Paris : Elle affirme s'être radicalisée et avoir rejoint la Syrie pour fuir sa famille, huit ans de prison

Une femme de 29 ans a été condamnée à huit ans de prison ferme ce vendredi par le tribunal de Paris. Elle est retournée en prison à la fin de son procès. Cette dernière était jugée pour avoir rejoint la Syrie et l'État islamique avec sa fillette en 2014, mais également pour avoir voulu y retourner en 2017 avec ses deux enfants. De son côté, la prévenue a assuré qu'elle avait agi de la sorte pour fuir sa famille.
Paris : Elle affirme s'être radicalisée et avoir rejoint la Syrie pour fuir sa famille, huit ans de prison
Des partisans de l'État islamique en Syrie en novembre 2015. (Illustration / Zuma Press / Maxppp)
Par Actu17
Le dimanche 24 avril 2022 à 15:49

Djihadiste au féminin. Ouassila, 29 ans, se serait radicalisée pour fuir l’autorité paternelle et sa famille de culture comorienne qui voulait la marier de force. Large chemise bleue et chignon, cette mère de deux enfants a été condamnée ce vendredi par le tribunal correctionnel de Paris à une peine de huit ans de prison ferme avec maintien en détention.

La justice reprochait à cette jeune femme, originaire de Bourg-lès-Valence (Drôme), d’avoir, en 2014, séjourné en Syrie avec sa fille âgée d’un an et demi et de projeter en 2017 d’y retourner avec ses deux enfants ainsi que deux adolescentes radicalisées, qui se destinaient à s’unir avec des combattants. "J’étais dans un engrenage. Spirituellement, je pensais que la Syrie était un meilleur endroit pour mes enfants", souligne cette femme très volubile qui a répondu durant deux jours aux questions de ses trois juges détaillant sa psychologie et son rapport à la religion. Depuis 2012, environ 1500 hommes et femmes ont pris la décision de rejoindre les rangs de l’État islamique (EI) en Irak et en Syrie. "C’est un phénomène inédit qui est né grâce à la propagande largement diffusée par ce groupe terroriste pour mener à bien son projet de Kalifa", souligne le procureur qui a requis neuf ans de prison.

Elle se radicalise et se voile intégralement

Comment cette jeune fille de la Drôme qui faisait de la danse et des shooting photos, s’est-elle radicalisée au point de vouloir s’unir coûte que coûte à des terroristes ? Selon sa version, elle vivait dans le carcan étroit de sa famille comorienne. Dès l’âge de 8 ans, elle a su qu’elle devait se marier de force avec un cousin déjà âgé de 20 ans. Mais lors de sa préadolescence, elle est violée par des membres de la communauté qui sont parfois hébergés dans la maison familiale. Elle devient anorexique, se scarifie et plus tard le lycée donne l’alerte. Finalement, sans diplôme, elle donne naissance à l’âge de 19 ans à une première petite fille. Mais son petit ami et père de l’enfant ne souhaite pas l’épouser. C’est le déshonneur. Pour fuir la pression familiale, elle cherche à s’unir avec un musulman non-comorien.

La jeune femme se radicalise, se voile intégralement et cherche dans cette mouvance religieuse un rempart contre le poids de sa culture et les exigences de sa famille. Elle trouve le premier venu sur Facebook : Gaëtan L., un Français converti qui l’épouse religieusement avant de planifier un départ en Syrie. Il souhaite entrer dans les rangs de l’État islamique alors que le Kalifa vient d’être proclamé.

«Il y avait des bombardements»

La jeune femme, sa petite fille et son mari se rendent à Genève puis en Turquie avant de passer en Syrie. Ouissila soutient qu’elle ne voulait pas partir mais qu’elle pensait devoir obéir à son époux pour des raisons spirituelles. "J’ai été accueilli dans la maison des femmes d’un Syrien. Puis nous avons loué un appartement. Il y avait des bombardements. Je mettais ma fille sous un matelas et je me couchais sur elle en lui faisant croire que c’était un jeu", raconte la prévenue qui reconnaît aujourd’hui qu’elle voulait s’engager dans l'EI alors que son ex devait être enrôlé dans une unité combattante. Mais trois semaines plus tard, le couple prend la fuite et rentre en France, car selon la jeune femme, elle ne voulait pas séjourner en zone de guerre. Gaëtan la dédouane totalement auprès des autorités françaises prenant tout sur lui avant d’écoper d’une peine de 9 ans d’emprisonnement.

De retour dans la Drôme, Ouissilla donne naissance à un fils. Et ses enfants sont placés avant de lui être finalement rendus. C’est en janvier 2018 que les enquêteurs de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) mènent une visite domiciliaire chez la djihadiste. Les policiers découvrent sur le téléphone portable de cette femme, qui porte le voile intégral, qu’elle est en relation via « Messager » avec un terroriste. Sofiane M. un franco-algérien, soldat des rangs d’Hayat Tahrir al-Cham (Organisation de Libération du Levant), affilié à al-Qaïda. Depuis, ce terroriste est retourné vivre en Algérie où il a été arrêté et condamné à trois ans de prison pour son engagement dans la cause. Il se ferait aujourd’hui appeler Laurent M. et fait l'objet d'un mandat d'arrêt émis par la France.

«Elle était entourée par des gens condamnés ou sympathisants djihadistes»

La jeune femme veut clairement le rejoindre - comme d’ailleurs d’autres femmes séduites sur Internet - pour l’épouser et s’installer en Syrie. Toutes ses fréquentations sont des islamistes et parfois même condamnées ou recherchées pour des des actes de terrorisme. Et entre 2017 et 2018, le djihad est sa raison de vivre. Elle prépare ce nouveau départ pour la Syrie aux côtés de Sofian M. "Dans le projet de Kalifa les femmes sont ciblées, car elles sont destinées à enfanter et à éduquer les futurs lionceaux de l’État, régis par la charia", décrypte le procureur. Le magistrat estime que cette femme n’était pas sous la dépendance affective vis-à-vis à de son mari où de son futur mari, car son engagement était significatif. "Elle a fait le choix de la radicalisation. Elle était entourée par des gens condamnés ou sympathisants djihadistes. Elle influence une jeune fille de 16 ans et l’incite à quitter la France", décrit l’accusation. "Le fait qu’elle souhaite partir avec ses enfants en zone de guerre est de l’ordre du fanatisme".

L’avocate de Ouassila, Me Violaine Vert, estime que la sanction demandée est disproportionnée et demande une peine aménagée avec un bracelet électronique. Elle rappelle que sa cliente a beaucoup souffert dans son enfance avant de faire de très mauvais choix. La défense réfute toute tentative de dissimulation et ajoute "qu’elle a positivement évolué durant ces quatre ans de détention avant d’insister sur le fait que sa cliente est sincère sur sa volonté de s’amender".