Le lundi 7 novembre 2022 à 15:26 - MAJ lundi 7 novembre 2022 à 20:40
"J'ai juste voulu m'enfuir" : Farès D. reconnaît être le conducteur d'un fourgon en fuite qui a mortellement fauché un policier en 2020 mais nie toute volonté de tuer, lors de son procès qui s'est ouvert lundi devant les assises du Rhône.
A 24 ans, le visage encore juvénile, il est jugé pour meurtre sur personne dépositaire de l'autorité publique dans l'exercice de ses fonctions. Parce qu'il est en situation de récidive - il a précédemment comparu devant un tribunal correctionnel pour vol par effraction aggravé, pour lequel il risquait au moins 10 ans de prison -, il encourt la réclusion à perpétuité. "La question c'est de savoir s'il en mesurait les conséquences, et si au-delà de ça, sa volonté était de tuer. Tout le débat de cette audience est celui-là. Et je suis intimement convaincu qu'il n'a jamais eu cette intention", a déclaré à la presse son avocat Me Julien Charle.
Pour bien comprendre les circonstances dans lesquelles le policier Franck Labois est décédé, il faut se replonger dans une enquête de la sûreté départementale qui surveille depuis un certain temps une équipe de malfaiteurs. Une quinzaine de faits leur sont imputés, selon la même méthode : des vols de fret avec violences en se faisant passer pour la police.
Début janvier 2020, le Groupe d'appui opérationnel (GAO) de la sûreté départementale, auquel appartient Franck Labois vient apporter son soutien à l'enquête. Dans la nuit du 10 au 11 janvier, les policiers décident d'interpeller les malfaiteurs après avoir observé en flagrance un nouveau vol.
Cette nuit-là, ils s'en sont pris à un chargement de lessive sur une aire d'autoroute de l'Isère. "Des opportunistes", dit l'un des témoins, major de police, décrivant des malfaiteurs parfois mal préparés. Le directeur du GAO fait à la barre un récit précis de l'intervention, même s'il l'a suivie à distance car sa voiture avait quelques minutes de retard. Sa voix se brise lorsqu'il décrit son arrivée sur les lieux du drame. "Franck est étendu, et là c'est une vision d'horreur", décrit le commandant de police.
«J'ai vu un espace»
Un peu plus tôt ce soir-là, la tentative d'interception se met en place lorsque le fourgon Volkswagen qui transporte la marchandise volée revient en périphérie de Lyon.
Le fourgon se retrouve coincé par deux véhicules, s'immobilise brièvement, puis fait brusquement une manœuvre pour se dégager. Et percute de plein fouet Franck Labois, dressé sur son chemin arme au poing. "Franck a peut-être trop réfléchi", tente de comprendre son chef, qui précise que depuis juillet 2017 "au GAO nous n'avons jamais fait usage de l'arme". Il ne sera relevé aucune trace de freinage au sol. Les prélèvements laissent à penser que le policier a été traîné sur une dizaine de mètres. Son gilet pare-balles a subi d'importants dégâts sous la violence du choc. Il décédera trois jours plus tard à l'hôpital.
Les occupants du fourgon l'abandonnent dans la précipitation. Les objets retrouvés, dont des gants en partie calcinés, et des géolocalisations téléphoniques vont permettre d'identifier et localiser plusieurs suspects parmi lesquels Farès D., arrêté le 16 janvier.
«C'était lui ou moi»
Selon les enquêteurs, celui-ci reconnaît immédiatement qu'il est le conducteur. "J'ai pas voulu faire ça. J'ai vu un espace, j'ai accéléré sans me dire que j'allais le percuter", affirme-t-il en fin de première journée d'audience.
Les témoignages maladroits et imprécis des deux autres jeunes présents dans le véhicule cette nuit-là n'ont pas permis de faire la lumière sur toutes les circonstances du drame, notamment quand ils ont compris qu'ils avaient affaire à la police et quand ou comment ils ont pris conscience qu'ils venaient de rouler sur un policier.
Dans des conversations mises sur écoute à la prison où il est en détention provisoire, Farès D. affirme à des proches que le policier s'est mis devant lui, et voulait "jouer au superhéros". "C'était lui ou moi", affirme-t-il, selon les retranscriptions. Des propos que l'accusé assure aujourd'hui regretter. "J'ai beaucoup de regrets, malgré ce que j'ai pu dire", déclare-t-il. Le verdict est attendu mercredi.