Retraites : L'État condamné pour le fichage de manifestants gardés à vue

Le tribunal administratif de Lille a ordonné l'effacement du fichier de suivi des manifestants, jugé illégal. Ce fichier, présenté par le ministère de la Justice comme un "outil de gestion", avait suscité l'inquiétude de plusieurs associations de défense des droits de l'homme qui y voyaient un "fichage politique".
Retraites : L'État condamné pour le fichage de manifestants gardés à vue
Illustration. (Shutterstock)
Par Actu17
Le vendredi 19 mai 2023 à 16:24

Le fichier de suivi des manifestants gardés à vue pendant les manifestations contre la réforme des retraites a été jugé illégal par le tribunal administratif de Lille, ce vendredi 19 mai. Plusieurs associations ont salué cette décision comme un triomphe pour la protection des droits civils.

Lundi dernier, le ministère de la Justice avait reconnu l'existence de ce fichier, le décrivant comme un "outil de gestion". Cependant, des groupes comme l'Association de défense des libertés constitutionnelles (Adelico) et le Syndicat des avocats de France (SAF), ainsi que la Ligue des droits de l'homme (LDH), ont dénoncé le fichier comme un "fichage politique", après la publication d'un article de Mediapart évoquant la situation.

Le tribunal a ordonné au ministère de la Justice et au parquet de Lille de supprimer les données personnelles des manifestants contenues dans le fichier. Il a également condamné l'État à verser 3000 euros aux requérants. "Le tribunal administratif a pleinement exercé son rôle de contrôle des décisions du gouvernement", a réagi Jean-Baptiste Soufron, l'avocat de l'Adelico et du SAF, à l'Agence France Presse (AFP).

Dans sa décision, le juge des référés "estime que la constitution par le parquet de Lille, en dehors de tout cadre réglementaire, d’un fichier recensant les noms, prénom et date de naissance de chaque manifestant placé en garde à vue à l’occasion des manifestations contre la réforme des retraites, ainsi que les suites pénales données, porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée des personnes concernées et ordonne l’effacement des données à caractère personnel qu’il contient", résume un communiqué diffusé par le tribunal.

Le fichier controversé, intitulé "Suivi des procédures pénales - mouvement de la réforme des retraites", est un tableur Excel contenant des détails personnels sur les individus placés en garde à vue lors des manifestations à Lille. Il contient également des informations sur les suites pénales données à leurs arrestations. Le LDH soutient que le fichier a été créé le 17 mars, après l'escalade de la mobilisation suite à l'invocation de l'article 49-3 par le gouvernement à l'Assemblée nationale.

Le ministère de la Justice avait assuré lors de l'audience de lundi que ce fichier était autorisé par le décret régissant la base de données Cassiopée, qui recueille les informations sur les prévenus, les victimes et les témoins des procédures judiciaires des dix dernières années. Ils ont affirmé que c'était simplement un outil pour "gérer un événement particulier" avec un grand nombre de gardes à vue.