Le dimanche 11 décembre 2022 à 11:50
A moins de dix mois de "sa" Coupe du monde, le rugby français joue gros mardi avec le jugement dans le procès intenté au tout-puissant président de sa Fédération, Bernard Laporte. Le parquet national financier (PNF) a requis trois ans de prison, dont un ferme, à l'encontre de l'ancien demi de mêlée et de l'homme d'affaires Mohed Altrad, propriétaire du club de Montpellier, soupçonnés d'avoir noué un "pacte de corruption" en 2017.
Il a également appelé à interdire, pendant deux ans, à l'ancien sélectionneur du XV de France d'exercer toute fonction dans le rugby, et à M. Altrad, PDG du géant du BTP éponyme, sponsor maillot du XV de France mais aussi des All Blacks, de gérer une société commerciale.
Un "lourd" réquisitoire, comme l'a qualifié récemment Bernard Laporte, qui a fait réagir Max Guazzini, président emblématique du Stade français entre 1992 et 2011 et ancien employeur du président de la FFR qui a entraîné son club entre 1995 et 1999, avec un Bouclier de Brennus, en 1998, à la clef.
«Acharnement»
"Pour l'avocat pénaliste que j'ai été, a expliqué Max Guazzini dans les colonnes de Midi-Olympique lundi, l'exécution provisoire d'une éventuelle condamnation, demandée par le parquet lors du procès, me semble incroyable et inhabituelle". "Au regard de ce qui lui est reproché, je ressens comme de l'acharnement sur Bernard Laporte", a asséné l'ancien patron de NRJ.
Ces réquisitions interpellent aussi le rugby français, par ailleurs gonflé à bloc par les performances des Bleus qui viennent d'enchaîner une série record de treize victoires et font partie des prétendants au titre mondial 2023. Le parquet ayant assorti l'interdiction d'exercer des fonctions dans le rugby pendant deux ans de l'exécution provisoire de cette peine, celle-ci serait donc à effet immédiat et ne serait pas suspendue par l'éventuelle décision de faire appel du dirigeant.
Quel que soit le jugement prononcé mardi, la FFR, présidée par Bernard Laporte depuis 2016, va devoir se positionner très rapidement sur sa gouvernance. De même pour la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra, très en pointe depuis l'affaire Claude Atcher, qui a vu l'ancien patron du comité d'organisation de la Coupe du monde 2023 être révoqué de son poste en octobre en raison de "pratiques managériales alarmantes".
«Vacance du poste»
Selon les statuts de la FFR, consultés par l'AFP, "en cas de vacance du poste de président, pour quelque cause que ce soit, les fonctions de président sont exercées provisoirement par un membre du bureau élu au scrutin secret par le comité directeur". "Dès sa première réunion suivant la vacance, et après avoir, le cas échéant, complété le comité directeur, l'Assemblée générale (la prochaine est prévue en juin 2023, ndlr) élit un nouveau président pour la durée du mandat restant à courir", soit jusqu'à l'automne 2024.
Contacté par l'AFP, Florian Grill, le président de la Ligue d'Ile-de-France et principal opposant à Bernard Laporte, n'a pas souhaité s'exprimer avant mardi.
Mais dans un récent communiqué, les élus de sa liste "Ovale ensemble" se sont "élevés" contre "l'avance des frais d'avocats de M. Laporte et Serge Simon" - le N.2 de la Fédération, lui aussi sur le banc des prévenus - "pour 200 000 euros en 2022", pointant du doigt dans le même temps "l'augmentation du prix des licences de +45%".
Enfin, à Dublin, où siège World Rugby, l'instance dirigeante du rugby mondial dont Bernard Laporte est vice-président depuis mai 2020, on a également coché la date du 13 décembre à l'agenda, en rappelant qu'a été nommé le 1er août dernier un "responsable indépendant pour les questions d'éthique", chargé de mettre en œuvre son "code d'intégrité" voté en mai 2021.