Le samedi 22 octobre 2022 à 12:08
De chroniqueur de faits divers à prévenu : l'animateur de télévision Jean-Marc Morandini est jugé lundi à Paris pour avoir sollicité les faveurs sexuelles de deux adolescents, par SMS pour l'un et via un casting pour le second.
Passibles de cinq ans d'emprisonnement, ces faits allégués de "corruption de mineurs" remontent à 2009 et à 2013 et sont contestés par cette figure du PAF, 57 ans, qui anime sur CNews une quotidienne dédiée aux médias après avoir animé notamment les émissions "Crimes" sur NRJ 12 ou "Présumé innocent" sur Direct 8.
"On a l'impression qu'on veut à tout prix que M. Morandini soit jugé", dénonce auprès de l'AFP l'une de ses avocates, Me Corinne Dreyfus-Schmidt, qui assure que son client a "été victime d'un lynchage médiatique terrible" tout au long de ces six années d'instruction.
L'affaire est partie de la plainte de deux adolescents de 15 et 16 ans, déposée en 2016 au moment où Les Inrockuptibles révélaient comment Jean-Marc Morandini, se faisant passer pour la directrice de casting d'une websérie érotique, aurait poussé de jeunes comédiens, majeurs, à s'exhiber nus. Ce dossier vaut à l'animateur d'être renvoyé en correctionnelle pour "harcèlement sexuel" sur un de ces comédiens. La date de ce second procès n'est pas encore connue.
S'agissant du volet "corruption de mineur", la première plainte est venue d'un adolescent auquel M. Morandini aurait fait des propositions sexuelles dans des échanges électroniques, entre février et mars 2013, au moment où l'animateur était chargé de l'émission "Vous êtes en direct" sur NRJ 12.
Face aux enquêteurs en 2016, le plaignant avait évoqué des conversations ayant "dérapé" vers son orientation sexuelle et la masturbation. "Du fait qu'il était extrêmement médiatisé et populaire, j'ai fini par rentrer dans son jeu", avait-il déclaré, selon des éléments rapportés alors par 20 Minutes. Le second plaignant, qui s'est depuis désisté, avait de son côté raconté avoir été contacté en juillet 2009 par la société de production de M. Morandini, via un site de casting, pour un projet de remake de "Ken Park", un film américain mettant en scène des relations sexuelles très crues entre adolescents.
Position de «faiblesse»
Pour les besoins du casting, il avait assuré s'être rendu au domicile de M. Morandini, s'être déshabillé devant lui et dit avoir refusé de se masturber comme le lui demandait l'animateur.
Placé en garde à vue en 2016, M. Morandini s'était défendu en assurant qu'il n'était pas informé de l'âge du premier plaignant et qu'il avait cessé toute relation avec le second dès lors qu'il avait appris qu'il avait moins de 18 ans. "On considère que l'infraction de corruption n'est pas constituée: il faut avoir eu le but de pervertir un mineur et c'est très difficile de savoir ce que recouvre exactement cette qualification", assure Me Dreyfus-Schmidt.
Partie civile au procès, l'association Agir contre la prostitution des enfants (APCE) dit, elle, attendre une réponse pénale "exemplaire". "Les jeunes sont particulièrement exposés lorsqu'il s'agit de métiers attractifs tels que des castings, dans lesquels ils sont en position de faiblesse", estime Bérengère Wallaert, sa déléguée générale, citée dans un communiqué.
Fin 2016, cette affaire avait provoqué une crise ouverte à iTELE, l'ancêtre de CNews, dont l'homme d'affaires Vincent Bolloré avait pris le contrôle un an plus tôt. Pendant un mois, la rédaction s'était mise en grève pour protester contre l'arrivée à l'antenne de M. Morandini, qui venait d'être mis en examen pour "corruption de mineurs". Le mouvement s'était soldé par le départ de près d'un tiers des journalistes de la chaîne d'information.
Dans une tribune alors adressée aux grévistes, M. Morandini leur avait alors demandé de le "laisser travailler". "Que signifie la présomption d'innocence, que chacun estime respecter, si je ne peux exercer mon métier avant la fin d'une procédure pénale qui peut être longue ?", écrivait-il.