Le jeudi 22 octobre 2020 à 00:07
Alors que sept personnes ont été déférées devant la justice, dont deux collégiens de 14 et 15 ans, Brahim C. ainsi que Abdelhakim Sefrioui, les investigations des enquêteurs de la Sous-direction antiterroriste (SDAT) et de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) ont montré que le terroriste avait changé de comportement. Des échanges avec un homme en Syrie ont également été découverts.
L'assaillant âgé de 18 ans, Abdoullakh Anzorov, n'était pas dans le radar des services antiterroristes et n'était ni fiché S, ni inscrit au FSPRT. Lors de leurs auditions, son petit frère de 17 ans et son grand-père ont déclaré qu'ils avaient remarqué un changement dans sa pratique religieuse depuis au moins le printemps dernier relate Le Parisien.
Abdoullakh Anzorov avait changé ses habitudes pour la prière du vendredi, devenant plus assidu, et aurait commencé à visionner des prêches d'imams étrangers "radicaux". Sa mère a déclaré qu'elle craignait qu'Abdoullakh parte en Syrie.
Un homme se trouvant dans une zone instable en Syrie
Les policiers ont d'ailleurs découvert que le terroriste était en contact avec un homme sur Instagram sous le pseudonyme "Al_Ansar_270". Un compte qui a depuis été fermé. L'assaillant originaire de Tchétchénie a communiqué avec son interlocuteur en russe, entre le 12 et le 14 septembre. Les enquêteurs se sont ensuite aperçus par l'intermédiaire de l'adresse IP, que la personne avec qui il avait échangé, dont le pseudonyme était "12.7X108", se trouvait en Syrie dans la région d'Idlib détaille le quotidien francilien. Une zone instable occupée par des groupes terroristes, "Hayat Tahrir al-Cham", lié à Al-Qaïda mais aussi ceux de l'État islamique (EI). Les policiers estiment par conséquent que son interlocuteur était un djihadiste.
Au cours de leurs discussions, Abdoullakh Anzorov interroge ce dernier sur la compatibilité du "martyr" avec l'islam et se renseigne sur la possibilité de faire sa "hijra" (émigrer en terre d'Islam, ndlr). Le terroriste de 18 ans lui fait alors part de sa volonté de "combattre".
Le drapeau de Daech en fond d'écran
Les parents de l'assaillant estime que Naïm B., a influencé Abdoullakh à la salle de sport d'Évreux (Eure). Le suspect qui était un ami du tueur, fait partie des sept personnes qui ont été déférées. Ce dernier ainsi qu'un second ami du terroriste, Azim E., lui aussi déféré, ont indiqué qu'Abdoullakh Anzorov avait déjà changé de comportement il y a un an. Il n'écoutait plus de musique et ne consommait plus d'alcool. En outre, il refusait tout contact avec les femmes, avait mis le drapeau de l'EI comme fond d'écran sur son téléphone et écoutait des chants guerriers islamiques.
Dans le téléphone du terroriste, les policiers ont retrouvé une photo de ce dernier datant de l'été dernier, avec le doigt levé détaillent nos confrères. Un signe de ralliement à la cause djihadiste qui est bien connu. De nombreux messages évoquant le djihad avait également été diffusé sur son compte Twitter "@Tchetchene_270". Le 9 août, il avait écrit une note sur son téléphone : "Toutes les religions ont été mises à genoux, à part l'islam qui est protégé par le roi des rois, Allah. Cette religion restera à jamais triomphante, combattez, encore une fois combattez, mais la vérité restera et le mensonge, lui, disparaîtra car le faux est voué à disparaître".
Abdoullakh Anzorov avait aussi publié sur Snapchat un poème lyrique au groupe terroriste Hayat Tahrir al-Cham, à destination de deux personnes qui n'ont pas été identifiées à ce stade.
Ce sont les vidéos diffusées sur les réseaux sociaux par Brahim C. et Abdelhakim Sefrioui, au sujet de Samuel Paty, qui sont à l'origine du passage à l'acte du terroriste. Une polémique au sujet de l'enseignant reposant "sur des faits factuellement inexacts", a insisté le procureur de la République antiterroriste Jean-François Ricard lors de sa conférence de presse ce mercredi.
"De rien mon frère."
Le tueur a contacté Brahim C. qui avait donné son numéro de téléphone dans l'une des vidéos, le 9 octobre. Il a appelé le père de famille à 19h12 durant une minute et 21 secondes. Ce dernier l'a remercié de son soutien par message peu après. "De rien mon frère." lui a répondu Abdoullakh Anzorov selon Le Parisien.
Le lendemain en fin d'après-midi, les deux hommes ont de nouveau échangé et une image a été envoyée par l'assaillant, à Brahim C. Les policiers cherchent encore à déchiffrer cette photo. Brahim C. a maintenu au cours de sa garde à vue qu'il n'avait pas connaissance du projet macabre du jeune Tchétchène de 18 ans.
Abdoullakh Anzorov écrira le 12 octobre le nom de Samuel Paty dans une nouvelle note, sur son téléphone. Quatre jours avant son passage à l'acte donc. Le jour de l'attentat, après avoir tué l'enseignant et diffusé la photo de sa tête sur son compte Twitter, Abdoullakh Anzorov a adressé un message à un inconnu sur Instagram en se félicitant de son acte. "Allah Akbar" lui répond ce dernier. Le tueur a ensuite été abattu par les policiers qu'il a attaqués. Il avait enregistré peu avant un message audio sur son téléphone dans lequel il affirme avoir "vengé le prophète".
Un changement à partir de l'attaque devant les anciens locaux de Charlie Hebdo
Selon Le Monde, le terroriste avait montré un changement important sur son compte Twitter, le 25 septembre dernier, le jour de l'attentat devant les anciens locaux de Charlie Hebdo. Des écrits diffusés à compter de ce jour-là sur ce compte, montre qu'Abdoullakh Anzorov était totalement obsédé par l’islam radical. A trois reprises au moins, il a cherché à se procurer l’adresse de personnes coupables à ses yeux d’avoir insulté le prophète. Samuel Paty serait le quatrième.
Le jour de l'attaque commise à Paris dans laquelle deux salariés de l’agence Premières Lignes ont été grièvement blessés par un jeune Pakistanais, le terroriste avait modifié sa phrase de présentation sur Twitter par une sourate du Coran, prononcée généralement lors des décès : « C’est à Dieu que nous sommes et c’est à Lui que nous retournons ». Il demandera ensuite à ses contacts, deux fois, l’adresse de personnes qui auraient selon lui, insulté l'Islam sur les réseaux sociaux précise le journal.
Puis, le 30 septembre, l'assaillant de Conflans a promis de faire des invocations à celui qui lui communiquera l'adresse d'un collégien qui était accusé sur les réseaux sociaux, d'avoir tenté de faire chanter une jeune fille musulmane sur Snapchat, car ce dernier détenait des photo d'elle non voilée. Abdoullakh Anzorov prenait soin de ne jamais répondre à ceux qui lui demandaient ce qu'il avait l'intention de faire.
D'autre part, un homme avait fait part sur Twitter, quelques jours avant, de sa volonté de mourir en se faisant « couper la tête en plein djihad ». Le terroriste lui avait répondu « MDRRRRR, discretos amigos ». Le compte de cet internaute a depuis été clôturé, comme les nombreux autres avec lesquels il échangeait de manière régulière.