Le jeudi 19 décembre 2024 à 18:42
La disparition de Lina, âgée de 15 ans, avait bouleversé la France entière. L'adolescente avait disparu le samedi 23 septembre 2023, alors qu'elle se rendait à la gare de Saint-Blaise-La-Roche (Bas-Rhin), à environ trois kilomètres de son domicile, pour rejoindre son petit ami à Strasbourg. Près d’un an plus tard, le 16 octobre 2024, son corps sans vie a été retrouvé dans une zone boisée et isolée de la région de Nevers (Nièvre).
Ce mercredi en début de soirée, Alexandre Chevrier, procureur de la République par intérim de Strasbourg, a publié un communiqué détaillant les résultats des expertises réalisées sur le corps de l’adolescente. Le magistrat précise que le corps de Lina était "en grande partie immergé dans un cours d’eau" et qu'il portait toujours "l’ensemble des vêtements" qu’elle portait le jour de sa disparition. Le travail des experts a cependant été compliqué par "l’état de dégradation du corps" dû à "son exposition prolongée en milieu aquatique".
Une autopsie ainsi que des analyses complémentaires ont été réalisées par l’Institut de Recherche criminologique de la gendarmerie nationale (IRCGN). Les conclusions, bien qu’incertaines, permettent de dresser plusieurs constats importants. Les expertises médicales n’ont pas permis de déterminer "formellement la cause du décès". Toutefois, des indices concordants orientent les enquêteurs. Un "sillon horizontal sous le menton", ainsi qu’un "tissu entourant la région cervicale et la base du crâne", ont été relevés, ces éléments suggérant "une strangulation mécanique à l’aide du tissu découvert".
Un sac de type tote-bag
Les médecins légistes ont également constaté "la présence de fissures linéaires sur la partie gauche de la région mandibulaire", potentiellement causées par une "action traumatique au niveau de la partie inférieure de la mandibule et au niveau de la partie supérieure du cou". Aucun autre traumatisme ante mortem n’a été identifié.
Les analyses ont révélé que le tissu retrouvé sur la victime correspondait "à un sac de type tote-bag". Selon le communiqué, "ces éléments tendent à démontrer que le décès résulte d’une manœuvre d’étranglement à l’aide des anses de ce sac". Par ailleurs, les analyses de diatomées, des micro-organismes présents dans l’eau, ont permis "d’écarter l’hypothèse d’un décès par noyade".
Aucune trace de substances toxiques ou stupéfiantes
Les résultats toxicologiques n’ont révélé "aucune trace de substances stupéfiantes, médicamenteuses ou toxiques". Les analyses génétiques pratiquées sur les vêtements de Lina sont également "négatives". Il n’a toutefois pas été possible de réaliser "d’examen ni de prélèvement au niveau gynécologique".
Une enquête toujours en cours
Le procureur par intérim précise que "diverses analyses sont toujours en cours" et que les investigations se poursuivent "sur commission rogatoire dans le cadre de l’information judiciaire". Concernant le principal suspect, Samuel Gonin, toutes les preuves réunies jusqu’à présent pointent vers "une action solitaire". Le communiqué indique qu’"il n’a été établi aucun lien entre ce dernier et d’autres faits de nature similaire".
Selon le parquet de Strasbourg, "selon toute probabilité, l’information [judiciaire] sera clôturée à la fin du premier semestre 2025".
Le procureur Alexandre Chevrier a tenu à saluer "la qualité exceptionnelle du travail des enquêteurs de la section de recherches de Strasbourg et des experts de l’IRCGN", qui ont permis d’avancer dans cette affaire extrêmement complexe.
«À un moment ou à un autre, elle a été ligotée»
Dans cette enquête, les gendarmes sont parvenus à identifier l'auteur présumé de l'enlèvement et du meurtre, Samuel Gonin, 43 ans. L'homme s'est suicidé le 10 juillet dernier, quelques jours avant que l'ADN de Lina soit découvert dans la voiture volée qu'il utilisait au moment de la disparition de l'adolescente. "Ce véhicule se trouvait précisément sur le lieu exact de la disparition de Lina à 11h20 et 11h26", avait détaillé Alexandre Chevrier, lors d'une conférence de presse, le 19 septembre dernier. Dans la voiture, les gendarmes ont découvert deux cordes dans le coffre, sur lesquelles l'ADN de Lina et celui de Samuel Gonin a été relevé. Il s'agit d'"ADN de contacts". "À un moment ou à un autre, elle a été ligotée", avait précisé le procureur. Aucune trace de sang n'a été découverte dans la voiture qui était conduite par le suspect principal depuis plusieurs mois, a souligné le magistrat. L'ADN de l'adolescente a également été retrouvé sur le siège arrière du véhicule, sur la ceinture de sécurité de la place arrière centrale et sur la boucle de ceinture du passager arrière droit.
Les gendarmes sont parvenus à retracer en partie le parcours de Samuel Gonin au volant de cette Ford Puma, en exploitant le système multimédia du véhicule, étant donné que le suspect avait désactivé le système de géolocalisation de la voiture, volée fin août en Allemagne. Samuel Gonin était déjà connu de la police et la justice. Il devait comparaître le 22 juillet dernier au tribunal de Besançon pour deux violentes agressions.
«J'ai perdu mon honneur, ma dignité et mon humanité»
L'été 2023 semble avoir "marqué une rupture dans le parcours" du suspect qui était âgé de 43 ans, originaire de Besançon (Doubs), qui avait deux enfants. L'homme a quitté son travail et sa famille durant cette période. "Il consomme de fortes quantités de produits stupéfiants, du cannabis, de la cocaïne et parfois du crack", avait décrit le magistrat, évoquant un "état dépressif important" du suspect. Quelques semaines avant la disparition de Lina, en août 2023, le quadragénaire devait être jugé pour avoir suivi une nonagénaire dans le quartier des Chaprais à Besançon, puis s'être brutalement jeté sur elle avant de lui arracher son sac à main. L'agresseur lui avait dérobé son chéquier, de l'argent et son téléphone. Le jour de cette violente agression, le suspect s'était également rendu dans une supérette. Il avait agressé une caissière avec un couteau, menaçant de "la planter" avant de s'emparer d'une liasse de billets et de prendre la fuite. Samuel Gonin a laissé un mot avant de se donner la mort : "J'ai perdu mon honneur, ma dignité et mon humanité. Je dois partir, je ne sais pas me contrôler, ça va trop vite".
Lina a disparu le samedi 23 septembre 2023 en fin de matinée, alors qu'elle se rendait à la gare de Saint-Blaise-La-Roche, située à environ trois kilomètres de son domicile de Plaine, pour rejoindre son petit ami qui habite Strasbourg. C'est ce dernier qui a donné l'alerte, ne la voyant pas arriver. Les premières investigations ont montré que l'adolescente n'était jamais montée dans ce train. Son téléphone a cessé d’émettre à 11h22 et n’a pas été retrouvé.