Le samedi 14 juin 2025 à 11:24
Le tribunal pour enfants de Nanterre a condamné ce vendredi deux adolescents, âgés de 13 ans au moment des faits, à des peines de neuf et sept ans d'emprisonnement ferme. Ils étaient jugés à huis clos pour viol en réunion sur mineure de moins de 15 ans, avec la circonstance aggravante que le crime a été commis en raison de la religion de la victime, âgée de 12 ans. Les deux jeunes hommes, qui comparaissaient détenus, encouraient une peine maximale de dix ans de prison.
Un troisième accusé, âgé de 12 ans et 10 mois au moment des faits et ancien petit ami de la victime, ne pouvait être condamné à une peine de prison en raison de son jeune âge. Il a écopé d'une mesure éducative de cinq ans, assortie d'une obligation de soins et d'un placement en foyer. Il était jugé pour complicité. Le tribunal a estimé que "ses consignes et sa simple présence ont aidé à la commission de ces viols".
En prononçant la décision, le président du tribunal a justifié la sévérité des peines, "nonobstant leur jeune âge et les carences éducatives importantes, au regard de leur personnalité toujours inquiétante et du trouble social immense à la société et [à la victime] et en raison de ce qu’elle était : une jeune fille de confession juive". Le magistrat a ajouté qu'"il est indubitable que [la victime] n’aurait pas été violentée ni violée si elle n’avait pas été juive".
Un déchaînement de violence motivé par la haine
Les faits remontent au 15 juin 2024. La jeune victime avait raconté aux policiers avoir été entraînée dans une crèche désaffectée de Courbevoie, non loin de son domicile. Là, durant près d'une heure, elle a été traitée de "sale juive", insultée, frappée et interrogée sur Israël. Deux des agresseurs l'ont ensuite violée à plusieurs reprises, tandis qu'un troisième filmait la scène. La victime a confié aux enquêteurs "s’être vue mourir" durant l'agression. Avant de la laisser partir, l'un des agresseurs l'a menacée de mort si elle parlait à la police et a tenté de lui extorquer 200 euros.
Selon l'enquête, le mobile antisémite était central. L'ex-petit ami de la victime, jugé pour complicité, aurait agi par "dessein vengeur" après avoir découvert qu'elle était juive, alors qu'elle lui avait menti sur sa religion en se disant musulmane. Le président du tribunal a affirmé que cet adolescent "nourrissait à l’égard de la confession juive une haine profonde, notamment au travers du conflit israélo-palestinien".
Outre le viol et la complicité, les trois mineurs étaient également poursuivis pour une série d'autres infractions aggravées par le caractère antisémite : agression sexuelle, tentative d'extorsion, captation d'images à caractère sexuel, violences en réunion et injure non publique.
Des réactions contrastées
Présente au tribunal avec ses parents et sa psychologue, la victime a fondu en larmes à l'annonce du délibéré. L'une de ses avocates, Muriel Ouaknine-Melki, a salué la décision du tribunal : "Il y a eu une véritable prise en compte par le tribunal de la montée exponentielle de l’antisémitisme. Il y a une prise en compte du fait qu’en 2024, en France, on puisse aller chercher une jeune fille parce que juive, parce qu’elle avait caché sa religion et qu’elle avait peur de représailles ou d’agression si elle disait qu’elle était juive".
La défense, de son côté, a exprimé son désaccord. Me Melody Blanc, avocate du jeune homme condamné à neuf ans, a regretté : "Il a fallu coûte que coûte retenir la circonstance aggravante relative à la religion de la victime. On n’a tenu compte d’aucun élément qui permettait d’expliquer ce passage à l’acte". Elle a indiqué envisager "très sérieusement" de faire appel.
Me Blandine Weck de Terris, qui défendait le mineur condamné à sept ans, a souligné que son client "avait reconnu la quasi-intégralité des infractions". Elle a ajouté : "Il était dans une démarche de participation à l’enquête, de reconnaissance, de remise en question, d’humilité et de demande de pardon", tout en précisant qu'il avait "toujours contesté le caractère antisémite des faits qui lui étaient reprochés".
Cette affaire avait provoqué un choc immense au sein de la communauté juive et une condamnation unanime de la classe politique, donnant lieu à plusieurs rassemblements de soutien. Elle s'inscrit dans un contexte de forte hausse des actes hostiles aux Juifs en France, avec 1570 actes antisémites recensés par le ministère de l'Intérieur en 2024.