Le mercredi 9 novembre 2022 à 21:02 - MAJ jeudi 10 novembre 2022 à 10:27
Farès D., conducteur d'un fourgon qui a mortellement fauché le policier Franck Labois en 2020 dans une tentative de fuite, a été condamné mercredi soir 9 novembre à 30 ans de réclusion par la cour d'assises de Lyon.
Dans leur verdict rendu après cinq heures de délibéré, les jurés ont retenu l'"extraordinaire gravité de ce geste" résultant selon eux de la volonté du suspect "d'échapper coûte que coûte à une interpellation", avec pour conséquence la mort du policier du Groupe d'appui opérationnel (GAO) dans la nuit du 10 au 11 janvier 2020.
La réclusion à perpétuité avait été requise. "J'estime qu'il n'y a aucun doute sur l'intention. Il y avait la volonté d'écraser Franck Labois et de passer coûte que coûte", a avancé l'avocat général Olivier Nagabbo, relevant que l'accusé n'avait fait état d'"aucun remords". Comme les parties civiles, l'avocat général a estimé que "l'intention dure pendant toute l'accélération" du fourgon. "Il est impossible que vous n'ayez pas compris que celui qui était sous vos roues était en train d'être trainé", a fait écho Me Jean-François Barre, avocat de la famille du policier.
Jugé depuis lundi pour meurtre sur personne dépositaire de l'autorité publique dans l'exercice de ses fonctions, l'accusé de 24 ans a nié toute volonté de tuer lorsqu'il a renversé Franck Labois dans la nuit du 10 au 11 janvier 2020. Le policier du Groupe d'appui opérationnel (GAO) participait alors à une opération visant à interpeller une équipe de malfaiteurs qui venait de dérober un chargement de lessive en Isère.
«S'il ne le fait pas, il pense qu'il va se faire tirer dessus»
En périphérie de Lyon, le fourgon Volkswagen qui transporte la marchandise volée se retrouve coincé par deux véhicules et tente une manœuvre pour se dégager, percutant de plein fouet Franck Labois, dressé sur son chemin arme au poing. Il ne sera relevé aucune trace de freinage au sol et le policier, qui a été traîné sur plusieurs mètres, décédera trois jours plus tard. L'enquête a permis de remonter à trois hommes, dont Farès D., finalement arrêté le 16 janvier.
Pour les parties civiles le caractère volontaire ne fait aucun doute. "S'il ne le fait pas, il pense qu'il va se faire tirer dessus", assène Me Laurent-Franck Liénard, qui représente les collègues de Franck Labois. Ce dernier, face au fourgon, avait dégainé son arme mais n'a pas tiré. "Franck Labois aimait tellement la vie que ça lui était impossible de donner la mort", a affirmé l'avocat.
Dans sa plaidoirie, la défense s'est élevée contre la peine requise : "la perpétuité, c'est tuer tout espoir", particulièrement pour un homme dans sa vingtaine, a soutenu Me Julien Charle. Les avocats de l'accusé, rappelant que celui-ci s'est immédiatement désigné comme le conducteur du véhicule, ont martelé qu'il "n'avait aucunement l'intention de blesser, encore moins de tuer quelqu'un", ne pensant "qu'à s'enfuir". "Ne gardez que les certitudes. Il n'y en a pas dans ce dossier sur les circonstances de commission des faits", a argumenté Me Charle, alors que les avocats de la famille du policier décrivaient un homme à la tête d'une équipe "déterminée".
«C'est pas un meurtrier, c'est un voleur»
Les avocats de Farès D ont soutenu que "personne ne peut dire exactement quelle était la position des véhicules et celle de M. Labois". Une seule constante dans les déclarations de l'accusé : "il est persuadé qu'à cet endroit, là et nulle part ailleurs, il peut passer", ont-ils plaidé.
Avec sa consœur Me Marie Bariol, Me Charle a demandé à la cour de condamner l'accusé pour "violences volontaires ayant donné la mort sans l'intention de la donner". Auparavant, ses proches l'avaient décrit comme "gentil et calme", mais aussi "influençable", à l'évocation d'une délinquance précoce : une douzaine de faits déjà condamnés, plus quelques jugements encore attendus, notamment pour le vol de la nuit fatale.
"Je ne cautionne pas ce qu'il a fait, mais c'est pas un méchant", a plaidé sa mère. "Il n'a pas voulu que ça en arrive là, il me l'a dit", assure-t-elle. "C'est pas un meurtrier, c'est un voleur", a lâché un de ses cousins, venu spontanément témoigner à la barre. Dans la matinée, les témoignages s'étaient achevés par l'intervention du frère de la victime, qui a souhaité s'adresser à l'accusé, malgré l'émotion qui lui nouait la gorge. "J'aimerais qu'il s'excuse auprès de ma mère", a-t-il dit.
Quelques heures plus tard, alors qu'il prenait la parole pour la dernière fois, l'accusé a parlé "à la famille, aux frères, à la mère". "Je m'excuse, sincèrement", a-t-il simplement déclaré. Le verdict est attendu dans la soirée.