Agression d'Yvan Colonna : le parquet antiterroriste se saisit de l'enquête, l’agresseur évoque un «blasphème»

Yvan Colonna est toujours dans le coma à l'hôpital.
Agression d'Yvan Colonna : le parquet antiterroriste se saisit de l'enquête, l’agresseur évoque un «blasphème»
Le portrait d'Yvan Colonna sur l'avis de recherche de la police judiciaire, en 2000. (Maxppp)
Par Actu17 avec AFP
Le jeudi 3 mars 2022 à 14:17 - MAJ jeudi 3 mars 2022 à 16:38

Le parquet national antiterroriste (PNAT) s'est saisi jeudi de l'enquête sur la violente agression à la prison d'Arles qui a plongé dans le coma le militant indépendantiste corse Yvan Colonna, sur fond de montée des tensions dans l'île de Beauté autour du mot d'ordre "L’État français assassin". L'agresseur, Franck Elong Abé, un Camerounais de 36 ans présenté comme un "jihadiste", purgeait depuis 2016 une peine de neuf ans d'emprisonnement pour "association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme".

Selon plusieurs sources proches du dossier, il a expliqué aux enquêteurs son geste par un "blasphème" attribué à Yvan Colonna qui aurait, selon lui, "mal parlé du prophète". "Les circonstances des faits et les premiers éléments d'enquête qui semblent, en l'état, exclure un différend d'ordre personnel, motivent cette saisine", a indiqué de son côté le PNAT dans un communiqué, ajoutant que sa compétence "résulte également de l'exécution en cours d'une peine pour infraction terroriste par la personne mise en cause".

La garde à vue de Franck Elong Abé se poursuit désormais pour "tentative d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste". La saisine du PNAT "va entraîner la prolongation de la garde à vue jusqu'à 96 heures, et l'auteur des faits devrait donc être transféré de Marseille vers les locaux de la SDAT (sous-direction antiterroriste) d'ici vendredi soir", a-t-elle ajouté.

"Nous allons faire tout ce qu'il faut évidemment pour que la vérité soit faite", a promis sur France Inter le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin.

Yvan Colonna, 61 ans, était toujours dans le coma jeudi matin à Marseille, dans un état stable, a indiqué à l'AFP Me Patrice Spinosi, son avocat et celui de la famille Colonna, insistant sur le fait qu'il n'était pas en état de mort cérébrale.

Le militant indépendantiste, condamné à la perpétuité pour l'assassinat du préfet Claude Erignac en 1998, a été victime "d'une strangulation à mains nues puis d'un étouffement" pendant qu'il faisait de la musculation seul, avait indiqué mercredi le procureur de Tarascon, Laurent Gumbau. Mais en Corse les interrogations et les accusations fusent sur une possible responsabilité de l’État alors qu'Yvan Colonna réclamait de longue date son rapprochement sur l'île.

"Gloire à toi Yvan"

Ses multiples demandes avaient été systématiquement refusées, le statut de "détenu particulièrement signalé" (DPS) du militant corse l'empêchant d'être transféré à la prison corse de Borgo. Après des rassemblements à Ajaccio, Bastia et Corte mercredi soir, c'est l'université de Corte qui était bloquée jeudi matin.

Des poubelles et des palettes ont été disposées pour bloquer l'entrée. Sur la façade, deux banderoles portant des messages en corse étaient brandies: "statu francese Assassinu" (l’État français assassin) et "Gloria Ate Yvan" (Gloire à toi Yvan). Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées en début d'après-midi à Corte pour définir la suite de la mobilisation. Parmi elles, le président du conseil exécutif de Corse Gilles Simeoni, le député nationaliste Jean Felix Acquaviva ou la présidente de l'Assemblée de Corse Marie-Antoinette Maupertuis.

Le parti indépendantiste Corsica Libera a déjà appelé "à marcher contre la préfecture" ce samedi à Ajaccio. Des gendarmes mobiles et des CRS ont été envoyés en renfort sur l'île en prévision des manifestations.

Jean-Christophe Angelini, qui appelle aussi à la mobilisation à Corte avec le parti autonomiste d'opposition PNC (Parti de la nation corse), a réclamé "la vérité sur cet acte inqualifiable", se demandant si l'agresseur d'Yvan Colonna "a obéi à une pulsion de mort... ou à un ordre de mission ?"

Le berger de Cargèse avait été arrêté le 4 juillet 2003 près du village d'Olmeto (Corse-du-Sud), après quatre ans de cavale. Huit ans plus tard, et après trois procès, celui qui a toujours affirmé n'avoir "jamais tué" personne avait été condamné le 20 juin 2011 à la réclusion criminelle à perpétuité pour l'assassinat du préfet Erignac. Il l'a toujours nié.