ordonner un nouveau procès. "L'affaire est terminée par cette décision qui vous lave de toute condamnation".

Ému aux larmes, M. El Hairy s'est dit soulagé que la vérité soit "rétablie" tout en observant que rien n'effacera les "vingt-quatre années de souffrance" qui l'ont "détruit", lui et sa famille. "J'ai fait un an d’incarcération mais les vingt-trois années d'incarcération mentale, c’est ce qu’il y a de plus difficile. Ça restera à vie", a-t-il déclaré devant une nuée de caméras. "À l’époque, j’ai été maltraité par la justice (…) . Il ne faut pas que ce soit la justice en général qui soit mise en cause mais en tout cas ils doivent éviter que ça se reproduise", a-t-il ajouté. A ses côtés, son avocat Frank Berton a salué "l’aboutissement d'un magnifique combat pour l’innocence".

«Autre combat»

Sa vie bascule en 1998 dans la petite ville d'Hazebrouck (Nord) quand Julie D., 15 ans, affirme à sa famille avoir été violée et agressée sexuellement par Farid El Hairy, âgé alors de 17 ans. Interpellé, il ne cesse de clamer son innocence. "C'est impossible ! Je n'ai jamais eu de rapport sexuel !", déclare-t-il notamment.

Ses dénégations ne suffisent pas à éviter son renvoi devant la cour d'assises des mineurs du Nord en décembre 2003 où il est condamné à cinq ans de prison, dont quatre ans et deux mois avec sursis, de quoi couvrir sa période de détention provisoire. Inscrit au fichier judiciaire des auteurs d'infractions sexuelles et violentes, il est alors contraint de pointer tous les ans à la gendarmerie. Quant à ses parents, ils sont condamnés à verser 17 000 euros de dommages et intérêts à la plaignante.

«J'étais enfermée dans mon propre mensonge»

Coup de théâtre en octobre 2017 : Julie D. écrit au procureur de Douai et "confesse avoir menti". "Monsieur Farid El Hairy n'est coupable de rien (...) J'étais enfermée dans mon propre mensonge et coincée dans l'emprise du secret familial."

Entre ses huit et 12 ans, écrit-elle, Julie D. a en réalité été victime d'"incestes répétés de la part de (son) grand frère" contre lequel elle finit par déposer plainte. "Elle a voulu dénoncer les faits qu'elle vivait chez elle, elle n'a pas su dire qui était son agresseur", a déclaré jeudi son avocate Anne-Sophie Wagnon-Horiot.

Il faudra toutefois attendre l'été 2022 pour que les autorités informent M. El Hairy de ce revirement. "C'est toujours difficile d’admettre ses erreurs", a-t-il commenté après l'audience, estimant aussi que la justice avait voulu "protéger" la famille de son accusatrice.

En rendant sa décision, le président de la cour a salué la "dignité" de M. El Hairy et a dit espérer que "l'avenir se présentera pour (lui) désormais d’une façon différente". Au niveau judiciaire, il entend désormais demander à l’État la réparation financière de son préjudice et a indiqué vouloir engager des poursuites contre son accusatrice pour dénonciation calomnieuse.

"Elle doit être condamnée pour quelque chose qu’elle a fait, a-t-il dit. Moi j’ai été condamné pour quelque chose que je n’avais pas fait". Restera aussi pour lui à convaincre ses deux enfants, notamment sa fille de neuf ans, qu'il faut, malgré l'injustice qu'il a subie, "respecter la justice, toujours dire la vérité, (...) respecter la police". "C'est relativement difficile, c’est un autre combat", a-t-il déclaré.