«Petite martyre de l'A10» : un procès aux assises requis contre ses parents, 35 ans après les faits

Le parquet de Blois a annoncé ce vendredi requérir le renvoi des parents de la petite Inass, retrouvée morte dans un fossé sur l'autoroute A10 le 11 août 1987, devant les assises, pour meurtre et complicité de meurtre aggravé.
«Petite martyre de l'A10» : un procès aux assises requis contre ses parents, 35 ans après les faits
L'appel à témoins après la mort de la petite Inass, retrouvée sur l'autoroute A10. (sgaudard / PhotoPQR / Maxppp)
Par Actu17 avec AFP
Le vendredi 29 juillet 2022 à 20:37

Le corps martyrisé d'Inass, quatre ans, avait été retrouvé dans un fossé de l'autoroute A10. Trente-cinq ans après les faits, le parquet a requis le renvoi des parents devant les assises pour meurtre et complicité de meurtre aggravé. "Il est requis la mise en accusation devant la cour d’assises de Loir-et-Cher du père et de la mère de la victime décédée", a annoncé vendredi le procureur de Blois Frédéric Chevallier, dans un communiqué.

Dans son réquisitoire, le magistrat a demandé que la mère de la victime, Halima El Bakhti, soit jugée pour meurtre aggravé sur une mineure de moins de quinze ans et que le père Ahmed Touloub comparaisse pour complicité de ce même meurtre aggravé. Le magistrat estime en effet que l’enquête a "permis de caractériser et de retenir" ce crime "pour lequel la réclusion criminelle à perpétuité est encourue".

Si le juge d'instruction décidait de suivre ces réquisitions, "une audience dans le courant de l’année 2023 serait envisageable, sous réserve de l'exercice des recours possibles", a précisé M. Chevallier.

Le juge chargé du dossier a notifié la fin de l'instruction le 10 juin au procureur ainsi qu'aux avocats des parties civiles et des mis en examen. Les avocats peuvent désormais présenter des observations au juge, avant que celui-ci ne décide de prendre une éventuelle ordonnance de mise en accusation à l'encontre des parents de la fillette.

Prélèvement ADN

Les enquêteurs étaient remontés jusqu'aux parents, jusqu'alors inconnus, de la petite Inass, surnommée la "Petite martyre de l'A10", grâce à un prélèvement ADN opéré sur son frère, arrêté en 2016 dans une affaire de violence.

Après comparaison avec le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG), une correspondance avait été révélée avec des traces ADN sur les vêtements et la couverture dans laquelle était enveloppé le corps de l'enfant, lors de sa découverte le 11 août 1987 dans un fossé de l'autoroute à Suèvres (Loir-et-Cher) par deux employés de la société Cofiroute.

Grâce à l'ADN du frère, les enquêteurs avaient pu ainsi identifier et retrouver la trace des parents, un couple de sexagénaires, originaires du Maroc et qui ont eu sept enfants. Les enquêteurs avaient aussi recoupé les données de la Caisse d'allocations familiales (CAF) pour déterminer qu'un enfant du couple n'était plus recensé.

Le couple avait été mis en examen en juin 2018 pour meurtre, recel de cadavre et violences habituelles sur mineur de moins de 15 ans. Ces "délits connexes" de recel de cadavre et violences habituelles "étant couverts par la prescription", le parquet a requis un non-lieu les concernant, a précisé le procureur.

Pendant leur garde à vue, aucun des parents n'avait reconnu être l'auteur des violences ayant entraîné la mort de la petite Inass, s'accusant mutuellement de violences conjugales. Le père s'était dit "soulagé" par les découvertes des enquêteurs, mais la mère assurait "ne pas comprendre pourquoi" elle était convoquée, avait alors indiqué le procureur.

«Ici repose un ange»

Le cadavre mutilé de la fillette portait des traces de brûlures dues à un fer à repasser et des cicatrices dues à des morsures humaines, sans doute d'une femme, selon les médecins légistes. Le juge d'instruction de Blois, chargé à l'époque du dossier, avait estimé qu'il s'agissait "pratiquement d'un cas d'anthropophagie avec prélèvement de chair".

Après la découverte de la fillette, la gendarmerie avait lancé la plus grande diffusion judiciaire jamais entreprise en France. Son signalement avait été diffusé dans plus de 30 pays et sa photographie placardée dans tous les endroits publics. Une ordonnance de non-lieu avait été rendue en octobre 1997, après des recherches infructueuses, laissant cette affaire non résolue.

La fillette a été enterrée anonymement au cimetière de Suèvres (Loir-et-Cher) près du lieu de la découverte du corps. Sur la tombe, régulièrement fleurie par les habitants de la commune, est gravée une simple inscription : "Ici repose un ange".