Le mardi 4 mars 2025 à 11:08 - MAJ mardi 4 mars 2025 à 13:26
Un procès pour meurtre devant la cour d’assises des Hauts-de-Seine a été requis ce lundi à l’encontre du policier qui a ouvert le feu lors d’un refus d’obtempérer à Nanterre, entraînant la mort de Nahel M., 17 ans, le 27 juin 2023, annonce le procureur de la République de Nanterre ce mardi dans un communiqué.
Un non-lieu pour complicité de meurtre a été requis en faveur du second policier présent lors de l’intervention.
"Outre les investigations réalisées au cours de l’enquête en flagrance (autopsie, analyses toxicologiques), celles-ci se sont poursuivies dans le cadre de l’instruction, donnant lieu notamment à l’audition des parents de la victime, à l’interrogatoire du second policier placé sous le statut de témoin assisté, à l’audition de témoins", indique le parquet dans son communiqué. "Ont été également diligentées plusieurs commissions rogatoires, y compris à l’étranger, plusieurs expertises (balistique, modélisation 3D, accidentologie ou encore techniques sur des vidéos amateurs réalisées lors des faits). Les magistrats instructeurs ont procédé à une reconstitution réalisée le 5 mai 2024, amenant à des rapports complémentaires des experts notamment en balistique et en accidentologie, et enfin à deux confrontations organisées les 15 et 16 juillet 2024".
«Le tir de notre client était parfaitement conforme au cadre légal»
"C’est sans surprise que nous avons pris connaissance de la position du parquet dans cette affaire, qui reste identique à celle affichée au moment des faits", réagit l'avocat du policier auteur du coups de feu, Me Laurent-Franck Lienard. "Pourtant l’instruction a permis de démontrer que le tir de notre client était parfaitement conforme au cadre légal. Nous espérons que les juges chargés de régler le dossier sauront marquer leur indépendance en ne reprenant pas à leur compte les erreurs juridiques et factuelles du procureur de la République".
"Le procureur de la République vient de requérir un non lieu au bénéfice de mon client", réagit de son côté Me Pauline Ragot, l'avocat du second fonctionnaire qui avait été placé sous le statut de témoin assisté. "L’accusation elle-même admet donc que rien ne peut lui être reproché, ce qui correspond à la stricte réalité du dossier".
«Florian n’avait que un millième de seconde pour réagir»
"Je suis sidérée", réagit Linda Kebbab, secrétaire nationale du syndicat de police Un1té. "Quel policier peut imaginer possible de se retrouver renvoyer aux assises pour meurtre alors qu’il a pour seule boussole de rendre nos rues plus sûres contre les chauffards ? Le meurtre suppose l’intention manifeste de tuer, or comment arriver à cette conclusion pour un policier qui prend son arme d’abord pour sommer un individu, comme nous sommes des milliers à l’avoir fait, en espérant une obtempération et ne pas avoir besoin de l’utiliser ? Florian [le policier qui a fait feu] n’avait que un millième de seconde pour réagir… Il faut impérativement créer un pool de magistrats spécialisés à l’usage des armes par les forces de l'ordre".
Le Parquet de Nanterre requiert un procès aux Assises pour meurtre contre l’un des nôtres.
Je suis, comme tous mes collègues, sidérée. Quel policier peut imaginer possible de se retrouver renvoyé aux Assises pour meurtre alors qu’il a pour seule boussole de rendre les rues…
— Linda Kebbab (@LindaKebbab) March 4, 2025
Alliance dénonce «un signal désastreux» et appelle à des rassemblements ce mercredi
Le syndicat Alliance Police Nationale a dénoncé dans un communiqué "un signal désastreux pour le monde policier", suite à la décision du parquet de Nanterre. L'organisation pointe du doigt "une décision lourde de conséquence, qui en dit long sur la place accordée aux forces de l'ordre dans notre pays. Un policier ne se lève pas le matin avec l'intention de tuer. Contrairement à de nombreux criminels qui ont choisi cette voie auxquelles il fait face au quotidien, il n'est pas là pour semer la terreur, mais pour protéger. (...) Faut-il que nos collègues détournent le regard face aux refus d'obtempérer, délits ou crimes ? Doivent-ils hésiter avant d'agir, au risque de mettre en péril leur propre vie en danger, de peur de subir un procès avant même d'avoir été jugé ? Cette pression constante sur les policiers est intolérable et inacceptable".
Alliance Police Nationale appelle également "tous les policiers, tous grades et tous corps confondus, ainsi que toutes les organisations syndicales, à se rassembler symboliquement demain [mercredi] à 12h30 devant tous les services de police de France pour exprimer leur colère face à cette décision inacceptable".
Affaire #Nahel. : une réquisition inacceptable, un signal désastreux pour le monde Policier !#AlliancePoliceNationale appelle tous les policiers, tous grades et tous corps confondus, ainsi que toutes les organisations syndicales, à se rassembler symboliquement demain à 12h30… pic.twitter.com/wj6U5FOsFo
— Fabien Vanhemelryck (@vanhemelryckfab) March 4, 2025
«Je pense qu'il était de mon devoir d'empêcher qu’un drame arrive»
Aujourd'hui âgé de 40 ans, le policier en cause, affecté à la Compagnie territoriale de circulation et de sécurité routières des Hauts-de-Seine (CTCSR 92), a indiqué durant ses auditions qu'il "continue de penser que s'il [Nahel M.] avait obtempéré depuis le début et qu'il s’était stationné sur le bas-côté de la route, rien de tout cela ne serait arrivé", ajoutant être "bien évidemment peiné par sa mort".
"Je continue de dire que je me suis senti en danger et je pense que je l’ai été", a également déclaré le policier. "Au moment de mon tir, pour moi, mon collègue avait encore les bras à l’intérieur du véhicule, nous étions face à un conducteur qui, quelques secondes avant, a manqué de percuter deux personnes. Je pense qu'il était de mon devoir d'empêcher qu’un drame arrive", a-t-il justifié. "C'est le seul moyen que j’avais à ma disposition pour stopper le véhicule".