Le mercredi 6 avril 2022 à 20:52 - MAJ jeudi 7 avril 2022 à 18:14
Après l'interview de Yannick Jadot dimanche, c'est Marine Le Pen, la candidate du Rassemblement National (RN), qui répond à nos questions ce mercredi.
Actu17 : Quel bilan faites-vous du quinquennat écoulé en matière de sécurité ?
Marine Le Pen : Les Français subissent une dégradation continue de leur sécurité. Les agressions physiques se multiplient. L’ultra violence, parfois gratuite, devient un phénomène banal. Les violences conjugales, qui aboutissent de plus en plus souvent à des assassinats, augmentent. Les représentants de toute forme d’autorité sont devenus les cibles prioritaires des délinquants et des criminels. Vous qui êtes en première ligne face à l’insécurité, qui vivez au quotidien la dégradation de la situation et parfois le naufrage de certains quartiers vous savez mieux que quiconque vers quels abimes peut dévaler notre société.
L’échec des politiques de sécurité publique et des politiques pénales dure depuis des décennies. Cela tient pour beaucoup à un renoncement : refuser d’exercer l’autorité, refuser d’affronter la réalité. Le quinquennat d’Emmanuel Macron fut celui du théâtre. Pire, il laissera parfois pourrir des situations afin de décrédibiliser des mouvements sociaux légitimes, attaquera l’honneur de nos forces de l’ordre en dénonçant les violences policières et relèguera au statut de simple fait divers des agressions et des atrocités pourtant emblématiques de ce que vivent de nombreux Français. Les chiffres et les résultats concrets ne sont pas non plus de son côté.
Il est donc temps de revenir au bon sens, d’infliger des peines justes, de les mettre à exécution sans délai et d’expulser les étrangers à leur sortie de prison. Il est temps de redonner aux forces de l’ordre et à la justice les moyens juridiques et matériels de protéger les Français. Le laxisme doit enfin laisser la place à la fermeté.
En matière pénale, j’instaurerais le principe de la certitude des poursuites, des sanctions et des peines avec le recours aux courtes peines dès la première infractions grave, même pour les mineurs pour lesquels, trop souvent, l’impunité pénale devient une impunité morale. Les étrangers et les clandestins délinquants seront systématiquement reconduits chez eux. Les peines planchers seront rétablis, tout comme la perpétuité réelle. Les procédures judiciaires seront accélérées grâce au doublement des magistrats, des places de prisons construites et les possibilités de réduction et d’aménagements de peine supprimés, en particulier pour les violences. Ma logique, vous l’avez compris, est de rompre avec la récidive et le sentiment exaspérant et légitime que vous avez d’avoir affaire « toujours aux mêmes ».
Comme professionnels de la sécurité publique, au contact du terrain, vous connaissez ce tableau mieux que personne. Vous savez comme moi que cette situation n’est pourtant pas irrémédiable pour peu que les décisions politiques que vous attendez et que vous êtes en droit d’attendre, soient prises. Ce sera le cas.
Les policiers et gendarmes se disent entravés au quotidien par des lourdeurs procédurales et par le poids de missions non-cœur de métier. Que proposez-vous pour que leur action de tous les jours se concentre effectivement sur les missions de sécurité à proprement parler ?
Je ne le sais que trop bien. Je discute avec les gendarmes, les policiers et les autres services de l’État depuis des décennies maintenant. C’est à juste titre que beaucoup d’entre vous s’interrogent sur leur mission, sur les fondements de leur métier, sur la distorsion entre ce qui a motivé votre engagement lorsqu’ils ont embrassé la profession et les conditions réelles de son exercice.
L’épouvantable taux de suicide dans vos rangs comme le nombre de départs volontaires de l’Institution témoignent de manière terrible de ce phénomène, le « Brown out » c’est à dire ce décalage qui existe entre l’idée que vous vous pouviez vous faire du métier et la réalité. C’est là quelque chose auquel il faut nous attaquer sans davantage tarder.
Avec moi, les objectifs seront clairs, les ordres sans ambiguïté, le soutien sans faille. Ce sont des questions sur lesquelles nous avons beaucoup travaillé, en liaison avec de nombreux policiers. Je ferai voter une loi de programmation pour la sécurité et la Justice de 7,5 milliards d’euros sur 5 ans qui permettra de créer 7000 postes de policiers et gendarmes, 3000 postes de personnels administratifs pour vous permettre avant tout d'être davantage sur le terrain.
Je n’attendrai pas 2030 pour renforcer le nombre de policiers affectés à des missions opérationnelles. Afin de rejoindre la moyenne européenne, je doublerai le nombre de magistrats tout en diversifiant leurs modes de recrutement, en y intégrant notamment d’anciens policiers. Parce qu’il est des tâches qui ne relèvent pas d’intervention et par souci de complémentarité des missions, les communes de plus de 10 000 habitants devront également se doter d’une police municipale. Et puis au quotidien, se posent vous le savez, les conditions dans lesquelles vous exercez. Ces conditions matérielles seront revalorisées, et pour cela nous prévoyons un plan de rénovation complet des commissariats, des véhicules en nombre et en qualité, des matériels modernes et efficients ainsi que des séances de tir plus soutenues.
Parallèlement, nous enclencherons une remise à niveau permanente des moyens informatiques et garantirons des stages de formation plus adaptés, notamment pour la gestion des situations difficiles comme les techniques d’interpellation ou d’adaptation des jeunes recrues à la vue du sang.
Les conditions juridiques avec des procédures tatillonnes, chronophages et finalement épuisantes dont vous avez le sentiment qu’elles entravent plus qu’elles ne protègent seront fluidifiées par le soutien de personnel administratif et la transition numérique. Votre tâche doit absolument être facilitée par l’allégement des procédures inutiles, le déblaiement de la paperasse et la fluidification des relations, notamment avec les parquets. Mon but est donc simple, redonner du sens à votre mission, à votre vocation.
Le nombre de suicides dans les rangs de la Police et de la Gendarmerie sont en recrudescence ce début d’année 2022. Quelles sont vos propositions concrètes pour endiguer ce fléau ?
Tout d’abord, vous soutenir. Vous devez être protégés en tant que personne par une culture du débriefing, le principe de traçabilité des interventions difficiles, le soutien dans les procédures judiciaires notamment par l’anonymisation des plaintes et une prise en charge juridictionnelle. En cas de mise en cause médiatique de policiers, les vidéos doivent être rendues publiques par le ministère de l’Intérieur pour vous disculper immédiatement. Je veux également établir une présomption de légitime défense pour les forces de l’ordre.
Vos rapports, fruit d’efforts conforme à votre conscience professionnelle, ne doivent pas être dénaturés pour ne pas déplaire en haut lieu ou au ministre. Au-delà, c’est toute l’institution policière qui doit être défendue au quotidien car rien n’est plus corrosif pour l’État que le bruit de fond infamant accusant la police, bruit trop souvent toléré.
En parallèle, je veux absolument alléger vos soucis personnels par une grande politique sociale en votre faveur. Il faut augmenter le budget social de la police, vous donner accès à une mutuelle très accessible et très efficiente avec une prise en charge par l’État des surcoûts des blessures professionnelles.
Il faut ouvrir une part des logements sociaux à la police notamment pour rompre l’isolement des policiers, accompagner les personnels mutés loin de chez eux ou mieux protéger vos familles. Nous veillerons à limiter les rappels de services et sacraliser certains jours de repos notamment pour des évènements familiaux particuliers. Le suivi médical et professionnel doit être mieux assuré par une meilleure reconnaissance et gestion des stress post traumatiques.
Je mettrai également en place un Plan anti-suicide efficace avec le concourt des organisations syndicales pour appuyer une sensibilisation générale : suivi, entraide, détection des signes avant-coureur, visites médicales spécialisées, mise à l’abri ou réorientation vers d’autres administrations des personnels fragilisés...
Je n’ignore pas que votre Institution est une belle et grande maison, une famille et nous devons veiller à maintenir la convivialité entre vous, une fraternité de corps. L’empathie de la hiérarchie, le tutorat pour les jeunes entrants favorisant le lien des générations, des lieux de repos agréables, des moments de convivialité notamment lors des départs en retraite ou des mutations, la célébration officielle de votre saint patron Saint Martin… Je veillerai à entretenir ce climat humain et fraternel au sein de l’Institution.
Enfin il est légitime de mieux valoriser les éléments positifs de vos carrières par des marques de considération qui me semblent normales : une lettre, une prime, une distinction. Il faut notamment prévoir une accélération de carrière pour les personnels affectés dans les zones difficiles car on y apprend plus vite et on s’y épuise davantage.
Toutes ces mesures endigueront le fléau du suicide et des troubles psychologiques dans vos rang.
La loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur a été présentée en conseil des ministres le 16 mars. Si vous êtes élue présidente de la République, changerez-vous ce texte ? Si oui en quoi ?
Je garderai l’essentiel, en ce sens qu’il faut absolument des investissements. Je ne sais pas si l’affectation restera cependant la même. Il reste que c’est un premier pas et qu’il faut le franchir. En revanche je me réserve le droit d’ajouter des moyens supplémentaires pour répondre à mes promesses de campagne.
Comment imaginez-vous la police et la gendarmerie de demain ?
Je les vois à la fois comme le fer de lance de l’autorité de l’État et comme un service public essentiel à la tranquillité des Français. Je souhaite avoir une police et une gendarmerie de terrain, au plus proche des citoyens, qui ne croulent pas sous une paperasserie trop importante et qui puisse exercer son métier avec bonheur et efficacité. Évidemment, ils seront soutenus par l’État, respectés, et effectifs.
Il y a beaucoup à faire pour remettre d’aplomb la police et la gendarmerie, mais je suis convaincue qu’en cinq ans nous pourrons remettre de l’ordre dans la rue, renouer avec la confiance et la sécurité, rénover les commissariats, rééquiper nos policiers et les réarmer moralement. Tout cela, comme j’ai pu le développer à de nombreuses reprises, fera de nos gendarmes et policiers un maillon aussi efficace qu’indispensable du service public français.
Une note de la Cour des comptes de novembre 2021 révèle que le taux d’élucidation des homicides, des violences volontaires et des cambriolages a baissé. Le grand judiciaire comme le petit judiciaire vont mal. La filière n’attire plus. Quelles sont vos propositions pour revaloriser cette filière tant en police qu’en gendarmerie ?
Comme énoncé plus haut, il y a d’abord la question des moyens. Il est évident qu’il n’y a pas assez de ressources allouées dans le judiciaire, que ce soit pour la police, la gendarmerie et bien sûr la justice. Il va sans dire que ces dernières sont extrêmement importantes pour endiguer la montée de la criminalité, assurer l’autorité de l’État, promouvoir le respect de la loi et surtout rendre justice, car les familles de victimes n’en peuvent plus.
Vient ensuite la question de la revalorisation des conditions de travail, des salaires et du pouvoir d’achat. Les policiers et gendarmes seront bien évidemment concernés par toutes les mesures que je souhaite mettre en œuvre par rapport à ce dernier. Cela va du prix de l’énergie aux exonérations d’impôts sur les transmissions en passant par une politique fiscale de natalité.
Finalement, nous avons le sujet de la promotion du métier et la mise en œuvre d’une véritable volonté politique de lutte contre le crime et l’insécurité. L’État mettra en avant ces carrières, renforcera les campagnes de recrutement et nous pouvons même envisager un soutien culturel à ces beaux métiers que sont la police et la gendarmerie.
Tout ces principes me semblent justes et essentiels pour maintenir une attractivité dans la filière. Je me répète sûrement, mais je suis la seule candidate à pouvoir les mettre en œuvre et répondre à toutes ces problématiques.