Le jeudi 20 octobre 2022 à 19:17
Le parquet d’Évry a récemment requis un procès à l'encontre de deux surveillants et une cheffe de détention, les accusant d'homicide involontaire après la mort en 2016 d'un détenu de 31 ans dans l'incendie de sa cellule à Fleury-Mérogis.
Ce détenu avait été écroué le 30 mars 2016, son aménagement de peine en semi-liberté ayant été suspendu. Il devait être libéré en septembre 2016. Il est décédé le 1er avril 2016, dans la plus grande maison d'arrêt d'Europe, située en Essonne au sud de Paris. Une information judiciaire avait été ouverte dans la foulée.
Dans son réquisitoire rendu en août dernier et dont l'AFP a eu connaissance, le ministère public a pointé un délai "anormalement long" entre la détection de l'incendie et l'ouverture de la cellule du détenu. Trois agents sont visés : deux surveillants et une cheffe de détention au moment des faits, en avril 2016, qui ne travaillent plus aujourd'hui à Fleury-Mérogis.
En cause, les 18 minutes qui se sont écoulées entre la détection de l'incendie et l'ouverture de la cellule en feu par l'équipe intervenante. Selon l'enquête, cette équipe a passé "au moins 12 minutes" à s'équiper d'une tenue incendie mais aussi d'une tenue "pare-coups", destinée à se protéger des détenus violents. Vu l'urgence de la situation, "cette consigne de revêtir des tenues pare-coups (...) n'aurait jamais dû être donnée", a estimé le parquet dans ses réquisitions.
Si l'équipe intervenante dans la cellule n'est pas mise en cause, leur cheffe de détention, alors âgée de 30 ans, l'est. Le ministère public lui reproche notamment de ne pas avoir formulé "une consigne claire d'intervenir plus vite".
«Panique» ou nonchalance ?
Les deux surveillants en cause, une femme de 41 ans et un homme de 24 ans, étaient chargés des communications dans le bâtiment. Ils étaient aussi en contact avec des agents à l'extérieur du bâtiment, qui ont raconté pendant l'enquête avoir notamment entendu le détenu crier à l'aide.
Ces agents ont dit avoir tenté d'accélérer l'opération en appelant plusieurs fois par talkie-walkie les deux surveillants mis en examen, mais ces derniers n'auraient pas transmis toutes les informations à l'équipe intervenante, selon le parquet, qui leur reproche aussi de ne pas s'être déplacés "sur zone".
Dans un rapport rendu une dizaine de jours après le drame, la directrice de Fleury-Mérogis de l'époque avait dénoncé "la forte vacuité des personnels", en s'appuyant sur des images de vidéosurveillance. "Qu'il s'agisse des personnels de surveillance, ou des officiers, il est difficile de soutenir les images enregistrées. Décontractés, souriants, tout en étant incommodés par les fumées, le manque d'implication est flagrant", écrivait-elle.
Une nonchalance qu'a "totalement" réfutée Richard Forget, l'avocat de la surveillante. "On essaie de diluer la responsabilité pour éviter de froisser quelques responsables", a-t-il jugé. Selon lui, sa cliente n'avait participé à aucun "exercice incendie" en deux ans à Fleury-Mérogis et manquait de formation. L'incendie a engendré "une panique totale" où "personne n'avait vraiment de rôle destiné", a-t-il affirmé, assurant que sa cliente, qui exerce toujours comme surveillante, avait été mieux formée dans d'autres établissements.
Devant la juge d'instruction, en 2018, cette dernière a notamment justifié ne pas avoir transmis certaines informations pour ne pas "rajouter à la panique" des agents qui étaient en train de se préparer.
L'actuelle direction de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, et la direction de l'administration pénitentiaire n'ont pas souhaité commenter. Les conseils de la cheffe de détention et du surveillant n'ont pas répondu aux sollicitations de l'AFP. Celui de la famille du défunt, Amaury Auzou, n'était pas joignable.