Le mercredi 13 avril 2022 à 17:40
Une nouvelle étude réalisée par le centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF) et publiée il y a deux semaines, montre une hausse de la confiance des 18-24 ans en France envers la Police, qui passe de 52% à 60%. Un chiffre qui reste néanmoins inférieur à la confiance de la population en générale. Nous avons interrogé sur ce sujet Guillaume Farde, professeur affilié à l’École d’affaires publiques de Sciences Po et chercheur associé au CEVIPOF, qui est à l'origine de cette note d'étude, avec Floriane Labarussiat, doctorante en science politique au CEVIPOF.
Actu17 : Le dernier baromètre du CEVIPOF que vous avez réalisé en février dernier montre que la confiance des 18-24 ans envers la Police a progressé de 8 points pour arriver à 60%. Quelles sont les raisons de cette hausse ?
Guillaume Farde : Cette hausse est, en réalité, un rattrapage. En 2020, la confiance des Français dans la Police est de 66% tandis que celle des 18-24 ans est de 62%. L’écart n’est que de 4 points et il est, du reste, assez proche de l’écart structurel au sens où les plus jeunes de nos compatriotes ont structurellement moins confiance dans la Police que les plus âgés, toutes choses égales par ailleurs.
En 2021, la confiance des Français en général remonte de 3 points, passant de 66% à 69% tandis que celle des 18-24 ans chute brutalement de 62% à 52%, si bien que l’écart par rapport à la population générale passe de 4 points à 17 points ! J’y vois, pour ma part, la conséquence directe de l’affaire dite « Zecler » dont les images de l’agression ont été très largement diffusées auprès des jeunes sur les réseaux sociaux et, notamment, via des médias très suivis par eux, tels que Loopsider ou Brut.
En 2022, les effets de l’affaire dite « Zecler » étant plus lointains, la confiance des jeunes rebondit de 52% à 60% (+ 8 points). Elle retrouve presque son niveau de 2020 et l’écart par rapport à la population générale se réduit, passant de 17 points à 12 points. Il s’agit donc plus d'un rebond que d'une hausse en tant que telle.
Votre étude montre par ailleurs qu’il existe encore une différence notable dans la confiance des Français de 18-24 ans (60%) et la population générale (72%), envers la Police. Comment peut-on expliquer cet écart ?
L’explication est de nature structurelle et sociologique. Je veux dire par là que les plus jeunes des Français sont davantage enclins à la défiance envers les forces de l’ordre toutes choses égales par ailleurs, que les plus âgés. En 2022, la population générale crédite la Police de 72% de confiance mais chez les plus de 65 ans, ce taux atteint les 85%. Voyez-donc, l’écart entre les 18-24 ans et les plus de 65 ans est de 25 points !
En clair, plus on vieillit plus on est enclin à créditer la Police de sa confiance, toutes choses égales par ailleurs. Sur un plan géographique, on peut aussi trouver des variations de taux mais elles sont plus marginales. Ainsi le Sud-Est crédite la Police d’un niveau de confiance 75% (3 points de plus que la moyenne des Français) tandis que l’Ile-de-France est à 70% (2 points de moins que la moyenne des Français).
‼️Parue aujourd’hui
✍🏼 la première note d’analyse 2022 sur la #confiance dans la #Police du @CEVIPOF avec le soutien d’ @Interiale et de l’@IHEMI_fr
📈 Effet #TikTok ? La confiance des 18-24 ans progresse nettement en 2022 (+8%)
Pour lire la note ▶️ https://t.co/XupyToYGbo pic.twitter.com/ejWB6u4nMO
— Guillaume FARDE (@GFarde) March 31, 2022
Le taux de confiance des Français envers la Justice reste sous la barre des 50% depuis 2015. Il a été mesuré à seulement 48% en février. Plus d’un Français sur deux n’ont donc pas confiance en la Justice. Comment expliquer un taux si faible envers une institution si importante ?
Selon moi, cela s’explique par au moins trois facteurs.
D’abord, l’expérience de justiciable est loin d’être agréable en France. Celui ou celle qui a connu un simple conflit de voisinage, des problèmes d’héritage ou un divorce conflictuel peut témoigner des lenteurs de la justice civile et du coût des procédures afférentes. Ces discours basés sur une expérience directe affaiblissent le niveau général de confiance dans l’Institution judiciaire.
Ensuite, en ce qui concerne la justice pénale, l’image communément répandue est celle d’un très faible taux d’exécution des peines, corrélé à un très fort taux de récidive. La réalité statistique des chiffres de la Justice est, bien sûr, moins caricaturale que cela : le taux d’exécution des peines n’est pas le même pour les délits et pour les crimes par exemple, et beaucoup de Français rendent la Justice responsable de l’absence d’élucidation d’infractions dont ils sont victimes, comme les cambriolages par exemple, alors que le travail d’enquête relève, au premier chef, d’un travail de Police. Malgré la réalité des chiffres et les confusions dans la répartition des missions, l’image d’une Justice inefficace et trop clémente a gagné les esprits.
Enfin, la parole publique de certains responsables politiques a pu dénigrer la Justice en l’accusant de partialité lorsqu’elle instruisait et enquêtait sur tel ou tel dirigeant politique ou sur tel ou tel parti politique. De façon performative, ce dénigrement a affaibli la Justice.
En matière de Justice, je crois qu’il faudrait en revenir à une parole plus mesurée car, en République, nul ne peut se réjouir d’un tel affaiblissement d’une Institution à la base de tout modèle démocratique. Comme la Police, la Justice souffre d’un manque de moyens et de lourdeurs qui entravent son action autant qu’elles altèrent la confiance que les Français lui portent. Et comme la Police, la Justice a besoin du soutien de la Nation tout entière. Les propos qui la dénigrent, d’où qu’ils proviennent, l’affaiblissent considérablement.